
Qui dit mois de septembre dit rentrée littéraire avec références à gogo dans la presse et les médias en général. Que du bonheur pour tous avec moult titres conseillés par des pointures reconnues, du caviar de l’âme en perspective répandu çà et là pour nos petits esprits étriqués et avides de savoir… Profusion d’œuvres sensationnelles éditées par de grandes maisons telles que Grasset, Flammarion et j’en passe ! Mon cul, ouais ! (scoop, je suis vulgaire, mais vous commencez à avoir l’habitude depuis le temps qu’on se connaît maintenant)
Vous voulez un livre pour votre rentrée ? Pour qu’elle soit au vitriol, à l’image de cette société patriarcale qui nous encule depuis la naissance jusqu’à la tombe, sans même prendre le temps d’un baiser dans le cou ? Voici Chienne de Marie-Pier Lafontaine.
Cette autofiction tient dans un mouchoir de poche et sera dévorée en moins de temps qu’il ne vous en faut pour finir votre journal. Le sujet traité est sensible puisqu’il s’agit d’un inceste distillé au fil du récit dans de très courts textes. Cette déconstruction atypique du livre qui propose des chapitres succincts ou aucun des protagonistes n’est jamais nommé autrement que par sa place dans la famille (le père, la mère, la sœur), donne ainsi l’impression au lecteur qu’il est le témoin direct de flashs mémoriels retranscrits. Des violences physiques, verbales, des humiliations, des scènes à la limite du supportable et certaines carrément intenables, Marie-Pier Lafontaine nous décrit la peur indicible dans un style sans fioriture. Pour autant, ce livre ne se contente pas d’être un simple témoignage romancé, il propose un véritable questionnement quant au rôle de chacun dans le drame familial. Mettant en lumière l’histoire d’une mère fracassée qui expliquerait son apathie face au sort de ses enfants et rappelant que le combat des victimes pour être entendues reste un problème crucial et malheureusement trop récurrent. La parole des victimes met, encore aujourd’hui, toujours beaucoup de temps à percer au milieu du tumulte que nous imposent les procédures et autres balivernes administratives.
Chienne est une mosaïque de fragments douloureux, un condensé d’horreurs physiques et psychologiques dont vous ne pourrez qu’effleurer la réalité. Avant d’être une incursion en Enfer, ce texte marque d’abord la naissance d’une jeune écrivain, un superbe coup d’envoi qui ne laissera de marbre aucun de ses lecteurs…
Un extrait
Pour se le procurer : https://www.decitre.fr/livres/chienne-9782371000971.html
Entrevue avec Marie-Pier

Marie-Pier Lafontaine est étudiante en doctorat, ses recherches portent sur les différentes représentations de la violence contre les femmes en littérature contemporaine. Chienne est son premier livre.
Quels livres ont changé ton rapport à l’écriture ?
Le cri du sablier de Chloé Delaume, Une semaine de vacances de Christine Angot et Putain de Nelly Arcan. Ces trois romans m’ont appris la force de frappe des écritures qui racontent ce qu’on ordonne aux femmes de taire. Ce sont des écrivaines qui m’ont en quelque sorte autorisée à me mettre en jeu dans l’écriture, en danger.
La rédaction de Chienne a-t-elle été une catharsis pour toi ?
Je ne dirais pas cela, non. La rédaction aura davantage été une étape incontournable dans l’ordre logique des choses. Un peu comme il faut relâcher le frein à main d’une voiture avant de la faire avancer.
Qu’est ce qui t’a décidé à te lancer dans la rédaction de Chienne ?
Un sentiment d’urgence. Entamer l’écriture de ce livre répondait à une nécessité intime.
Peux-tu nous dire quelques mots au sujet de ton prochain projet ?
Le prochain roman traitera du personnage de la mère, déjà présent dans Chienne. Elle sera placée au centre du récit cette fois. La narratrice, sa fille, tentera de mettre à jour les contradictions de l’amour maternel. Dans toute leur violence.
Quelles sont les imperfections qui t’attirent ?
Ce qui dépasse la mesure ordinaire du quotidien m’attire, tout ce qui est intense, ce qui déborde du cadre attendu. J’aime l’écriture pour ces raisons.
Plus de livres sur : https://lespapiersmacules.wordpress.com/les-papiers-macules/
- Lenny Sulak