Les masques sont tombés et pourtant la pantomime continue de plus belle
Le 14 juillet de la honte
Sifflé de loin lors de son passage sur les Champs-Élysées, Emmanuel Macron a encore joué au Président, chef des armées, depuis son «command car» officiel, fier à bras protégé par un cordon de sécurité sans pareil. En coulisses, les contingents des forces de l’ordre réquisitionnés pour l’occasion avaient pour ordre d’écarter tous les séditieux qui auraient pu gâcher la fête, de crever tous les ballons jaunes, et d’embarquer au poste tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à des manifestants. Nous avons pu assister grâce aux réseaux sociaux à la magie de cette scène cocasse, digne d’un dessin de Mordillo, où un policier en carapace de combat essaya en vain de crever, sans succès, un petit ballon jaune sous la semelle crantée de sa botte noire. Toute une allégorie. Le préfet Lallement parada ensuite à pied, casquette vissée sur la tête et sourire forcé, entouré d’une garde prétorienne, pour signifier aux caméras de propagande, que les Champs-Élysées lui appartenaient à lui, et pas à d’autres. Le malaise était palpable.
François de Rugy, alors encore ministre de la transition écologique, fut exhibé tel un trophée en tribune officielle, afin de signifier au peuple : «Ici c’est comme ça ! On mange du homard et on boit frais du grand cru». On ne critique pas impunément la grande vie de la noblesse républicaine, celle qui a oublié depuis longtemps le service de l’État et le bien commun, enivrée par des agapes incestueuses où le pouvoir politique se noie dans la connivence et le népotisme. Quand un média ose dénoncer ces pratiques d’ancien régime, toute une caste d’élus et de journalistes de cours se lève pour attaquer cette initiative totalitaire et anti-démocratique digne de la Stasi.
En France, un média, ça ne doit pas dire ça
Effectivement, le système politico-médiatique français est tel, que les habitués des médias de cours, propriétés d’oligarques, ont du mal avec la presse indépendante. De trop nombreux prétendus médias n’en sont plus, devenus des tabloïds subventionnés, défendant des intérêts privés et relayant des faits divers, dans un souci économique.
Ce fut tragique et révélateur de voir un énième débat sur le métier de journalisme et sur le droit ou non d’exercer ce métier. Dans d’autres pays européens, la presse est un contre-pouvoir, en France c’est l’exception. L’actuel gouvernement aimerait d’ailleurs faire rentrer dans le rang les journalistes récalcitrants en multipliant les gardes à vue, les perquisitions et les lois liberticides.
Le nouveau monde, la bienveillance : arnaques sémantiques.
La promesse du nouveau monde n’a engagé que ceux qui y ont cru. Emmanuel Macron prouve bien qu’il est le dernier rejeton de l’ancien monde, chargé de faire le solde de tout compte avant la banqueroute démocratique ou économique d’un système en faillite écologique et morale.
Chaque ministère est devenu une officine privée dédiée à la privatisation de tel ou tel secteur des services publics, le «projet» est de créer de nouveaux marchés de la dette privée : de l’éducation à la dépendance, en passant par la petite enfance. Tout doit être vendu, si possible aux amis, comme ce fut le cas d’Alstom à GE, vente saccage, magistralement organisée par le cabinet d’Emmanuel Macron alors ministre de l’économie. L’ancienne patronne de GE, Corine de Bilbao ne fut pas oubliée et fut remerciée ce 14 juillet d’une légion d’honneur, tandis que les 1000 emplois promis par ses soins se sont transformés en plan social à Belfort.
L’opposition est une sédition
Après la loi travail qui préparait la précarisation des travailleurs, l’assurance chômage et la retraite sont sur la liste de tir pour cet été. Tous les acquis sociaux doivent y passer. Le meilleur moyen de créer de la croissance, c’est de créer de la dette de pauvres, et pour assurer une casse sans protestation, quoi de mieux que d’engluer dans les tracas financiers du quotidien des millions de français qui n’auront plus ni le temps ni l’énergie de manifester.
