Le plastique c’est de moins en moins fantastique.
Depuis que la Chine, en janvier de l’année passée, a décidé de dire stop aux déchets plastiques envoyés par l’occident, le rôle était passé au pays de l’Asie du Sud-Est, déjà forts consommateurs en plastique eux-mêmes, de se charger du recyclage de nos déchets, au grand dam de l’environnement local.
Plages paradisiaques thaïlandaises transformées en décharges, lagunes tropicales indonésiennes où bouteilles et sachets flottants ont pris la place des poissons, villages malaisiens noyés dans les fumées noires et toxiques des centres de recyclage construits à la va-vite : tel était donc le tableau aux couleurs sombres, le nouveau portrait de Mister Hyde caché aux tropiques.
Mais voilà, face à cette escalade catastrophique, la Malaisie a dit non et les autres pays de la région commencent à relever la tête face aux hypocrites docteurs Jekyll européens et américains qui pensaient simplifier l’affaire en envoyant leurs poubelles toxiques à l’autre bout du monde.
Après la Chine, l’Asie du Sud-Est non plus, ne veut pas devenir la décharge de la planète.
Les gouvernements devront enfin envisager des solutions durables, sans délai, pour contenir ce fléau.
À ce jour, la Malaisie est envahie par des implantations d’usines de recyclage illégales, poussées comme des champignons dans tout le pays. Face à la discrète manne économique représentée par l’envoi des déchets occidentaux – les terrains loués par les décharges sont dix fois plus rentables par rapport aux champs agricoles – ces usines se sont multipliées rapidement, bien souvent sans licence, et ont adopté des méthodes peu regardantes face à l’environnement : les déchets sont brûlés et les feux libèrent ainsi des substances toxiques pour les organismes ou bien ils sont enterrés en menaçant ainsi les nappes phréatiques.
La petite ville de Jenjarom, littéralement recouverte de déchets, est devenue malgré elle le symbole de ce désastre.
À Jenjarom, les ordures sont brûlées et les fumées dégagées contiennent des poisons qui provoquent des dégâts souvent irréversibles sur la santé : cancers, atteintes neurologiques, asthme et maladies pulmonaires.
Une soixantaine de containers vient ainsi d’être renvoyée en occident suite aux décisions du gouvernement malaisien. Selon le Ministre de l’Environnement local, Yeo Bee Yin, ces déchets avaient été introduits illégalement dans le pays.
Malheureusement, plusieurs pays occidentaux s’adonnent à cette pratique. On peut citer parmi eux la France, l’Espagne, l’Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada.
Les Philippines semblent tentées de suivre l’exemple de la Malaisie : le Président Rodrigo Duterte menace de couper les rapport diplomatiques avec le Canada si celui-ci ne veille pas à faire cesser l’exportation illégale de déchets vers les pays en développement.
Au fléau des déchets venus d’occident, s’ajoute le fait que l’Asie elle-même consomme énormément de plastique. Dix pays membres de l’Asean, (Association Nations Asie du Sud-Est) consommaient en 2017 à eux seuls 25 millions de tonnes de plastique. La Thaïlande est une des nations qui consomment le plus de sachets plastiques au monde. Cinq pays asiatiques (Chine, Indonésie, Philippines, Vietnam et Thaïlande) sont responsables de 60% des déchets plastiques dans les océans selon l’ONG américaine Ocean Conservancy.
La Chine reste quant à elle championne d’un triste record : 8,2 millions de tonnes de déchets plastiques jetés à la mer chaque année.
Dans le monde, selon un récent rapport de WWF, 396 millions de tonnes de plastiques sont produits et cent millions rejetés dans la nature. Le volume du plastique dans la mer pourrait être ainsi supérieur à celui des poissons à partir de 2050.
Des chiffres qui donnent le tournis…
Pourtant des solutions existent.
Dans son article «Enfant du plastique, j’ai décidé de me sevrer», paru sur le site Reporterre, le journaliste Alexandre Reza Kokabi affiche une liste de magasin Zéro Déchets où s’approvisionner en produits sans emballage plastique, à Paris et dans les autres villes françaises.
Si les lobbys industriels ont transformé la planète en un immense marché, la seule résistance possible est celle de jouer de façon responsable notre rôle de consommateurs. Faire les courses c’est certainement moins glamour que défiler en manifestation par milliers, mais c’est bien là le nerf de la guerre.
La ville de Bundanoon en Australie a réussi son pari en se libérant définitivement des bouteilles d’eau en plastique. Une victoire et un exemple à suivre si on considère qu’on vend un million de bouteilles en plastique dans le monde chaque minute !
Cette petite ville à une centaine de kilomètres de Sidney a vu sa source d’eau douce convoitée par une importante société productrice de sodas.
L’idée était celle de privatiser la source, d’embouteiller l’eau à Sidney et… de la revendre en bouteille aux habitants de Bundanoon ! Ce procédé (privatiser les sources, mettre l’eau en bouteille ailleurs et finalement revendre la même eau à prix d’or aux locaux) caractérise la démarche de la plupart de multinationales de boissons, telles que Nestlé ou Coca-Cola.
Les citoyens se sont donc réunis pour dire non et ont poussé l’initiative plus loin en interdisant complètement les bouteilles plastiques de leur ville, qui est devenue ainsi la première ville «plastic bottles free» au monde.
Au final, ce n’était pas si difficile que ça : la mairie a installé plusieurs fontaines d’eau de source filtrée dans le centre-ville et des magasins ont permis à leurs clients de profiter de distributeurs d’eau gratuite. Chacun a acheté sa gourde et la mairie s’est chargée de distribuer des petites bouteilles en métal gratuites aux enfants de l’école primaire, de façon à les éduquer à consommer responsable. Le tour était joué.
Plusieurs autres villes d’Australie essaient de suivre le même chemin.
C’est bien différent du sort que doivent subir, à titre d’exemple mais on pourrait en citer des milliers, les habitants du Chiapas au Mexique, privés de leurs accès aux sources d’eau douce par le géant Coca-Cola à cause de ses besoins faramineux en eau (Coca-Cola utilise 75 milliards d’eau par jour pour la production du célèbre soda). Ici, l’eau est plus chère que le Coca, ce qui explique aussi le taux d’obésité élevé constaté dans cette région du Mexique et, bien évidemment, les tonnes de bouteilles en plastique abandonnées dans l’environnement.
La même situation se vit aux îles Fidji : dans ce paradis tropical, le taux d’obésité est en constante augmentation et une multinationale d’eau en bouteille, Fiji Waters, devenue plus puissante que l’État lui-même, privatise les sources d’eau douce de manière à ce que les habitants se tournent vers les sodas moins chers…
Éliminer les bouteilles en plastique (et les déchets plastiques en général) devient ainsi une lutte non seulement pour l’environnement, mais aussi pour une meilleure justice sociale et une meilleure santé.