Nous devons bien évidemment à Emmanuel Macron la nomination de Gabriel Attal. Mais ne devons-nous pas également remercier BFM TV ?
Oui, à n’en pas douter.
Exemple parfait de la fabrique du consentement et de la manipulation des masses par des opérations de communication ayant depuis longtemps remplacé le plébiscite citoyen et la vitalité démocratique, le cas Attal explose tous les scores en terme d’hagiographie laudative.
Nous avions eu un avant-goût de ce que la modernité pouvait nous réserver de pire en politique en décembre 2016 avec la mise sur orbite du Mozart de la finance dont les moindres mots et les moindres actions sans éclat étaient parées des ors de la génialité.
Les recettes sont les mêmes, les jeux sont faits, et la démocratie n’est plus.
Le « du pain et des jeux » romain est devenu à l’aube de cette deuxième année de second quinquennat « des faux chèques alimentaires et du spectacle en réalité virtuelle ».
Car en quarante-huit heures, voici le petit florilège de ce que vous pouviez voir et entendre sur une chaîne dite d’information.
Après un live sur la chaise vide de Gabriel Attal, encore ministre de l’Éducation, devant animer une réunion mardi matin avec les 14 000 chefs d’établissements scolaires, alors que sa nomination à l’Élysée venait de tomber, assumant par ce plan fixe le ridicule d’un suspense d’opérette, tous les pseudo journaleux à la manque furent réquisitionnés et positionnés en des planques dignes des pires téléfilms de fin d’après-midi, devant lieux de pouvoir et autres ministères. Piétinant depuis plus de 24 heures, en comblant le vide du temps par le vide de l’esprit, ils tentaient de nous décrire le rien, nous abrutissant de scoops incroyables tels que la mise en route des phares de la voiture du jeune prodige et les allumages de moteurs des véhicules ministériels. Pour autant, aucun ne fut capable de savoir que Macron et Attal prirent un petit-déjeuner de plus de 2 heures le matin même de la grande annonce. Vinrent-ils déguisés pour se rencontrer ?
Quelle mascarade. Quel théâtre de guignols. Quelle vacuité face aux drames que vivent les français. Comme l’inégalable et trop rapide ministre de l’Éducation allait manquer à ses collègues, si vite conquis, à l’image de cette dame, avouant son amour du personnage et son regret de le voir déjà la quitter. Quelle fébrilité dans ce micro tendu à des lèvres qui prononçaient enfin les mots qu’il fallait, les phrases attendues.
Car Mesdames et Messieurs, à 9 ans, ses camarades le voyaient déjà président de la République. Oui oui oui. Et au coeur de l’Alsacienne en 2007, il organisait des élections, démontrant alors un sens politique innée et rarement vu même au sein de cette prestigieuse école. Par la suite, militant au PS, il coordonnait un comité de soutien à Ingrid Betancourt (et si l’on en croit les intervenants en plateau, obtenait la libération de cette dernière à lui seul.)
Nous nous souviendrons avec émotion de cette professeure d’Histoire écumant les plateaux télé, de la matinale de Télématin jusqu’au show bolloréen du soir, l’arène clownesque et incontournable qu’est devenue TPMP, pour nous narrer les exploits de son cher et divin enfant, le jeune archange Gabriel.
Sur BFM TV, la logorrhée ne peut cesser, car en effet, c’est sur elle que tout repose. Alors, on brode, et petit à petit, on gravit les échelons de l’indécence et de la bêtise la plus crasse, « Gabriel Attal ne coche aucune case des critères précédemment requis pour être un premier ministre d’Emmanuel Macron. Il fait de l’ombre aux personnes avec lesquelles il travaille car il est brillant et très intelligent. » Malgré ce palmarès qui aurait dû inquiéter Jupiter, dieu connu pour craindre par-dessus tout que l’on puisse lui faire de l’ombre, le président, magnanime, ne pouvait passer à côté d’un tel profil et a donc surmonté ses appréhensions de voir le soleil moins l’illuminer, afin de bénéficier d’un homme comme rarement nous en vîmes.
Après avoir loué toutes les qualités de ce génie bien né qu’est Gabriel Attal, les éditorialistes de BFM TV devaient faire croire aux français que le sosie de notre président avait aussi des atouts bien à lui. Le réhumaniser en quelque sorte. Et c’est ainsi que son passé au Parti socialiste fut mis à contribution afin de faire de lui, le visage social et de gauche de la macronie. Ce serait même à cause de cela que les membres du gouvernement se seraient opposés à sa nomination. Jamais au grand jamais car eux aussi prétendaient au trône.
Que de couleuvres à avaler en visionnant pendant quelques heures une chaîne de propagande n’ayant rien à envier à la Chine, à la Russie ou à la Corée du Nord. Car honnêtement, où fait-il se situer sur l’échiquier politique pour considérer Gabriel Attal comme un homme de gauche, surtout quand ses dernières décisions le placeraient plutôt bien à droite ?
BFM TV ne se prive pas non plus de faire passer sa nomination comme un éventuel piège tendu par Emmanuel Macron à son plus fidèle lieutenant, pariant sur sa jeunesse pour ne pas être à la hauteur du poste offert et détruisant ainsi toute velléité de présidentialisme pour 2027.
Ici aussi, la ficelle est grosse. On veut simplement nous faire croire que s’il réussit, ce sera d’autant plus incroyable et méritoire, car ne nous trompons pas, ce qui se passe aujourd’hui s’appelle une courte échelle vers une victoire, dont l’orchestration ne fait que commencer, aux prochaines présidentielles.
Comme l’a si bien dit Jean-Luc Mélenchon, voir à la tête du gouvernement un ex porte-parole, démontre la volonté d’Emmanuel Macron de régenter toutes les strates d’un système démocratique totalement corrompu. Le premier ministre ne sera pas un plus, il sera un double, le renforcement de l’hégémonie d’un hyper-président assoiffé de pouvoir.
En 2018, dans Crépuscule, Juan Branco ne faisait pas une fixette sur son camarade de promo. Il savait et nous alertait sur les compromissions d’une République qui trahissait déjà son nom. Il fut raillé. Chaque mois et chaque année qui passent lui redonnent légitimité et vérité. Qu’il ait pu prédire tout ce qui se produisit est la preuve éclatante que le peuple ne décide plus de rien.