Le 18 juin 2019 fut une journée riche en événements pour ceux qui s’intéressent à la finance. Facebook annonce le lancement de sa cryptomonnaie, le Libra. La Banque Centrale Européenne (BCE), annonce une nouvelle vague de rachat d’actifs pour «stimuler l’économie». Par conséquence, pour la première fois dans l’Histoire, le taux d’emprunt à 10 ans de la France passe en zone négative.
Le Libra ou l’inculture du Ministre de l’Économie et des Finances
Facebook a annoncé le lancement de sa monnaie : «S’il s’agit d’une monnaie souveraine, ça ne peut pas être le cas ! Une société privée ne peut ni ne doit créer une monnaie qui rentrerait en concurrence avec les monnaies des États», objecte Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie et des Finances.
Pour justifier son propos, Bruno Le Maire poursuit par cette phrase hallucinante : «Les États obéissent à l’intérêt général, là où les sociétés obéissent à des intérêts privés». Cette phrase est sidérante quand on sait que 97% de la monnaie est créée par des banques commerciales privées via le crédit.
Soit notre Ministre feint de savoir cette réalité, soit il fait preuve d’une inculture économique. Dans les deux cas, son argument avancé pour réfuter la cryptomonnaie de Facebook, est aussi un argument qui sert à réfuter la création monétaire moderne, qui est entre les mains d’institutions privées.
Surtout quand on sait que 70% de cette création monétaire privée sert les activités des marchés financiers, et l’inflation immobilière. Le reste sert souvent à financer des activités industrielles polluantes ou les crédits à la consommation. Cette création monétaire ne sert pas l’économie réelle : moins de 10% termine dans les PME, la recherche, ou l’innovation.
La planche à billets de la BCE au service des rentiers
Le même jour, Mario Draghi, ancien banquier de Goldman Sachs, mais qui est surtout Président de la Banque Centrale Européenne, annonce la poursuite possible du programme de rachat d’actifs, connu sous le nom de Quantitative Easing (QE). Cette politique monétaire est décrite comme «accommodante».
Cette politique monétaire de la BCE consiste à créer de la monnaie à partir de rien, puis de racheter dans les marchés financiers les dettes des États et des multinationales.
Cette politique a pour effet direct de baisser artificiellement le taux d’emprunt des États et des multinationales, et par ricochet, le taux d’emprunt des crédits immobiliers. Ainsi, pour la première fois dans l’Histoire, la France reçoit des intérêts quand elle emprunte à 10 ans, car les taux sont devenus négatifs.
À première vue, cette politique monétaire semble bien accueillie par les acteurs de la finance et les économistes. D’ailleurs, les supporters de la dette publique, souvent de gauche, fanfaronnent à l’idée de pouvoir endetter l’État «gratuitement».
Que se passera-t-il si les taux augmentent au moment où ces emprunts «gratuits» arriveront à échéance, et que l’État sera dans l’obligation de réemprunter pour rembourser sa dette ?
Cette question inquiétante est secondaire. Car la vraie question qu’il faut se poser, est de savoir pour qui cette politique monétaire est «accommodante» ?
Cette création monétaire n’est pas distribuée démocratiquement. Les 5000 milliards d’euros créés par la banque centrale depuis la crise de 2008 terminent dans la haute sphère de la finance. Ils servent à racheter les dettes des États et des multinationales et baissent ainsi le rendement procuré par les dettes. Cette manne monétaire injectée dans la finance doit donc être réinvestie dans des activités à plus fort rendement : en bourse dans les actions des multinationales, et dans l’immobilier.
Ainsi, la création monétaire de la BCE sert au maintien des actifs boursiers et immobiliers. Elle sert principalement les détenteurs de ces capitaux qui vont jouir de dividendes et de loyers. La création monétaire de la BCE est donc accommodante pour les rentiers.
La création monétaire moderne sert donc des intérêts privés, au détriment du bien public. Elle crée une société de rentiers, dont les travailleurs-consommateurs sont de plus en plus au service d’une élite.
Cette création de monnaie ne crée pas de l’inflation au sens où les prix à la consommation augmentent, mais crée de l’inflation des actifs boursiers et immobiliers. Les richesses sont de plus en plus accaparées par les actionnaires et les propriétaires-loueurs. Cela se fait au détriment des travailleurs, des entrepreneurs, et des retraités. Mais aussi au détriment d’une jeunesse qui éprouvera de plus en plus de mal à accéder à un logement décent.
La planche à billets moderne, ou le risque de l’insurrection populaire
Alors que dans le passé la création monétaire n’était pas ciblée sur une élite financière comme c’est le cas de nos jours et permettait à l’État de payer son armée et ses fonctionnaires, la planche à billets avait pour effet une inflation galopante des prix à la consommation.
De nos jours, cette manne monétaire est ciblée sur une élite et provoque une inflation des actifs boursiers et immobiliers, au grand bonheur des possédants. Cette inflation n’est malheureusement pas prise en compte par les indicateurs officiels de l’inflation, comme celui de l’INSEE.
Cette politique monétaire accentue les inégalités de richesse dans le pays et crée une inflation bien plus dangereuse que l’inflation des prix à la consommation : l’inflation des frustrations !
De plus en plus de citoyens comprennent cette fraude monétaire. D’autres, à défaut de la comprendre, la ressentent. Cet effet destructeur de la monnaie bancaire se propage dans la population et gangrène de plus en plus de ménages se croyant à l’abri. Tôt où tard, la misère atteindra le plus grand nombre, et l’insurrection populaire sera inévitable.