Autant avant il y a eu quelques années de TerenceMalickwashing avec les banques et l’imagerie écolo autant il y a eu le ukulelewashing avec cette petite mélodie bien dégueu pour vendre des assurances autant il y a aussi le socialwashing d’un cynisme vertigineux (vu le niveau éthique des deux enseignes) de Lidl et Mc Do autant se présente aujourd’hui une nouvelle peau de banane sémiotique pour nous soucieuses d’un peu de dignité vis-à-vis des plus démunis, qu’encore une fois nous laissons (collectivement) délibérément choir, j’ai nommé le cutewashing.
Autant Philippe Katerine est le plus cool monument français depuis Gainsbourg et Daho autant l’ours Paddington est d’une coolness irrésistible pour nous les ravies de la crèche autant leurs deux dernières apparitions se manifestent dans le cadre de la plus cynique matrice (le bon marché, lvmh) et d’une pathétique survivance de l’ordre kolonial (le jubiley) = de facto utiliser de telles armes de mignonceté massive non pour explicitement opprimer la majorité mais en surface pour adoucir les mœurs. La violence sociale sans borne imposée par les sécessionnistes du CAC 40 alliée aux vestiges de l’ordre esclavagiste variante anglicane, tout ce qui au fond rend impossibles les conditions de quelque chose de mignon, qui commence nécessairement par s’assurer que tout le monde a au moins un couvert, un toit, un hôpital et une école, condition non négociable. There is such a thing as society.
Le bon marché est coutumier du fait. Montrer une exposition punk en 2019 quand on appartient au groupe de celui qui pourrait acheter des villes et pèse plus que certains états, dissocier à ce point le fond de la forme est d’une grande malhonnêteté sémiotique et s’avère une maladroite et pathétique appropriation. Un peu comme mon père qui n’écoute que du jazz (à papa certes) dans sa triste audi grise en sortant des horreurs sur les étrangers dans la rue et en répétant bêtement tous les arguments « valeur travail macht frei » alors que l’ensemble des valeurs portées par cette école est exactement inverse. Y’a discrépance là, papa.
J’en ai un peu marre de toujours faire ma moraliste alors qu’en fait je veux juste rigoler, mais on rigolerait plus si tant de nos congénères n’étaient pas réduits à la mendicité nan ? Encore une fois sans trop faire ma connasse marxisante personne ne peut contester que cet état de fait soit lié à un problème de répartition en non de disponibilité on est bien d’accord ? Il ne s’agit pas de faire des miracles il s’agit juste, de façon réaliste et pragmatique, de partager à peine plus. Mais nan t’inquiète camarade dominant.e garde ta merco et tes patek philippe (même si pour de vrai, ça n’a rien de chic) si ça t’amuse mais pourquoi posséder et exploiter 5 immeubles par exemple ? Est-ce que 2 ou 3 ne suffiraient pas ? Ce ne serait pas la misère je t’assure ! Le problème ce n’est même plus trop la domination bourgeoise (c’est qu’ils sont fragilisé.es aussi les pauvres ( :))))))), c’est la prédation des 1%. Concrètement, les 500 plus grandes fortunes françaises ont augmenté de 5% pour dépasser les 1 000 milliards d’euros en 2022 donc l’équivalent des deux tiers du budget d’un État d’environ 67 813 396 âmes. Sinon ça va les gars la conscience ? Oui oui je sais c’est un peu plus complexe que ça mais le rapport d’échelle reste éloquent. Comparé à Bernard Arnaud, Louis XIV était un indigent.
Cerise sur le gateau : le tout récent NFT de T’Choupi, personnage plutôt cool par ailleurs. Déjà que l’esthétique dominante dans ce format est une vilaine resucée pop futuriste digitale de 1992, là c’est un peu comme un vieux monsieur en imperméable qui propose des bonbons aux enfants à la sortie d’une école, on peine à avoir confiance. Là ce serait plus “viens petit, tu vas voir la spéculation c’est super”. En vente : 2.022 NFT « inédits » (égal une virgule changée ici ou là pour attester d’une unicité) à 250 euros, sauf qu’esthétiquement ça a autant d’avenir que les barbes rectangulaires. Plus 30 NFT « premium » à 1.000 euros pour les plus futés, destination le metavers, le minitel de la semaine dernière. Stanislas Mako, PDG de la plateforme Kalart : ”On s’adresse à ceux qui ont grandi avec, plutôt qu’aux enfants. Les internautes qui s’élèvent contre les NFT T’Choupi s’élèvent en fait contre l’image des NFT en général, sur laquelle ils ont des préjugés.” Ouais c’est ça on n’a rien compris. LOL
Le NFT de Cronenberg avec son calcul rénal à $30.000 on sait pas trop quoi dire (en même temps vu sa filmo il a un peu tous les droits), à la limite c’est tellement débile pourquoi pas mais quand est-ce que quelqu’un met grâcieusement en ligne un NFT avec la tête d’Orlinski sculptée en merde de chien ? Xavier Veilhan tu aurais deux minutes ? Les protagonistes sont souvent tellement nuls qu’au moins on rit grâce à eux, et ça c’est notre cadeau.
Un peu comme la très satisfaisante Black 3.0 “the world’s blackest black acrylic paint” que l’artiste britannique Stuart Semple commercialise €30,95 depuis le 3 février 2017 pour ridiculiser le Vantablack (nanocubes de carbone absorbant 99 % de lumière) dont Anish Kapoor a acquis l’exclusivité quelques mois avant. Etre Robin des Bois est à portée de main. Outre les fluos, le chrome-miroir, le “Black Mirror” ou l’Incredibly Kleinish Blue tout aussi accessibles aux sans-dents, Stuart Semple demande à chaque visiteur du site de confirmer qu’il n’est pas Anish Kapoor, c’est hilarant. « Nous nous souvenons tous des enfants à l’école qui ne partageaient pas leurs crayons de couleur, mais ils se sont ensuite retrouvés seuls sans amis. C’est cool, Anish peut avoir son noir. Mais le reste d’entre nous jouera avec l’arc-en-ciel ». A la niche Anish.
Est-ce que Philippe Katerine, T’Choupi et Paddington ne pourraient pas faire un opéra rock pour la semaine de 20 heures pour toutes et tous ? Contre l’évasion fiscale ? Ou au moins pour Oxfam ? On aurait envie que nos icônes et nos doudous fassent un move pour le mignon du signifié, pas juste du signifiant. Pas de sermon, merveilleux Philippe, pas de morale, je voulais seulement partager ce doute avec toi, même si tu ne me liras pas et quoi qu’il en soit, saches que je t’aime.
Dominique Browne
Un jour peut-être :
Diamant et prédation : pourquoi les super-riches tiennent-ils comme valeur indépassable deux pierres incarnant à ce point l’exploitation de la Nature et de « l’Humain » ?
Hymnes de foot : pourquoi les supporters ont adopté deux groupes ultra-pédés comme Queen et Pet Shop Boys ? Alors les chéries, on refoule un truc ?
fondation vuitton, bourse du commerce : les nouvelles Indulgences. Vider les lieux ? (ou collectiviser ? ☺)))))))) Rendre l’argent ? Plutôt crever que d’y foutre les pieds. Non vous n’aurez pas de majuscules, vils coquins.
Ps : ce texte est dédié à la mémoire de Denis Quélard, âme du Pop In, bar indie souvent drôle et refuge de toutes les brindilles, victime du cancer mais aussi du harcèlement de la préfecture. On ne t’oublie pas doudou, tu seras toujours dans nos cœurs, on continue le combat.