Les européennes s’approchent et l’environnement, malgré l’urgence absolue, ne semble pas être la priorité du gouvernement. Peu importe les manifestations des étudiants followers de Greta Thunberg, peu importe les marches pour le climat. Le bruit de la mobilisation citoyenne ne semble pas trop atteindre les salons bien insonorisés de l’Élysée.
Face à la paupérisation des classes moyennes et populaires, face à la précarité énergétique des couches économiquement plus faibles de la population, les mesures prises sont encore trop timides et pas à la hauteur du défi qui nous attend.
Faisons un point sur les bémols de la politique environnementale du gouvernement Macron, pour nous éclaircir un peu les idées.
Énergie
L’électricité augmente car, comme a expliqué au micro de France 3 l’économiste Christophe Ramaux :
«Le consommateur va payer pour les prédateurs. EDF est obligée de verser 25% de sa production nucléaire à des opérateurs privés qui se gavent. Aujourd’hui, ils sont en difficulté, et pour les sauver, on augmente le tarif réglementé d’EDF de façon à laisser de la marge à ces opérateurs privés».
En 2019, les rivaux d’EDF vont s’approvisionner massivement chez l’opérateur public grâce à un mécanisme qui leur donne un accès prioritaire à une partie de sa production. Le plafond accordé a été largement dépassé.
Si le mécanisme naturel de la concurrence voudrait que la compétitivité des prix fasse que ces derniers soient revus régulièrement à la baisse, et bien, ce mécanisme s’est décidément enrayé. La fourniture d’électricité a subi ainsi la même dynamique tarifaire que celle des autoroutes depuis que le marché a été ouvert à la privatisation : au lieu de les baisser, on augmente les prix pour faire vivre la concurrence.
Les libéraux pointent du doigt les 15% de la facture EDF destinés à la recherche sur les renouvelables, aujourd’hui plus que nécessaire si on veut éviter le désastre écologique lié au réchauffement climatique – le domaine de l’énergie et son exploitation est responsable de 30% du phénomène.
Mais pourquoi ne pas taxer, au lieu du contribuable, les géants de l’énergie aux bénéfices colossaux tels que Total, qui est d’ailleurs un des concurrents privés d’EDF, parmi ceux donc qui font grimper la facture d’électricité ?
Si les analystes orthodoxes critiquent la part de facture destinée aux énergies renouvelables, pas un mot n’est prononcé sur les gaspillages économiques qu’on observe dans le domaine du nucléaire, un exemple parmi d’autres : le catastrophique contentieux entre Areva et la Finlande sur le retard de la mise en fonction de l’EPR vendu à l’État nordique.
Areva a pris le risque de payer jusqu’à 9 milliards de dédommagements. Finalement, la France a réussi à négocier, elle est parvenue à un accord, tout de même de plusieurs centaines de millions d’euros.
Dans l’article du Monde publié le 10 mars 2018 de Jean-Michel Bezat : «Reste que c’est finalement le contribuable qui paiera. Sur les 4,5 milliards de recapitalisation décidés par le gouvernement en 2017 pour l’ancien ensemble Areva, 2 milliards ont été affectés à Areva SA, notamment pour régler le passif d’OL3 (l’EPR destiné au site nucléaire d’Olkiluoto, sur le golfe de Botnie au sud de la Finlande)».
Malgré des «accidents» comme celui-ci, malgré la difficulté et les coûts de la gestion des déchets radioactifs, Macron continue massivement sur la voie du nucléaire. Peu importe la «révolution» mise en acte par les habitants de la région de Bure qui bientôt seront assis sur une décharge nucléaire de 30 km2, peu importe les spectres de Fukushima ou de Tchernobyl, peu importe les coûts gigantesques de la protection des mines d’uranium en Afrique assurée en partie par l’armée française. Macron apporte son soutien sans faille au nucléaire et à ses acteurs, notamment Areva.
Les énergies renouvelables ont leur place dans la feuille de route du Président, mais il s’agit encore d’une place étriquée. Les stratégies gouvernementales sont trop faibles et manquent d’ambition.
Pour l’instant, les seuls à avoir gagné les appels d’offre et avoir ainsi bénéficié des aides à l’autoconsommation via l’installation de panneaux photovoltaïques sont les acteurs de la grande distribution. On ne trahit pas les amis même quand on se montre écolo.
