Galerie de portraits : Edouard Philippe

Édouard Charles Philippe, né le 28 novembre 1970 à Rouen (Seine-Maritime), est un homme politique et haut fonctionnaire français, connu pour avoir exercé les fonctions de Premier ministre de la France du 15 mai 2017 au 3 juillet 2020 sous la présidence d’Emmanuel Macron. Actuellement maire du Havre et président du parti Horizons, il est une figure majeure de la vie politique française, marquée par un parcours à la croisée des engagements publics et privés, ainsi qu’une évolution idéologique du socialisme vers la droite modérée.

Jeunesse et formation

Édouard Philippe naît dans une famille d’enseignants de français, dans un milieu marqué par un fort attachement à la littérature et à l’éducation. Son père est chef d’établissement scolaire, et sa mère, professeur de français, tout comme sa sœur aînée. Cette ambiance familiale forge chez lui un goût prononcé pour la lecture et l’écriture, qu’il développera tout au long de sa vie, notamment à travers la publication de plusieurs ouvrages.

Il grandit à Rouen, dans un environnement de classe moyenne, avant de suivre son père, muté à Bonn, en Allemagne, où il passe son baccalauréat au lycée français. De retour en France, il intègre une classe préparatoire hypokhâgne au lycée Janson-de-Sailly à Paris, puis entre à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po) en 1992. À Sciences Po, il milite brièvement pour le Parti socialiste (PS), soutenant Michel Rocard, figure de la gauche rocardienne, avant de s’éloigner de ce courant. Il poursuit ensuite son parcours à l’École nationale d’administration (ENA), promotion Marc Bloch (1995-1997), où il côtoie de futures figures politiques, dont Emmanuel Macron. Durant ses études, il effectue son service militaire en 1994 en tant qu’officier d’artillerie, une expérience qu’il prolonge en restant officier dans la réserve opérationnelle pendant plusieurs années.

Entrée en politique et débuts professionnels

Après sa sortie de l’ENA en 1997, Édouard Philippe intègre le Conseil d’État, où il se spécialise dans le droit des marchés publics, d’abord comme auditeur, puis comme maître des requêtes à partir de 2000. Cette période marque le début de son ancrage dans la haute fonction publique, où il développe une expertise juridique reconnue.
Parallèlement, il s’engage en politique. En 2001, il rejoint l’équipe municipale d’Antoine Rufenacht, maire du Havre, en tant qu’adjoint aux affaires juridiques. Cette rencontre avec Rufenacht, figure influente de la droite normande, est déterminante pour son parcours. L’année suivante, en 2002, il participe à la fondation de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) aux côtés d’Alain Juppé, dont il devient un proche collaborateur. Il occupe le poste de directeur général des services de l’UMP jusqu’en 2004, année où Juppé, condamné dans l’affaire des emplois fictifs du RPR, doit se retirer.
Cette même année, Philippe se met en disponibilité du Conseil d’État pour rejoindre le secteur privé. Il devient avocat au sein du cabinet anglo-saxon Debevoise & Plimpton à Paris (2005-2007), avant d’intégrer le groupe Areva en 2007 comme directeur des affaires publiques. Ce passage dans le privé, où il travaille notamment sur des dossiers liés à l’industrie nucléaire, suscite des critiques, certains l’accusant d’avoir servi les intérêts du « lobby de l’atome »

Ascension et mandats électifs

Édouard Philippe s’enracine progressivement dans la vie politique locale. En 2004, il est élu conseiller régional de Haute-Normandie, puis conseiller général de la Seine-Maritime en 2008. En 2009, il devient adjoint au maire du Havre, chargé de l’urbanisme, du développement portuaire et des relations internationales. En 2010, à la suite de la démission d’Antoine Rufenacht, il est élu maire du Havre, un mandat qu’il consolide en 2014 avec une réélection dès le premier tour. Il devient également président de la communauté de l’agglomération havraise (CODAH) en 2010, renforçant son influence dans la région.

En 2012, il est élu député de la 7e circonscription de la Seine-Maritime, succédant à Jean-Yves Besselat, dont il était le suppléant. Ce mandat marque son entrée à l’Assemblée nationale, où il représente les couleurs de l’UMP, devenue Les Républicains (LR) en 2015.

Proche d’Alain Juppé, Édouard Philippe joue un rôle clé dans sa campagne pour la primaire de la droite et du centre en 2016, en tant que porte-parole. Après la défaite de Juppé face à François Fillon, il soutient ce dernier pour l’élection présidentielle de 2017, mais se retire de la campagne en raison des accusations d’emplois fictifs visant Fillon. Cette prise de distance le positionne comme un acteur modéré et pragmatique, prêt à dépasser les clivages traditionnels.

