Chaque week-end à Paris, la violence monte d’un cran, avec aujourd’hui des émeutes jamais vues dans les beaux quartiers. Mais aussi, Bordeaux, Toulouse, Marseille, un peu partout les grandes villes s’embrasent pour demander la démission d’Emmanuel Macron.
Un niveau de haine inédit
Ce niveau de haine populaire est inédit sous la Vème République. Il est un marqueur fort de la fin d’un monde, celui que faisait tenir le contrat social français de l’après-guerre. Les réformes voulues par le gouvernement d’Emmanuel Macron doivent apporter le progrès à une France archaïque, en libéralisant la société française, encore trop ancrée dans un système de solidarité que l’État ne peut soi-disant plus financer, compte tenu des trop nombreux cadeaux fiscaux faits aux plus riches, pour rendre le pays attractif à l’investissement.
Les scènes de guerre civile auxquelles nous avons assisté à Paris et ailleurs sur le territoire seront catastrophiques pour l’image de la France auprès des agences de notations et saperont la confiance des investisseurs internationaux. La politique menée par Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir produit ainsi l’opposé de l’effet attendu.
Le gouvernement dépassé
Le gouvernement apparaît totalement dépassé par les événements, incapable de renouer le dialogue, malgré les déclarations d’Édouard Philippe ou d’Emmanuel Macron. On assiste à une bunkérisation du pouvoir, isolé, sourd et aveugle, inquiété par un mouvement auquel il ne comprend rien ou qu’il refuse de comprendre.
La stratégie du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, dès le samedi matin a été claire : faire passer le mouvement pour un mouvement essoufflé, violent et radicalisé. Les premières grenades lacrymogènes ont été tirées avant 9h00 sur une foule pacifiste rassemblée place de l’Étoile, qui s’est retrouvée coincée par un dispositif policier hors normes pour protéger le carré sacré de la Concorde à l’Élysée.
La plus grave erreur stratégique du dispositif a été de filtrer au compte-goutte les manifestants qui souhaitaient accéder aux Champs-Élysées. Dans tout Paris, des groupes épars se sont concentrés, pour se rallier avenue de Rivoli, tandis que les violences se concentraient autour de la place de l’Étoile. Les casseurs ont eu les mains libres.
Les CRS et les policiers sont à bout, tant le pouvoir leur demande de sacrifices, les rappelant chaque week-end. Mais leur mission est-elle d’assurer la sécurité des populations ou celle d’un pouvoir assiégé par la foule en colère ? Des services de 12h, sans week-end, sans repos ni revalorisation salariale. Contrairement aux conseillers des ministères de Monsieur Griveaux et Madame Schiappa, qui ont eu droit à une revalorisation méritée compte tenu de la charge de travail, selon les intéressés.
Christophe Castaner n’a rien d’un ministre de l’Intérieur, il a joué au pyromane, essayant de nouvelles stratégies d’intimidation qui se sont révélées catastrophiques tout au long de la journée, arrivant à transformer l’Arc de Triomphe en une nouvelle Bastille symbolique, quand les quartiers alentours prenaient feu.
Son amateurisme et son incapacité à protéger les populations sont flagrants.
Un Président somnambule
Que dire aussi, de ce Président, qui semble marcher seul, tel un somnambule assommé depuis l’affaire Benalla. Cette «tempête dans un verre d’eau» a mis KO un pouvoir qui était alors maître de sa communication.
Les soutiens de la première heure s’évanouissent, et la surdité de l’exécutif, ses sorties jugées méprisantes, n’ont fait qu’attiser la colère, jusqu’ici rentrée et invisible, de ces gaulois réfractaires, traités comme des enfants stupides.
D’Argentine, où il rencontre les grands de ce monde dans un des sommets qu’il affectionne tant, Emmanuel Macron regarde la capitale brûler, faute de sa réponse claire et de son obstination à «réformer» un pays qui demande seulement la justice fiscale et sociale et non pas une promesse libérale, des inégalités grandissantes et la mise à mort de l’État-providence qui coûte un «pognon de dingue».
Toute cette violence pouvait être évitée. Gouverner, ce n’est pas affronter la population, c’est l’écouter, comprendre et répondre à ses attentes. C’est aussi prévoir. Et la colère des français était prévisible.
Aujourd’hui, les scènes de violences ne doivent pas faire oublier les raisons de cette colère. Les porte-paroles des Gilets Jaunes doivent condamner ces actes de violence, tout comme nous devons collectivement condamner cette politique de l’affrontement civil, choisie délibérément par un pouvoir à bout de souffle.