Le progressisme est un populisme de l’élite. En s’inventant un ennemi avec le populisme, il en utilise pourtant toutes les figures : culte du chef, confusion idéologique et radicalité.
Les deux plus proches conseillers d’Emmanuel Macron publient aujourd’hui un livre censé expliquer le progressisme aux masses laborieuses «Le Progrès ne tombe pas du ciel» (Fayard).
Ce qui est d’abord le plus choquant dans le manifeste progressiste d’Ismaël Emelien et de David Amiel, c’est la certitude que seule la voie du progressisme est la bonne, sans en donner une définition satisfaisante. Selon les anciens conseillers d’Emmanuel Macron, c’est à chacun de «maximiser les possibles» pour être l’acteur de sa réussite par son engagement. Tout n’est que jeu de masques et pirouettes sémantiques dans une entreprise de sape de la pensée qui veut faire entrer la société française – jugée archaïque – dans le progrès.
Or le progrès est un mythe de la modernité
C’est la religion de l’ère industrielle, qui promet à tous l’amélioration de la vie matérielle sans tenir compte des nécessités de chacun. Déjà en 1909, Karl Kraus dans un article intitulé «Le Progrès» résumait le progrès en un slogan, un cliché, mais non un contenu. C’est un point de vue sur l’ensemble des actions humaines qui donne l’illusion du mouvement. Le philosophe finlandais Georg Henrik von Wright définit ainsi le progrès en 1993 «une croissance économique continue est une condition de la résolution des problèmes qu’une production industrielle intensifiée et rationalisée crée elle-même».
Le progressisme est l’incarnation nouvelle de la vieille croyance en le progrès, comme force irrésolue et sans alternative. Il en devient l’ennemi des progrès réels, notamment sociaux, dans l’amélioration des conditions de vie ou la protection de l’environnement.
Pire encore, le progressisme dans son idéologie de la confusion est un puissant rouleau compresseur des élites dans leur volonté d’imposer leur vision du progrès et nier les réalités de la lutte des classes. C’est une traduction du TINA «There is no alternative», dont toute l’arnaque repose sur le fait de faire croire que les idéologies sont mortes emportant avec elles le clivage gauche-droite et niant l’asservissement d’une partie de la population mondiale par une autre à des fins de profits.
Dans sa façon même de construire son idéologie, le progressisme refuse toute remise en cause, il est par essence dogmatique et totalitaire dans sa pensée du changement sociétal. Ainsi, le grand débat proposé par Emmanuel Macron n’eut rien d’un débat mais fut présenté comme une série de prêches télévisuels sur les bienfaits du progressisme par son champion élu, mettant en scène ses capacités de surhomme.
Le progressisme a déjà démontré qu’il était le faux-nez du libéralisme industriel, ses priorités étant la dérégulation sociale, la financiarisation de toutes les sphères de l’existence et la croissance à tout prix. Dans son sillage, l’idéologie nouvelle du progrès recycle tout : l’écologie devient le développement durable pour entrer dans les business plans et ne pas contrarier les industries pollueuses dans leur travail de sape climatique ; la protection sociale devient la responsabilité de chacun grâce à l’emploi et la formation ; le travail est devenu une «ressource humaine» exportable au même titre que les ressources naturelles, et le progressisme cultive un «impensé» fondateur, dans la défense systématique des intérêts de la caste financière.
L’ennemi du progressisme n’est pas le populisme, loin de là, mais bien le réveil écologique des consciences de millions de citoyens qui ont compris, 50 ans après l’alerte climatique, que l’idéologie du progrès et les marqueurs de la croissance sont des leurres amenant à la catastrophe.
Le progrès est ailleurs.