Voici l’Acte XVIII et le retour des scènes de pillages dignes de l’acte III, que l’on pensait laisser derrière nous. Ces dernières se sont reproduites avec encore plus d’acuité, ce week-end tragique où le locataire de l’Élysée a préféré les pistes enneigées de la Mongie à l’exercice du pouvoir.
C’est une image qui ne s’efface pas, ce Président jovial, en tenue de ski, tandis que son gouvernement peine à maintenir l’ordre dans les rues de Paris, sous un ciel d’incendie.
Amateurisme inédit en Vème République ou stratégie de pourrissement irresponsable et inefficace ? Ce gouvernement qui semble jour après jour perdre pied avec la réalité, n’en finit pas de poser question.
Le Président pensait que son éloquence et sa performance théâtrale portée par le grand débat avait suffit à calmer ce peuple en jaune qu’il ne voulait ni nommer, ni voir. Il n’en a rien été. Dans une bulle ou dans l’autre, le débat et la critique sont devenus impossibles : foulards rouges contre gilets jaunes, même le débat politique réduit à une infantilisation des idées prend les allures d’un jeu de téléréalité.
La proposition du nouveau monde portée par «En Marche» était claire : en finir avec les corps intermédiaires, ringardiser les partis et les syndicats et emmener tout un pays derrière le rêve d’un startupper politique doué mais dénué d’expérience. Pour que cela fonctionne, il aurait fallu développer une stratégie de growth-hacking pour développer la base «clients» au-delà des soutiens initiaux. Mais Emmanuel Macron n’a ni l’envie ni la capacité de devenir un Président populaire. Persuadé du bien-fondé de sa démarche, il refuse de se remettre en cause ou de questionner l’idéologie qui le pousse à malmener un pays réfractaire pour le faire entrer de force dans l’ère de la financiarisation globalisée.
Le hold-up de la présidentielle a réussi, mais il semble que la cavale se termine. Voici le progressisme dévoilant son vrai visage, celui d’un autoritarisme de marché, où la contestation et le débat n’ont pas lieu d’être. Sans broncher, le Premier ministre a annoncé une série de mesures d’interdiction de manifestations et souhaite que la justice poursuive les leaders autoproclamés des gilets jaunes. Dans une scène qui prolonge le sentiment de malaise, le Président de la République, entouré d’intellectuels faire-valoir et mutiques , a annoncé vouloir «remettre un certain nombre de limites et d’interdits» sur les réseaux sociaux car ils produisent un certain malheur.
Car c’est pour notre plus grand bonheur que la violence d’État se déchaîne sur les manifestants comme jamais depuis des semaines, car c’est pour notre plus grand bonheur que le progressisme souhaite casser le droit social et reculer l’âge de la retraite, car c’est pour notre plus grand bonheur que les hôpitaux sont asphyxiés et sans doute est-ce encore pour notre plus grand bonheur que les choix de politique fiscale augmentent les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres.
Le grand débat s’est achevé ainsi dans une agréable discussion de salon, nommée pour l’occasion grand débat des idées, sans doute pour souligner l’inutilité et la vacuité des débats citoyens tenus jusqu’alors et dont les conclusions sont déjà en majeure partie écrites dans les rapports de France Stratégie.
Les horloges ne donnent plus l’heure, mais qu’importe, le maître des horloges poursuit sa route, sans écouter, sans ralentir, pour «réformer» au plus vite un pays qu’il peine à comprendre.
Nous vivons une tragi-comédie où certains de nos concitoyens ont été mutilés à vie, où la contestation sourde est devenue violente et où ceux qui hier râlaient sans trop y croire sont devenus prêts à tout pour en finir avec un système qu’ils jugent vicié et dont ils n’ont plus rien à attendre. Face au tragique et à la comédie d’un ministre en goguette, d’un Président des loisirs saisonniers et d’un Premier ministre qui peine à tenir la barre d’un navire qui prend l’eau de toutes parts, il ne reste que le désespoir de ceux qui refusent de croire en cette mascarade.
Chaque semaine, ils sont des milliers dans la rue à demander une politique climatique ambitieuse, une justice sociale et fiscale et les premiers mots des ministres au sortir du grand débat ont été «recul de l’âge de la retraite», «maîtrise de la dépense publique» et «interdiction des manifestations». Qui sont ces gens que les français ont élu ?
La stratégie suicidaire d’Emmanuel Macron, débutée à l’été 2018 par un mensonge sur l’affaire Benalla, nous conduit tous dans le précipice de la fin de son mandat.
Il est urgent de condamner la dérive d’un pouvoir devenu fou.