Comme promis, le 6 août au lendemain de l’explosion qui avait endeuillée Beyrouth, le Président français était de retour au Liban ce 1er septembre. Mais pour quoi faire ?
Tout d’abord, pour faire du «en même temps», comme à son habitude, c’est-à-dire réaffirmer la solidarité française, sans prétendre faire de l’ingérence. Mais alors, comment interpréter cette phrase du Président dans une interview accordée à Politico :
«Les trois prochains mois sont essentiels pour un changement réel au Liban. Si cela n’arrive pas, je changerai de cap et nous bloquerons le plan de sauvetage financier et imposerons des sanctions à la classe dirigeante».
Le contraste est impressionnant entre l’acclamation du Président au lendemain du drame et l’accueil très mitigé ce mardi 1er septembre.
Les Libanais sont partagés entre pessimisme et résignation depuis le mouvement populaire de protestation d’octobre 2019 qui demandait le départ des élites corrompues. Or, Emmanuel Macron a donné bien peu de gages au peuple libanais et continue de s’appuyer sur le système politique en place et à l’origine des problèmes du pays. Il n’est pas vu par la population comme un sauveur, mais davantage comme un opportuniste naïf, dont les paroles ne sont pas suivies d’effets. Outre une indifférence marquée des populations pour cette visite, une manifestation était organisée par les mouvements citoyens place des Martyrs à Beyrouth ce jour, pour rappeler la dimension dégagiste du mouvement de la rue et des émeutes ont eu lieu autour de l’Assemblée.
Le Levant, dernier bastion français sur l’autre rive de la Méditerranée
Mais le Liban a un nouveau Premier ministre ! Il s’agit du diplomate et universitaire Moustapha Adib, nommé en grande vitesse la veille de cette visite, d’un commun accord avec les forces politiques libanaises, afin de former au plus vite un gouvernement «de mission» pour lancer les réformes auxquelles l’aide sera conditionnée.
Ces réformes restent lettre morte depuis la conférence du Cèdre de 2018 et les Libanais restent perplexes concernant leur contenu réel. Le Président français a invité les acteurs à une conférence internationale sur le Liban à Paris d’ici trois mois, mais son mandat reste flou : est-il une troîka à lui tout seul ? A-t-il un accord avec les États-Unis, ou bien avec l’ONU ?
Accompagné du ministre des Solidarités et de la Santé et du ministre des Affaires Étrangères, sur le port, Emmanuel Macron a voulu se rendre compte de l’avancée des travaux menés par les soldats français et libanais, et vérifier l’arrivée de l’aide humanitaire, dont les associations peinent à retrouver la trace.
Les symboles aussi étaient du voyage : planter un cèdre sur le mont Liban en cette date du 100ème anniversaire de la création du Grand Liban et rencontrer Fairouz, légende vivante de la chanson arabe. Autant de gestes en direction de toutes les communautés du pays.
Mais chut ! Il ne fallait surtout pas parler de la rencontre d’Emmanuel Macron avec Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, information qui pouvait gâcher la campagne de communication si bien huilée.
Se mettre en scène au Liban et à l’international, la rentrée politique du nouvel Emmanuel Macron
Après les vacances en jet-ski, Emmanuel Macron préfère une rentrée politique sur la scène internationale pour éviter d’avoir à répondre aux critiques de la gestion de la rentrée en temps de Covid. C’est une façon facile de re-présidentialiser la fonction, et de mobiliser des troupes de LREM plus qu’éparses pour 2022 et dans l’attente d’un leader à l’Assemblée Nationale en remplacement de Gilles Legendre.
Emmanuel Macron cherche à la fois à modifier son image et à se réinventer pour une énième fois, dans une rentrée politique et sociale à haut risque, où les Français continuent de ne pas comprendre l’intelligence et la subtilité de la gestion gouvernementale des masques, des tests et de la planification d’une hypothétique relance, financée par la dette européenne.
Pour Emmanuel Macron, le choix est donc fait, l’agenda de sa rentrée politique sera international : Mali, Liban, Méditerranée, et c’est de loin ce 1er septembre, qu’il a souhaité une bonne rentrée aux élèves français et à leurs parents.
Encore un petit air de vacances, une dernière carte postale.