«Elles sont dans la panique!». Marie Dosé, avocate parisienne, suit les dossiers de plusieurs familles françaises qui essaient de faire rapatrier les enfants nés de femmes djihadistes parties en Syrie et aujourd’hui détenues dans les camps tenus par les kurdes, avec leurs enfants.
Elle vient de recevoir les messages des femmes du camp de Ain Issa, qui vient d’être bombardé. Depuis des mois, l’avocate ainsi que plusieurs de ses confrères, alertent les autorités sur la nécessité d’intervenir rapidement pour rapatrier les enfants, des innocents qui n’ont rien demandé et sur lesquels il est profondément injuste et immoral de faire retomber les fautes des parents.
Mais la France a agi jusqu’à présent avec parcimonie, selon une politique du «cas par cas», en exposant la vie de mineurs aux risques les plus terribles, contre toute loi internationale.
«Il n’y a plus le temps pour la bureaucratie, il faut agir et c’est maintenant», s’enflamme l’avocate. Pour certains c’est déjà trop tard. Un enfant français de douze ans a trouvé la mort il y a une semaine dans le camp de Al Hol, suite à des blessures de guerre mal soignées. Des blessures dont il souffrait depuis un an. D’autres souffrent aussi de faim, de froid, de blessures de guerre… En un an, plusieurs centaines d’enfants – estimés à 400 – ont péri dans cet enfer.
«Les petits sont atteints presque tous par des infections intestinales plus ou moins graves, car l’eau des camps n’est pas potable. On a vu des enfants boire de l’eau avec des vers dedans» raconte Sabrina (nom fictif) une des clientes de Maître Dosé. Sa soeur et son neveu de quatre ans se trouvent dans le territoire contrôlé par les kurdes, objet ces derniers jours de violentes attaques perpétrées par les turcs.
«Il y a énormément d’enfants amputés dans ces camps, soit à cause des bombardements, soit parce que autour des camps il y a souvent des terrains vagues minés», explique Sabrina, qui depuis quelques semaines n’arrive plus à communiquer avec sa soeur. «L’hiver, c’est terrible, beaucoup de petits sont victimes de brûlures : dans les tentes, pour se chauffer la nuit où les températures, dans ces terres désertiques, chutent brutalement, on utilise des bonbonnes de gaz. Ces mêmes bonbonnes, pendant la journée, quand il fait 40°C parfois sont surchauffées et explosent, en faisant des victimes surtout parmi les enfants».
Pourquoi ne pas rapatrier plus vite ?
Mais pourquoi ne pas agir plus vite pour ces rapatriements, surtout maintenant que la situation dégénère et alors que tant les mères que les mineurs pourraient être récupérés par Daesh, en pulvérisant ainsi les efforts des milices kurdes et de la coalition depuis des mois ?
Marie Dosé propose une réponse glaçante :
«Les responsables politiques se sont fait guider par la démagogie, Macron était bel et bien intentionné à rapatrier tout le monde, pour protéger les enfants et faire juger les femmes par nos tribunaux, comme cela serait cohérent par rapport aux lois internationales, mais plusieurs sondages ont montré que l’opinion publique française était défavorable aux rapatriements, on a donc décidé de ne pas intervenir».
C’est la démagogie qui l’a emporté et des enfants innocents en font les frais.
«Concernant les mères, je ne suis pas là pour vous dire qu’elles sont toutes des victimes», explique, franche, l’avocate. «On peut définir à peu près trois figures : l’adolescente de quatorze ans qui a été emmenée en Syrie par les parents radicalisés, qui s’est retrouvée mariée à un milicien de l’EI et se retrouve aujourd’hui, à dix-neuf ou vingt ans, mère de plusieurs enfants.
Il y a celle qui est partie volontairement, mais qui, une fois sur place, s’est rendue compte de l’enfer où elle était arrivée et a essayé à tout prix de rentrer. Parfois les familles se sont adressées à des passeurs pour les faire revenir, ces derniers ont pris l’argent et ont disparu dans la nature.
Il y a enfin une troisième catégorie, les vraies radicalisées, convaincues de leur idéologie criminelle. Même pour ces dernières un rapatriement aurait été le meilleur des choix car en les jugeant ici les autorités les auraient eu sous contrôle».
Aujourd’hui, les camps et les prisons risquent de se vider car les kurdes, attaqués de toutes parts, par la Turquie, par l’État Islamique soudainement réveillé et par les miliciens syriens pro-turcs, n’ont plus les moyens de garantir les contrôles des camps et des prisons. Actuellement, 12.000 combattants de Daesh sont détenus dans les prisons contrôlées par les kurdes, dont 3000 français.
