L’occasion m’a été donnée, il y a quelques années de prendre connaissance des travaux de Jared Diamond*, et plus particulièrement ceux de son livre référence «Collapse : How Societies Choose to Fail or Succeed» (2005) dans lequel il a étudié et répertorié exactement les principes que l’on retrouve dans l’effondrement des sociétés Mayas, des Vikings, des habitants de l’Ile de Pâques, de toutes les grandes civilisations d’Amérique centrale ou de Mésopotamie. À chaque fois, les 5 mêmes facteurs étaient réunis…
Le premier de ces cinq facteurs on le connaît, on ne parlait que de ça avant le Covid-19, c’est le facteur environnemental. Nous avons infligé depuis deux siècles, et surtout depuis une cinquantaine d’années, des dommages environnementaux pour certains irréversibles, à notre environnement immédiat, comme les Mayas, dont la déforestation intensive (déjà), pour étendre leurs cultures, a totalement déréglé l’immédiat éco-système. La différence avec ces civilisations, c’est que la nôtre, son «environnement immédiat» c’est… notre petite planète toute entière !
Le deuxième facteur, c’est le dérèglement climatique, lié à ces dérèglements de l’éco-système… Toutes les grandes civilisations ont fait face à ce dérèglement… Qui dit dérèglement climatique dit, comme effet immédiat, l’affaiblissement des éco-systèmes… c’est là que rentre en mouvement le cercle vicieux du dérèglement climatique et son emballement. Ce phénomène a un impact immédiat sur les ressources et mène rapidement à la pénurie alimentaire (mais pas seulement) et engendre une déstabilisation des sociétés, avec des conséquences économiques, géopolitiques, et sociales majeures. Ça n’est pas pour rien que les Chinois achètent des terres agricoles partout dans le monde !
Le troisième facteur, c’est la résurgence des conflits militaires… ça découle des deux premiers facteurs, qui atteignent la capacité des états à maintenir la paix avec leurs alliés… On renoue avec les conflits, on se fait la guerre… À l’heure actuelle la France est en guerre au Mali, soi-disant contre DAESH ou un de ses avatars, alors qu’en réalité il s’agit de protéger nos approvisionnements en ressources stratégiques, il ne faut pas l’oublier.
Quatrième facteur extrêmement important c’est le délitement des alliances diplomatiques et plus ça va mal plus elles volent en éclats. En effet, lorsqu’on en est au stade de la survie alimentaire, ou sanitaire, les alliances ne tiennent plus. L’épisode calamiteux de l’interception des masques destinés à l’Italie par la République Tchèque en est un exemple frappant. On le voit aujourd’hui et on en est tous conscients. Le Covid-19 met l’avenir de l’Europe entre parenthèses… Bien malin qui pourrait dire ce que ça va donner !
Le cinquième facteur n’est pas le moins inquiétant, c’est que les élites dirigeantes sont incapables d’expertiser la chute de leur monde, elles sont incapables de changer leur prisme d’analyse. Quel est le résultat ? C’est simple : elles mènent une politique de caste, politique qui accentue le processus et qui précipite l’effondrement !
A bien y regarder, tous ces phénomènes se sont enchaînés merveilleusement dans ce que d’aucuns appellent la «crise du coronavirus»… Y voir une crise est selon moi une erreur d’analyse. Nous sommes confrontés non pas à une crise, ce qui voudrait dire que le «système» retrouverait «après» son état «antérieur», mais bien à un effondrement du système, à la disparition d’un modèle. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les efforts invraisemblables que mènent certains pays pour contrer les effets économiques de ce virus. Et vas-y que je te balance des milliards par ci, des milliards par là : 2000 milliards de dollars injectés dans l’économie américaine, l’UE injecte 37 milliards d’euros dans les régions, la France 4 milliards d’euros dans les start-ups… et rien dans l’hôpital, etc etc…Si ça n’était qu’une crise, i.e. «le bouleversement passager d’un équilibre destiné à retrouver son état antérieur», ils ne s’agiteraient pas tous comme ça… Non ! Cette agitation fébrile n’a pour seul but que de sauver le monde, LEUR monde, tel qu’il est aujourd’hui.
