Heureux d’avoir marqué un but devant sa cour, pour une association caritative, le président de la République célébrait sa victoire en grande pompe, au son disco de «I will survive» jeudi soir à l’Elysée. Et il y avait de quoi être heureux ! Ce match contre des soignants a rapporté 50000 euros, pour un hôpital à Kaboul, selon Brigitte Macron.
Le soir même, des afghans devaient effectivement être très heureux de voir que le butteur de l’Élysée festoyait en leur honneur et leur remettrait 50 000 euros, sachant que la sauterie caritative aura coûté un certain prix, peut-être plus utile à l’aide internationale. Passons.
Il y a maintenant deux mondes qui s’ignorent, deux mondes qui s’éloignent et se détachent. Celui, idéal (pour ceux qui peuvent se l’offrir), harmonieux, tranquille et insouciant du bloc bourgeois, pour qui la fête est un mode de vie, et celui, triste, angoissé et sans avenir des sans-voix. Les dix millions de Français passés sous le seuil de la pauvreté, les familles moyennes anxieuses du déclassement programmé. Tous ceux, de bonne volonté et sages, qui jusqu’ici avaient cru à la légende de la méritocratie républicaine se rendent bien compte de la supercherie et de la sécession des élites auto-proclamées d’avec la plèbe.
La République française a eu ce défaut originel de singer les décors de la monarchie, pour asseoir son pouvoir. La Vème République, travestie en régime d’opérette par le quinquennat, a fini de nous emmener dans une caricature grossière de monarchie bourgeoise, sous substances.
Jusqu’à la nausée
Cet amusement, anodin et banal, résonne pourtant comme un coup de matraque de plus sur la tête de tous ceux qui peinent à la sortir de l’eau. Quelle indécence assumée de la part du couple Macron de recevoir avec faste les amis du Variety Football Club, comme pour célébrer la victoire en finale de coupe du monde de l’équipe de France.
Mais ce faste, cette fierté d’être en dehors du mal et de la souffrance, c’est la célébration d’une toute autre victoire.
La victoire d’un monarque de pacotille à la légitimité minuscule, dont les politiques anti-sociales maltraitent notre pays depuis 4 ans et demi. La victoire en majesté d’une classe sur une autre, à coups de presse de cour, de matraques, de lacrymogènes, de mensonges d’Etat et de précarité financière imposée.
La victoire du néo-management des cabinets de conseil anglo-saxons sur la République et l’État français.
La victoire de la post-vérité sur le réel. Oui, la politique d’Emmanuel est bien la meilleure, à force de manipulation des chiffres, les français comprendront que leur pouvoir d’achat a bien augmenté, contre leur constatation quotidienne de la dégradation de leur niveau de vie.
Aussi, la victoire de la médiocrité, de la manipulation sur le courage.
En un mot, notre défaite.
Un vaccin contre la pauvreté
Les millions de Français sous le seuil de pauvreté, les millions de chômeurs, les enfants qui dorment dans la rue, les bannis, faute de pass sanitaire, les mutilés des manifestations, tous ceux-là sont invisibles pour Emmanuel et Brigitte Macron et leur cour. Ce sont des chiffres, des courbes, des idées un peu floues, jamais ce ne sont des visages, des destins, des vies brisées à jamais.
Ces messieurs et ces élégantes sont vaccinés contre le réel, ils vivent dans un monde à part, où seuls compte le dernier sondage, la dernière flatterie d’un courtisan idiot ou rusé, le dernier conseil d’un philosophe de plateau, le dernier coup de téléphone d’un grand patron milliardaire, la dernière création d’un artiste protégé.
Nos vies ne comptent pas. D’ailleurs, le projet est assumé, c’est le travail jusqu’à 67 ans, pour commencer, l’aliénation par le pass et par le travail à la chaîne, une magie quotidienne, aux yeux de l’énarque ministre ravie de la crèche, Agnès Pannier-Runacher.
Rien de ce qui fait la vie, le bonheur, l’amour et la solidarité des humbles ne comptent aux yeux de ces fous de pouvoir, incapables de vivre avec moins de 5000 euros par mois (et c’est une misère), selon Luc Ferry, ancien ministre de Nicolas Sarkozy et célèbre philosophe de plateau, qui demandait à la police de tirer à vue sur les gilets jaunes.
Un barrage anti-populaire
La caste des bien-nés et des heureux bourgeois peut compter sur un système de protection fiable : cordon sanitaire maintenu par une police aux ordres pour éviter un débordement des «qu’ils viennent me chercher» et cordon psychologique avec un matraquage médiatique aux frontières du réel pour nier le malheur, la catastrophe et la corruption.
Pandora Papers? Oubliés. Procès Benalla? Oublié. Ministres mis en examen? Oubliés. Ancien président condamné pour association de malfaiteurs ? Oublié. Les millions accumulés par Macron pendant son passage en banque d’affaire ? Volatilisés en travaux dans la maison du Touquet! Et alors, madame à très bon goût en déco intérieure.
Mieux encore, voilà un nouveau candidat surprise issu de leurs rangs, plus raciste et xénophobe que le clan Le pen, qui va hypnotiser les foules avec une histoire de France falsifiée et des diatribes faciles sur la grandeur française et la guerre des civilisations. Eric Zemmour est en ce sens, un candidat anti-populiste, et bien un candidat de plus des milliardaires. Hélas, pour certain, la supercherie germanopratine fonctionne à merveille.
Sa dernière sortie contre la justice à Béziers, ne manque pas de faire écho aux déboires de son ancien employeur Vincent Bolloré, avec la justice pour corruption au Togo.«Nous devons enlever le pouvoir aux contre-pouvoirs […] Les juges doivent se taire, c’est le peuple qui règne».
On comprend bien que «le peuple» pour Eric Zemmour se résume à la caste d’argent, car pour les miséreux, les petits délinquants, la justice se doit d’être expéditive.
La lutte finale?
La lutte des classes existe, elle est plus que jamais d’actualité.
Les armes du bloc bourgeois sont légions et sont des armes de sécession massive : hurlements apeurés sur le wokisme, chasse à l’islamogauchiste, scandale sur la violence des pauvres etc, enfermement dans la peur de l’autre.
Alors que le bloc bourgeois tente de se poser en clan de la raison, alors que ses délires emmènent le monde dans l’abîme et la société à la guerre civile, il est urgent de s’organiser contre la propagande du pire que la campagne nous promet.
Ne soyons pas dupes, laissons Macron marquer des faux buts, intensifions la lutte.