«Il y aura un avant et un après coronavirus dans l’histoire de l’économie mondiale. Nous devons tirer les conséquences sur le long terme de cette épidémie en réduisant notre dépendance vis-à-vis de la Chine dans un certain nombre de secteurs stratégiques». Cette phrase est de Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie.
Cette remise en cause de la mondialisation fut prononcée au matin d’un krach boursier sans précédent, un lundi noir qui restera dans les mémoires…
Le coronavirus a agi sur le ministre de l’Économie comme une force de rappel pour revenir au bon sens. Grâce à ce virus, le profit à tout prix a montré ses limites, et il est temps de réfléchir en dehors de la pure logique du capitalisme financier.
En quelque sorte, le virus venu de Wuhan, s’apparente aux calamités décrites dans la Bible. Les hommes ont besoin de les vivre pour se rappeler leurs limites et pour prendre conscience de leurs dérives. Soudainement, la peur s’est lue dans le visage de ce ministre. D’un seul coup, le virus nous met collectivement face à notre psychose de la mort et nous rappelle au combien nous sommes fragiles. Il remet en cause nos certitudes et nous oblige à réformer nos pratiques.
Il est puissant ce virus. En tout cas, bien plus que la horde de scientifiques forts de leurs études et de leurs recherches qui tentent quotidiennement de nous prévenir des dangers de la mondialisation et du consumérisme néfaste pour la planète et pour l’humain.
Ce virus a fait en sorte que la peur fléchisse nos actions, et non la raison. La raison est bien faible face à l’envie de posséder et de consommer. Mais la peur de la mort est puissante et balaie tout sur son passage.
Même les bourses si arrogantes ces dernières années n’ont pas tenu. À la suite d’un week-end riche en événements, les bourses mondiales ont dégringolé. Confinement de la population dans le poumon industriel de l’Italie, le Liban qui fait défaut sur sa dette, les pays producteurs de pétrole qui ne s’entendent pas pour réduire la production… c’en était trop pour les marchés financiers.
Dès le dimanche soir, l’or noir dégringolait de 25% pour s’échanger à 30$ ! Puis ce fut autour des bourses européennes de chuter de près de 10% peu avant l’ouverture officielle !
À Wall Street, même le VIX atteignait des niveaux jamais atteints depuis 2008 ! Le VIX est un indice qui mesure le prix que doivent payer les investisseurs pour se couvrir des fluctuations des marchés. C’est une sorte de jauge de la peur, du risque, de la turbulence boursière…
En quelques jours les bourses mondiales ont perdu 25% en moyenne ! Un quart des valorisations mondiales parti en fumée. Et comme toujours avec ces mouvements brusques et de grandes amplitudes, il ne serait pas étonnant que les banques et les institutions financières annoncent des pertes colossales qui pourraient amplifier la baisse.
Ainsi est faite la bourse et la finance. Quand tout va bien, les acteurs de la finance s’illustrent par leur arrogante réussite. Quand tout va mal, la peur les paralyse. Et attendez-vous à ce que bientôt ils viennent quémander l’aide des banques centrales pour qu’elles injectent des milliers de milliards de dollars, d’euros, de pounds et de yens dans les circuits de la finance.
Leur slogan est toujours le même : «Nous, ou le chaos». Et une fois encore, ils auront gain de cause. Le chantage du chaos effraie nos dirigeants politiques qui sont dépassés par la complexité de la finance.
Les bourses mondiales vont baisser jusqu’au jour où les banques centrales annonceront de concert l’utilisation du bazuka monétaire (création de milliers de milliards qui seront injectés dans le monde de la finance).
Le chantage a déjà commencé, alimenté par Trump en personne qui harcèle Powell, le gouverneur de la FED, pour qu’il annonce un QE d’urgence. Des milliards de dollars pour sauver Wall Street, sa fortune personnelle, et pour sauver son espoir de réélection. Et à la fin, la FED va céder ! Pour ceux qui ne le savent pas, le QE est le summum de la politique du ruissellement. De l’argent magique qui est déversé dans les marchés, en espérant qu’il ruisselle dans l’économie réelle.
La finance est droguée à cet argent des banques centrales. Un argent public qui est donné avec largesse aux marchés. Quand il y a une crise boursière, c’est comme si un junky avait une crise liée au manque de drogue. Que feriez-vous ? Lui donner encore plus de drogue et risquer une overdose ? Les banques centrales ont choisi l’overdose monétaire.
Car en réalité, le coronavirus est une simple étincelle qui a fait exploser la poudrière des marchés mise en place par les politiques délirantes des banques centrales. En sauvant la finance, les banques centrales maintiennent une économie zombie, tout en créant d’énormes inégalités, et aident à former une bulle du marché boursier et immobilier.
La finance agit comme un trou noir avec cet argent magique. Il est absorbé, investi dans des actifs, qui au moindre imprévu voient leurs prix dégringoler. Autant investir directement cet manne dans l’économie réelle, dans nos hôpitaux publics et dans l’éducation nationale qui manquent de moyens et qui sont au bord de l’asphyxie.
Contrairement à 2008 où les marchés financiers avaient souffert d’une crise de liquidité, l’argent magique ne risque pas de faire son effet cette fois. Avec le coronavirus la cassure est profonde : c’est une crise qui touche à l’essence même du commerce, qui paralyse les forces productives des agents économiques, et qui annihilent les pulsions des consommateurs !
Plutôt que de l’argent frais, l’économie a besoin de nouvelles règles qui lui permettraient de s’affranchir de la maudite finance qui la prend en otage. Notre modèle économique ne permet aucune période de relâche. La finance pousse l’économie à être en flux tendu. La moindre accalmie économique causée par la psychose d’un virus entraîne des faillites en chaîne et c’est toute notre économie qui s’effondre.
Pour réduire la dépendance de notre économie à la finance, il faut reprendre aux banques le droit de battre monnaie via la prolifération des crédits qui rapportent de juteux et maudits intérêts. Le crédit doit fortement être encadré et doit servir l’économie réelle, si possible des projets peu polluants et utiles socialement. Le crédit ne doit surtout pas servir à la spéculation boursière et immobilière.
Il est urgent de mettre en place un peu d’éthique et de morale dans une activité qui en manque profondément. Cela ne se fera pas sans heurts. Il faut arracher ce pouvoir de création monétaire aux banques, ou du moins l’encadrer fortement.
L’idéal serait de faire des banques ce qu’elles auraient toujours dû être, des institutions intermédiaires entre la toute-puissance étatique et l’économie réelle !
Anice Lajnef, le 9 Mars 2020.