Il suffit pour s’en convaincre de voir les mesures prises par le gouvernement d’Édouard Philippe en cette période de confinement. L’état d’urgence sanitaire lamine les droits sociaux (ce qu’il en reste après la scélérate loi Travail de 2017) et permet à plusieurs secteurs économiques de faire travailler les salariés jusqu’à 60h/semaine. Ces secteurs sont entre autres, «l’énergie», «les télécoms», «la logistique», «les transports» ou encore «l’agroalimentaire»… Comprenez ENGIE, SUEZ, ORANGE, BOUYGUES, SFR, FREE, AMAZON, SNCF, AIR FRANCE, DANONE, BESNIER, NESTLE, MONDELEZ, etc. Bref, vous l’aurez compris, la priorité des aides est pour les oligopoles, les «grosses boîtes» où sont actionnaires l’État et les amis du jeune banquier d’affaires qui se prend pour Clemenceau. Pour les artisans, rien, les petits patrons, rien, les indépendants et les professions libérales, rien… L’argent va à l’argent… business as usual.
Toutefois, vu l’ampleur de la crise, il y a fort à parier que ça ne suffise pas… Il faut l’espérer même, et souhaiter que ce monde s’écroule pour de bon. Ce virus microscopique permet de montrer à quel point le système libéral est faible et incapable de tenir face à un élément pathogène au comportement inconnu. Pourtant, tous ces managers qui nous dirigent, tous ces «entrepreneurs», tous ces gens qui se gargarisent d’avoir «créé des emplois», monté des boîtes, semblent bien incapables de «gérer» cette pandémie, et de combattre ce virus ! Il va leur botter le cul ! Oui, mais à quel prix ? Des milliers, dizaines de milliers, centaines de milliers de morts, certainement.
Ces morts ne sont pas fortuites, non… Elles sont le résultat immédiat de décisions prises par les gouvernements successifs depuis 1983 dans la gestion de la santé publique en France, et depuis des décennies partout dans le monde par les gouvernements d’obédience libérale. Il est intéressant de noter à ce titre que les pays aux gouvernements plus «autoritaires» s’en sortent a priori mieux sur le plan humain que les pays plus «libéraux». Il est intéressant de noter que c’est Cuba, cette infâme-dictature-communiste-où-les-gens-meurent-de-faim-tous-les-jours, qui envoie des médecins et des soignants, sans doute parmi les mieux formés au monde, pour soutenir les équipes italiennes, mais comme le Venezuela ou la Russie. Les Italiens attendent encore l’aide de l’U.E., l’U.E. qui protège… les intérêts de la caste.
Contre cette situation, des voix s’élèvent, sur les réseaux sociaux, dans la presse «non alignée» pour dénoncer l’attitude de Macron, pérorant comme un petit caporal en campagne, et contre le gouvernement dont les décisions et les annonces sont jugées criminelles. Des déclarations de Buzyn fin janvier selon lesquelles «il n’y a pas de risque épidemique en France», aux injonctions à sortir au théâtre, au ciné ou au restaurant de Macron, du maintien des élections municipales aux déclarations de Sibeth Ndiaye prenant les français pour des cons, des errances aux carences, tout l’exécutif a fait la démonstration de son incapacité à affronter ce virus. La déclaration tonitruante de Macron, répétant ad nauseam «nous sommes en guerre», fut à la fois ridicule, inepte et inutilement anxiogène…
Du coup, des milliers de voix s’élèvent : #IlsSavaient #onnoublierapas et #RDVauProcès ont fait leur apparition sur les réseaux sociaux et un kit pour porter plainte a été mis en ligne à l’initiative du camarade Bruno Gaccio (www.plaintecovid.fr) et qui permet selon votre situation de trouver un modèle de plainte à déposer contre le gouvernement.
Tout ça ne doit pas nous empêcher de penser, de réfléchir et d’imaginer le «monde d’après». Ce virus met en évidence que certaines industries doivent être mises «sous contrôle» si l’on veut un monde où l’humain soit au centre des choses, en particulier toutes celles touchant au médical et à la santé (l’exemple LUXFER est criant à cet égard), mais aussi toutes celles touchant à la souveraineté alimentaire, et surtout à la souveraineté économique. Or, il ne peut y avoir de souveraineté économique, sans souveraineté… financière et… monétaire !
Mais c’est un autre débat !
*Jared Mason Diamond, né le 10 septembre 1937 à Boston, est un géographe, biologiste évolutionniste, physiologiste, historien américain. Professeur de géographie à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), il est surtout connu pour ses ouvrages de vulgarisation scientifique : De l’inégalité parmi les sociétés (prix Pulitzer 1998) et Effondrement.