Pour les quelques téméraires qui oseraient encore descendre dans les rues, le ministère de la violence publique se charge de les décourager à coup de mutilations et de gaz lacrymogènes. Christophe Castaner refuse toujours de faire une auto-critique de sa pratique ministérielle et de mentionner les violences policières. Pire, il donne tout son soutien, médaille à la clef, aux bons policiers qui auront su faire un usage disproportionné de la force. On ne sait toujours pas où est Steve Caniço, disparu lors d’une charge scélérate pendant la fête de la musique. L’enquête sur la mort de Zineb Redouane, octogénaire marseillaise fauchée par une grenade lacrymogène à sa fenêtre, est à l’arrêt, tant le souci de la hiérarchie est de couvrir les fautifs plutôt que de chercher la vérité.
Le message est clair : l’impunité est offerte aux courageux qui soutiendront le régime jusqu’à la mort.
En parallèle de la répression physique et de la réduction du droit de manifester, se profile un contrôle de la parole sur les réseaux sociaux. Le plan de lutte contre la haine en ligne est un cheval de Troie de la censure politique. Trop de flous sont entretenus sur le projet défendu par la députée Avia et l’hypothèse de conforter les plateformes dans leur position dominante de censure et de contrôle est une défaite de plus pour le législateur, malgré un discours volontariste.
Tour à tour indigne, ridicule ou infâme, chaque jour montre la réalité de ce gouvernement démasqué, dont le seul but est d’assurer sa reconduction face à Marine Le Pen en 2022. Toute critique à l’encontre du progressisme d’En Marche est qualifiée de fascisante, et la seule alternative proposée par les défenseurs d’Emmanuel Macron est «c’est lui ou Marine Le Pen». Aveugles et sourds aux contradictions et aux critiques, ce camp d’amateurs hors cadre prépare in fine la victoire de Marine Le Pen, sans douter un seul instant du bien fondé de leurs «réformes» qui maltraitent un pays dont la démocratie d’apparat ne cache plus les fractures ouvertes.
Que faire ?
Malgré l’accumulation des preuves d’une dérive autoritaire et d’une mascarade de la bienveillance, beaucoup de commentateurs publics sont encore très heureux d’avoir un Président si moderne, si jeune, si dynamique, si beau, si réformateur, si ouvert au dialogue, si doué, si intelligent.
Selon eux, nous devrions tous accueillir dans la joie et l’allégresse le paradis technocratique promis par En Marche comme le pragmatisme et le volontarisme au service du progrès de l’humanité. C’est en réalité un enfer totalitaire de la soumission à la volonté de quelques accumulateurs de richesses fétichistes qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
Que pense aujourd’hui la cinquantaine d’intellectuels mis en scène par le Président lors du «grand débat», de cette promesse du nouveau monde ?
Où sont les leaders syndicaux et politiques prêts à jeter leurs corps dans la bataille ? Tant de timidité de la part d’un si grand nombre confinerait presque à de la complicité.
Les gens de bonne volonté sont nombreux mais isolés, peu défendus ou représentés par des organismes bloqués dans des schémas d’un autre temps.
Ceux qui font marcher la France du quotidien sont toujours les oubliés : enseignants, soignants, aidants, professionnels de justice, pompiers, gendarmes, militants associatifs, élus locaux, etc… Il n’y a pas que l’armée et la police comme colonne vertébrale de la République, loin de là. Le manque de moyens est criant, la fatigue de la bonne volonté est permanente, mais ces anonymes ne s’arrêtent pas, par sens du devoir, malgré l’indignité étalée devant leurs yeux.
Les initiatives citoyennes ne manquent pas, tout comme la volonté de faire tomber les murs, c’est maintenant qu’une alternative populaire doit se construire pour en finir avec les impostures, pour cicatriser le pays et en finir avec les fausses promesses d’une minorité qui se croit tout permis.