Matzneff tombe et c’est une bonne chose. Ses livres très dispensables, sa prose confite dans l’égotisme complaisant et son militantisme pro-pédocriminalité a vécu. La tombe l’attend, tout comme l’oubli instantané dans lequel tombera cette figure flétrie du Saint-Germain finissant.
Matzneff, c’est un nom, mais c’est surtout tout un monde qui se cache derrière le vieux pédocriminel. Celui de l’entre-soi de mecs fiers, jouisseurs sans entraves, amoureux solitaires du paraître permanent et accrocs à la célébrité facile comme au cul sous l’âge légal. Un monde d’imbéciles heureux contents d’eux, s’autocélébrant dans une fête perpétuelle et persuadés d’être au-dessus de tous leurs contemporains, qu’ils jugent sans saveurs, pétris dans la morale et l’ennui. Un monde de prédateurs pour qui tout humain est une chose, une fonction, une utilité, mais jamais un être humain, libre et respectable.
C’est ce monde là qui enfin tombe. L’entre-soi masculiniste de la compétition, de la baise au kilo, du concours de bites, ou de millions de dollars. Mais ce monde de la prédation est bien plus vaste que le nombril d’idiots priapiques obsédés et fainéants.
Frédéric Mitterrand résume très bien ce monde dans «La mauvaise vie» où il se sent enfin à sa place : «Tous ces rituels de foire aux éphèbes, de marché aux esclaves m’excitent énormément… L’argent et le sexe, je suis au cœur de mon système : celui qui fonctionne enfin car je sais qu’on ne me refusera pas».
L’argent et le sexe : le double moteur de la machine à soumission. C’est l’argent qui fait dire à Trump qu’il peut «attraper les femmes par la chatte», c’est l’argent qui fait que Jeffrey Epstein a eu tant d’amis, à qui il a fourni tant de jeunes esclaves. C’est l’argent qui a permis à Brunel, son complice français d’organiser un trafic de chair fraîche à travers des agences de mannequins, qui abusaient de jeunes filles venant des pays de l’Est pour la plupart, à la recherche d’un avenir meilleur pour les transformer en escort-girls mineures et bon marché.
Si certains grands prédateurs tombent, hélas, la domination patriarcale demeure et les rares victimes qui ont droit à la parole viennent d’un certain milieu, actrices, éditrices, filles de bonne famille. Cette domination est aussi une marque sociale, comme un reste du droit de cuissage qui autorisait toutes les violences au dominant d’argent.
Dans l’entreprise, dans le huis-clos des foyers malades, dans les salons des hôtels de luxe, partout demeure l’omerta sur les violences sexuelles ou le trafic humain. C’est ce monde hypocrite qui est déjà fini et qui voudrait nous entraîner dans sa lente agonie.
Heureusement que la figure de l’année 2019 de «Times» est Greta Thunberg. Une jeune fille de 16 ans, qui aurait pu être une charmante victime, mais qui a choisi le combat. Comme le disait d’elle en riant Bernard Pivot, il n’aurait pas su quoi en faire alors, une proie bien trop difficile…
Dans le sillage de «Me too», il est devenu difficile de défendre les criminels. L’argent et le pouvoir ne suffisent plus à assurer l’immunité.
Il faut rappeler qu’avant Hollywood, «Me too» est à l’origine un mouvement qui lutte contre le viol des petites filles noires des ghettos. Il a fallu les paillettes et la parole de femmes célèbres pour que ce mouvement devienne planétaire.
Et pourtant, tant de complaisances coupables avec les régimes qui bafouent les droits des femmes, tant de silence encore sur le monde triste de la mode et son trafic humain organisé, tant de chemin encore pour libérer la parole des victimes et envoyer les prédateurs en prison.
Cette décennie finit sur cette timide prise de parole des victimes. Faisons que la suivante enterre le modèle patriarcal de prédation.
L’ère des femmes et des filles est arrivée. La chasse aux prédateurs est ouverte.