Quatre mois et dix jours. Voici donc le temps qu’il faut à l’Europe pour consommer autant de ressources naturelles qu’elle n’est capable d’en renouveler en un an. WWF tire le signal d’alarme, rappelant au passage que ce «jour du dépassement» tombait au moins d’octobre en 1961… Une évolution préoccupante, alors que l’écologie est aujourd’hui une question centrale pour notre société.
Macron, le green communicant
«Let’s make our planet great again». Par ce tweet, Emmanuel Macron s’amusait il y a quelques mois à détourner le slogan de campagne de Donald Trump en 2016, afin de prendre à contrepied le Président américain sur la question écologique. Il faut dire que ce dernier, capitaliste accompli et climatosceptique assumé, est loin d’être un militant écologique acharné.
Macron a donc sauté sur l’occasion : un peu de greenwashing ne peut pas faire de mal, y compris sur la scène internationale. Il faut dire que le sujet est particulièrement porteur dans l’opinion publique, alors que des jeunes du monde entier manifestent pour réclamer une politique plus verte, et que la «Marche du siècle» pour le climat a réuni 100 000 manifestants à Paris en mars dernier. Du jamais vu.
Mais il y a un loup, car si la communication du Président de la République est pertinente et vient au moment opportun, son bilan environnemental après deux ans de mandat n’est, lui, pas glorieux. Recul sur l’interdiction du glyphosate, signature et soutien aux traités de libre-échange responsables de la multiplication du transport de marchandises sur la planète, possibilités pour les concessions d’hydrocarbure d’être prolongées jusqu’en 2040, investissement de l’État dans des projets d’énergies fossiles, suppression des aides au maintien à l’agriculture bio… l’action politique d’Emmanuel Macron ne s’inscrit pas vraiment dans une démarche fondamentalement écolo, c’est le moins qu’on puisse dire. Et lorsque le gouvernement apportait son soutien au projet d’EuropaCity, mégacomplexe de commerces et loisirs au nord de Paris, largement dénoncé comme désastreux pour l’environnement, les plus cyniques d’entre nous auraient pu se laisser aller à penser que la Macronie n’avait que faire de la question écologique et roulait avant tout pour d’autres intérêts…
Malgré cette absence d’action concrète en matière d’environnement, la majorité présidentielle n’hésite pas à surfer sur le sujet. Exemple avec les élections européennes, où la liste LREM propose d’investir 1 000 milliards d’euros dans la transition écologique d’ici à 2024. 1 000 milliards d’euros en 5 ans ! Noël Mamère et José Bové n’ont qu’à bien se tenir : il semble que l’écologie politique a trouvé de nouveaux chantres dans notre pays !
Un bien beau discours, pourtant éloigné des faits et de la politique menée par le locataire de l’Élysée et son gouvernement. Une leçon d’hypocrisie.
Changer le système, pas le climat
La phrase sonne creux, tant elle a été entendue. Pourtant les mots sont justes.
Le capitalisme est, par essence, en opposition radicale avec la pensée écologique. Comment croire qu’un modèle basé sur la productivité et le profit pourrait intégrer dans sa réflexion une préoccupation sincère pour la planète ? Tout juste les capitalistes peuvent-ils imaginer gérer consciemment des ressources naturelles pour ne pas perdre la source de leur production.
Protéger la nature en cherchant à l’exploiter toujours plus rentablement est une équation insolvable. Le «capitalisme vert», brandi par les libéraux en quête de bonne conscience, n’est qu’un leurre, un concept artificiel comme le monde du marketing-roi sait nous les pondre régulièrement.
La seule voie sérieuse pour un modèle écologique est une modification réelle du système.
Bien sûr, les consommateurs peuvent jouer un rôle en préférant des productions respectueuses de l’environnement, en favorisant les circuits courts et en refusant de céder aux sirènes toujours plus ciblées de la surconsommation. Pas si simple cependant, surtout lorsque la réalité du coût de la vie rattrape certaines bonnes intentions…
La pensée dominante tente d’imposer aux citoyens une culpabilité malsaine, en faisant reposer la responsabilité du désastre environnemental sur leurs épaules. À l’heure d’un monde ouvert, où la mondialisation a démultiplié les transports et facilité les échanges commerciaux, cela n’a aucun sens. Le changement ne peut pas venir de la consommation. Il faut avant tout changer les méthodes de production, condition inévitable d’un monde plus respectueux de l’environnement. L’utilisation des ressources naturelles de façon excessive et abusive doit cesser. Il faut inscrire la règle verte dans la constitution, et la porter dans le débat européen et international, jusqu’à la faire accepter comme universelle : nous ne devons pas prendre à la nature plus qu’elle n’est capable de nous donner. Voilà l’idée simple qui pourrait donner la ligne à suivre pour une politique écologique honnête, dépassant enfin le discours pour passer aux actes.
Le monde du libre-échange, des matières premières et des marchandises faisant plusieurs fois le tour de la planète pour répondre aux exigences de productivité et de rentabilité doit cesser. Des critères écologiques et environnementaux doivent être adoptés dans les différentes étapes de production, d’échange et de consommation, et des sanctions doivent être prises à l’encontre de ceux qui ne les respecteraient pas. C’est une question d’intérêt général, car la question écologique concerne chaque citoyen sur la planète.
Alors que l’Europe entre en déficit écologique un peu plus tôt chaque année, une observation s’impose : il faut changer le système, pas le climat.