Le 24 novembre à 20h, le Président de la République s’est exprimé pour détailler les suites de son reconfinement. Emmanuel Macron s’était donné trois objectifs avec cette déclaration : donner un cap aux français ; éviter les erreurs du premier déconfinement ; rassurer les français. Ce troisième point, important pour nombre de nos concitoyens, las de cette situation exécrable, a encore une fois délaissé une grande frange de la population française : les étudiants.
En effet, depuis le début de cette crise sanitaire, les étudiants paraissent être les oubliés du gouvernement. Lors du premier confinement, la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal fut mutique, et son silence s’est prolongé jusqu’au mois d’août, où elle signala la volonté de reprendre les cours en présentiel, malgré les signaux d’alerte pointés par la communauté médicale et scientifique. Autrement, elle laissa pleine autonomie (comprenons ici abandonna) les Universités à leur sort pour gérer les examens de fin d’année universitaire, ainsi que l’organisation de la rentrée en septembre.
Malheureusement, les seules mains tendues aux étudiants sont à destination des boursiers : dans un premier temps, la baisse du prix des repas aux restaurants universitaires à 1€ ; dans un second temps, l’aide exceptionnelle de 150€ en décembre pour les boursiers et les étudiants salariés percevant les APL. Mais rien pour les étudiants non-boursiers, qui ne sont pas forcément issus des classes aisées. Ceux-ci sont les grands oubliés de l’État qui abandonne une partie non-négligeable de sa population, les condamnant avec des critères archaïques sur le bord de la route.
D’autant que ces aides s’apparentent à de vulgaires os à ronger, tant la détresse des étudiants et de la communauté universitaire dans son ensemble est forte. En effet, aucune stratégie coordonnée n’existe, les Universités et leur autonomie prévalant sur l’égalité de traitement des étudiants face aux sélections en Masters. Si certaines ont fait le choix des examens en distanciel, d’autres persistent à vouloir organiser leurs partiels en présentiel, en dépit de la situation sanitaire et avec des mesures floues, quand bien même les Universités n’ouvriraient leurs portes qu’à compter du 5 février, sous réserve d’un nombre de cas positifs à la Covid-19 inférieur à 5000 par jour. Cette zone de flou concernant l’organisation des examens est une source de stress pour les étudiants, et l’absence de stratégie coordonnée venant du Ministère renforce ce sentiment.
De plus, nombreux sont les étudiants à devoir rechercher des stages ou des alternances dans l’optique de compléter leur formation universitaire, quand ceux-ci ne sont pas imposés par le cursus. Mais avec la situation sanitaire et les entreprises frileuses à l’idée d’accepter des étudiants, réaliser un stage ou une alternance devient de plus en plus compliqué, quand ce n’est pas impossible selon le domaine visé. Ainsi, la complétion du cursus et l’obtention du diplôme deviennent incertains, avec les conséquences que nous devinons sur le moral des étudiants.
Enfin, les étudiants qui possédaient des «jobs» à côté de leurs métiers pour joindre les deux bouts, n’arrivent plus à joindre ces bouts. Les entreprises pour lesquelles ils travaillaient ayant fermées le temps de l’épidémie, ou licenciant, n’arrivant plus à tenir les comptes, ces étudiants salariés se retrouvent maintenant à se nourrir avec l’aide de la Banque alimentaire ou des Restos du cœur, avec pour seul mot d’ordre de survivre à leur année, plutôt que la vivre. Cela provoque l’ire des bénévoles de ces associations, désemparés face à cet afflux de jeunes au moral en berne.
Ainsi, l’allocution d’hier était attendu en ce sens que les étudiants ont besoin d’une main tendue vers eux, ainsi que de clarté quant à la stratégie les concernant. Mise à part une aide dont tous ne bénéficient pas et avec de sérieux airs d’os à ronger, l’État semble faillir à sa tâche en oubliant cette frange non négligeable de sa population, mais surtout qui constitue son avenir. En omettant de sa stratégie, sa jeunesse, le gouvernement montre non seulement une forme de désintérêt pour eux, mais surtout semble incapable d’en donner une concernant les Universités, en atteste le silence de la Ministre et l’incapacité de coordonner nationalement les tenues d’examens, se rangeant derrière leur autonomie. Cela prête à penser que ce gouvernement est dans une impasse avec les étudiants, partagé entre la volonté de laisser passer le vote de la Loi de programmation pour la recherche et ainsi éviter une gronde de la part de la communauté universitaire, mais aussi se conformer aux lois qu’il a fait adopter et faire bénéficier aux Universités de l’autonomie promise, le tout en les laissant faire ce qu’ils veulent, au détriment de l’égalité de traitement des étudiants à l’échelle nationale dont on aime tant parler.
Mais ce silence est coupable, car la détresse morale dans laquelle baigne les étudiants n’aura pas que des effets positifs. D’ici à février, dans le meilleur des cas, le nombre de décrocheurs scolaires va s’accroître, et les effets psychologiques sur le long terme risquent de créer une génération malade, qui devra récupérer sur ses épaules toutes les retombées de cette gestion de crise calamiteuse. Et sachant que l’on parle déjà d’une 3ème vague de l’épidémie pour début 2021, nul doute que ce désarroi va se poursuivre. Alors on se souviendra du silence d’Emmanuel Macron pour toute une génération.
- Zakaria Arab