En France, parallèlement à l’offensive turque, le débat s’enflamme et après l’attentat à la Préfecture de Police, l’islamisme revient sur le devant des débats, encore une fois sur le ton de l’hystérie. On a, à nouveau, droit aux show politiciens les plus affligeants. Une politique qui se montre constamment faible avec les forts et forte avec les faibles. On a eu droit ainsi au one man show de l’élu RN Julien Odoul, face à une mère voilée seule, en compagnie de son enfant, pendant une assemblée. Facile d’humilier une femme en public pour obtenir son quart d’heure de gloire. Lorsqu’on entend la voix tonitruante de l’élu ordonner à cette maman d’enlever son voile, j’ai eu une image dans la tête, celle d’un chasseur à l’allure grotesque et fière, qui poserait son pied victorieux non pas sur la dépouille d’un fauve, mais sur celle d’un chaton.
La démission face à la montée de l’islamisme en France
Soyons clair, c’est notre devoir républicain à tous de combattre l’islamisme. D’ailleurs en niant ce problème qui gangrène différents territoires de la République et notamment des zones défavorisées, la gauche française a bien souvent servi la soupe aux fondamentalistes de tous bords.
Trop d’élus, par peur d’accusation d’islamophobie ou de racisme, enfoncent la tête sous le sable en niant le fait que des régions entière du globe à majorité musulmane sombrent dans la radicalisation, que des mosquées salafistes sont alimentées par l’argent saoudien, que l’antisémitisme chez certains jeunes musulmans grandit à mesure que la politique de colonisation d’Israël progresse, que les professeurs d’école, sur leurs territoires, dénoncent la radicalisation de certains élèves et les discours ouvertement anti-Charlie, etc… etc…
Tant qu’ils ne prendront pas une position claire sur ces thématiques, les partis politiques délèguent implicitement au Rassemblement National le droit de s’exprimer – pratiquement seul – sur ces sujets, en les instrumentalisant politiquement à leur unique profit.
Aziza Sayah, française d’origine tunisienne et mère d’un garçon qui est tombé dans la spirale d’endoctrinement djihadiste en trouvant la mort en Syrie, s’est engagée en politique. Le fait qu’elle ait choisi un parti de droite, LR, pour sa candidature, en dit long sur sa frustration face à l’attitude d’une partie de la gauche qui a nié trop longtemps les problèmes liés à la radicalisation des jeunes.
Il faut dire que la classe politique, toute entière, se montre constamment incapable de combattre les sources de l’islamisation dans les territoires, quand il s’agit de cibler les causes profondes.
Les élus restent ainsi bien souvent silencieux quand il s’agit de vendre des armes à l’Arabie Saoudite, première source financière pour la propagation d’un Islam politique et prosélyte.
Rien n’est dit, quand on inonde les villes d’affiches à la gloire du royaume en guerre, tandis que le prince Salman a décidé d’ouvrir ses portes au tourisme, pour diversifier les revenus du pétrole. En revanche, il est plus facile de prendre à partie une mère et son enfant pour défendre les valeurs de la République.
La République, ne la défendrait-on pas mieux si on n’avait pas coupé drastiquement les fonds aux associations laïques qui oeuvraient dans les cités, en laissant les mains libres aux associations d’inspiration salafiste ? On la défendrait mieux aussi, en ne vendant pas les palaces parisiens et les territoires oubliés de la République aux princes saoudiens et à leurs pétrodollars.
Universalisme et humanisme, les oubliés du débat
Ceux qui veulent tout simplement vivre ensemble, dans la façon la plus naturelle et la plus pacifique possible, peu importe les croyances des uns et des autres, se retrouvent aujourd’hui dans un segment de la société toujours plus étriqué, plus inconfortable. Fascistes et islamo-fascistes se trouvent associés de fait dans le combat obscurantiste du moment et exercent une pression douloureuse, alimentée par une politique irresponsable et par des médias en quête de sensationnalisme à la Zemmour.
Ces deux forces intolérantes ont les mêmes ennemis : le respect, la liberté, les femmes qui ne veulent pas être contrôlées, les juifs, les homosexuels, etc… etc…
Malheureusement, avec l’incompétence de nos gouvernants sur l’échiquier géopolitique au Moyen-Orient, nous n’en avons pas fini avec les risques d’attentats islamistes.
Il faudra donc savoir se serrer les coudes pour que ce fameux segment ne se rétrécisse pas davantage, pour que la seule division possible entre les gens, peu importe leur croyance, soit celle entre ceux qui veulent vivre ensemble, en paix, et ceux qui ne le souhaitent pas.