Premier ministre (2017-2020)

En mai 2017, fraîchement élu président de la République, Emmanuel Macron le nomme Premier ministre, une décision symbolique visant à incarner le « dépassement » des frontières politiques traditionnelles. Issu de la droite, Philippe devient le premier Premier ministre sous la Ve République, hors période de cohabitation, à ne pas appartenir à la formation politique du président. À la tête d’un gouvernement mêlant des figures de gauche, de droite et du centre, il conduit la majorité LREM-MoDem à une large victoire aux élections législatives de 2017

Durant son mandat à Matignon, Édouard Philippe est confronté à plusieurs crises majeures. Il pilote des réformes ambitieuses, notamment celles du Code du travail (2017), de l’assurance chômage (2019) et de la fiscalité, dans le cadre de l’agenda « pro-entreprise » d’Emmanuel Macron. Cependant, son action est marquée par des controverses, notamment :

Le mouvement des Gilets jaunes (2018-2019) : Face aux manifestations contre la hausse des taxes sur les carburants, Philippe décrète un moratoire de six mois sur ces augmentations, tentant d’apaiser la crise. Sa gestion, incluant une réponse sécuritaire controversée, est critiquée par certains comme autoritaire.
La réforme des retraites (2019-2020) : Projet phare du quinquennat, cette réforme, visant à unifier les régimes de retraite, suscite une forte opposition sociale. Philippe utilise l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter le texte sans vote, une décision qui renforce les tensions.
La pandémie de Covid-19 (2020) : Philippe joue un rôle central dans la gestion des débuts de la crise sanitaire, annonçant un confinement national de 55 jours à partir du 17 mars 2020. Sa gestion, notamment sur la question des masques, est critiquée, et il fait l’objet d’une enquête (classée sans suite en 2025) pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

Malgré ces défis, Philippe est reconnu pour son style méthodique, son pragmatisme et son franc-parler. Il quitte Matignon le 3 juillet 2020, après les élections municipales, pour retrouver son mandat de maire du Havre, où il est réélu avec 58,83 % des voix.

Retour au Havre et création de Horizons

Après son départ du gouvernement, Édouard Philippe se recentre sur Le Havre, où il préside également la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole depuis 2020. En octobre 2020, il rejoint le conseil d’administration du groupe Atos, une décision qui alimente les débats sur les liens entre politique et secteur privé.
En octobre 2021, il fonde le parti Horizons, représentant l’aile droite de la majorité présidentielle. Ce mouvement, qui obtient 31 sièges à l’Assemblée nationale en 2022, vise à structurer une offre politique libérale et réformiste pour peser sur l’avenir politique français. Philippe s’affirme alors comme un acteur clé en vue de l’élection présidentielle de 2027, qu’il annonce officiellement le 3 septembre 2024.

Vie privée

Édouard Philippe est marié depuis 2002 à Édith Chabre, diplômée de l’ESLSCA et de l’université Lille 2, directrice exécutive de l’école de droit de Sciences Po Paris. Le couple a trois enfants : Anatole, Léonard et Sarah. Discret sur sa vie privée, Philippe a toutefois partagé quelques anecdotes personnelles, comme sa peur des requins ou des visites chez le dentiste.
En 2020, il révèle être atteint de vitiligo, une maladie auto-immune provoquant une dépigmentation de la peau, visible notamment sur sa barbe. En 2021, il annonce souffrir d’alopécie, entraînant la chute de ses cheveux, sourcils et barbe. Ces conditions de santé, qu’il assume publiquement, n’ont pas entravé son activité politique. Passionné de boxe anglaise, il pratique ce sport régulièrement, une discipline qui reflète son image d’homme déterminé et combatif.

Littérature

Édouard Philippe est également un homme de lettres. Il a coécrit deux romans politiques avec Gilles Boyer, L’Heure de vérité (2007) et Dans l’ombre (2011), ainsi que des essais, dont Des hommes qui lisent (2017), où il évoque son rapport à la littérature, et Impressions et lignes claires (2021), un retour sur son expérience à Matignon. En 2023, il publie Des lieux qui disent, un ouvrage plus personnel.

Ambitions pour la prochaine présidentielle

Depuis son départ de Matignon, Édouard Philippe s’est imposé comme une figure centrale du « bloc central », cherchant à rassembler la droite modérée et le centre en vue de l’élection présidentielle de 2027. Son programme, articulé autour d’idées libérales et réformistes, insiste sur la réduction de la dette publique, notamment via un report de l’âge de la retraite à 65, 66 ou 67 ans. Il se positionne également comme un défenseur de l’autorité de l’État, tout en prônant une « démocratie sociale » nuancée.
Cependant, son bilan et ses positions divisent. Certains, comme des commentateurs sur les réseaux sociaux, lui reprochent une gestion autoritaire des crises sociales, notamment celle des Gilets jaunes, ainsi qu’un positionnement jugé peu favorable à l’écologie, notamment pour son soutien à une centrale à charbon au Havre.

Affaires judiciaires

Édouard Philippe a fait l’objet de plusieurs enquêtes judiciaires. En 2020, son domicile est perquisitionné dans le cadre d’une enquête sur la gestion de la crise du Covid-19, qui se conclut par un non-lieu en 2025. En 2023-2024, une plainte pour prise illégale d’intérêts, favoritisme et harcèlement moral est déposée contre lui par une ancienne agente de la métropole du Havre, accusations qu’il conteste fermement, dénonçant une « vendetta ». En mars 2025, il reçoit une menace de mort accompagnée d’une douille, en lien avec sa candidature présidentielle, entraînant l’ouverture d’une enquête.

Synthèse

Édouard Philippe est une figure politique complexe, incarnant à la fois l’héritage des élites administratives françaises et une volonté de dépasser les clivages traditionnels. Son parcours, de la gauche rocardienne à la droite juppéiste, puis à la tête d’un gouvernement macroniste, témoigne de sa capacité d’adaptation et de son pragmatisme. Maire du Havre, président de Horizons et candidat déclaré à la présidentielle de 2027, il continue de jouer un rôle clé dans le paysage politique français, tout en suscitant débats et controverses. Son style direct, son engagement littéraire et son image de réformateur en font un acteur incontournable, dont l’avenir politique reste à suivre avec attention.

Sources :