Agriculture
On ne pardonne pas au gouvernement un mensonge, et pourtant, il s’agit bien d’un mensonge qu’on nous a raconté sur le glyphosate.
On nous avait assuré que le fait que l’Assemblée refusait d’inscrire dans la loi le fait d’interdire le glyphosate d’ici 2021 n’était pas dû à de la mauvaise fois. Il n’y avait pas besoin de l’écrire noir sur blanc car tout le monde était d’accord. Foutaises !
Les photo-victimes des pesticides ne semblent ainsi pas être une priorité pour la majorité au pouvoir. Les tests d’urine effectués sur un millier de parisiens volontaires ont montré que les pesticides de synthèse nous contaminent bien au-delà de ce qu’on pensait. Nous avons perdu 80% des insectes en 35 ans et les recherches scientifiques sont unanimes à blamer les pesticides comme l’une des premières causes de mortalité.
Mais, au final, l’Assemblée en mars dernier a repoussé encore de trois ans, donc en 2025, l’interdiction du glyphosate. Un beau cadeau aux lobbies agroalimentaires.
N’oublions pas non plus le triste destin des semences paysannes.
Le Conseil Constitutionnel et ses huit «sages» nommés par le Président de la République – Laurent Fabius et Lionel Jospin entre autres – ont offert eux aussi, en guise de rois mages, un beau présent aux lobbies agroalimentaires. Le 25 octobre dernier le Conseil a dit «non» à l’autorisation de vente des semences paysannes, en annulant un quart du texte de la loi EGAlim. La préservation de notre patrimoine alimentaire passe donc après les intérêts financiers de Monsanto ou de Dow Chemical, qui, eux pourront continuer tranquillement à bénéficier de l’autorisation exclusive pour vendre les semences.
Infine, rappelons aussi que les aides au maintien de l’agriculture bio pour les acteurs qui ont déjà effectué la conversion, ont été supprimées, endommageant ainsi le développement de la filière.
Biodiversité
S’obstiner à parler de lobbies fait toujours un peu «complotiste de la dernière heure». Nous ne sommes pas là pour dire que les lobbies financiers et industriels sont les seuls responsables des maux de ce monde. Mais quand même, pendant ce quinquennat, le mot «lobby» réapparaît comme un mantra dès qu’il s’agit d’expliquer la plupart des choix stratégiques du gouvernement Macron. Nous atterrissons ici sur un terrain boueux et glissant, celui du «lobby des chasseurs». En août dernier, il y a eu le cadeau concernant l’autorisation de chasse qui est passée de 400 à 200 euros. En France, la chasse vise 64 espèces différentes d’oiseaux. Les autres pays européens sont moins généreux envers les chasseurs. En moyenne dans les autres états de l’Union, on ne peut chasser que 14 espèces. Sur ces fameuses 64 espèces, 20 font partie des oiseaux considérés en danger par l’Union Internationale de Conservation de la Nature. Ce «cadeau» macronien aux chasseurs a représenté la goutte de trop pour Nicolas Hulot, qui a donc abandonné le navire suite à cette décision. La porte claquée par Hulot n’a pas trop déboussolé le Président car – en provoquant les foudres de la LPO – en début d’année, il a permis la chasse à l’oie cendrée jusqu’à fin février au lieu de fin janvier. 5000 animaux tués de plus au nom d’un prétexte surréaliste : l’oie cendrée causerait des dégâts à l’agriculture… néerlandaise. Petit détail : l’oie cendrée qui peuple les campagnes hollandaises n’est pas la même oie cendrée qu’on trouve – et qu’on chasse – ici.
Si l’oie cendrée est en difficulté, ça ne va pas mieux pour les merles ou les grives, parmi les principales victimes de la cruelle chasse à la glu. Malgré le fait que 30% d’oiseaux ont disparu de nos campagnes, le Conseil d’État à la fin de l’année dernière a rejeté la demande d’abrogation de l’arrêté ministériel datant de 1989 qui autorisait la chasse à la glu dans plusieurs régions de l’Hexagone.
La République, quand elle marche, a la drôle habitude de piétiner les fleurs…