La nouvelle est tombée, nous attendions depuis des semaines. Steve a été retrouvé. Sa famille a vécu l’horreur et demande le temps du deuil.
S’associant au deuil de la famille, cette nation inquiète, celle qui ne s’accommode pas de la montée des violences policières et du mensonge quotidien des porte-paroles qui alignent les éléments de langage vides devant les caméras et les micros de propagande a finalement trouvé la réponse à sa question lancinante : Où est Steve ?
Pour les autres, ceux qui approuvent la répression et l’autoritarisme naissant d’un Président impopulaire, c’est dommage pour ce jeune, qui a perdu la vie, mais le DJ n’avait qu’à couper le son, et puis rien ne prouve que l’intervention de police est responsable de sa noyade. On obéit ou on en paie le prix, jusqu’à en perdre la vie, c’est ainsi.
Et bien non, ce n’est pas normal qu’un jeune homme de 24 ans perde la vie le soir d’une fête de la musique, sur les bords de Loire, parce que les sound systems – dont le son ne dérangeait personne – devaient cesser impérativement de faire danser une foule joyeuse à 4h du matin.
L’enquête de l’IGPN, livrée le 16 juillet aux autorités, dédouane la police qui a agi de manière mesurée pour faire cesser un trouble à l’ordre public. Ce rapport, comme l’a souligné le Premier ministre, accompagné d’un ministre de l’Intérieur muet, n’établit aucun lien entre la disparition de Steve Maia Caniço et l’intervention de police.
Voilà donc l’exécutif qui juge légitime et proportionnée, l’utilisation de 33 grenades lacrymogènes en l’espace de 20 minutes, de tasers et de grenades de désencerclement pour faire éteindre une sono trop tardive, un soir de festivités nationales. La folie et la démesure sont devenues la norme.
Qu’on ne se trompe pas, sans intervention policière sur un quai dédié à la fête d’un soir d’été, Steve serait toujours en vie.
Les responsables cherchent dans le nuage de lacrymogènes, un coupable pour cette mort tragique. Comme toujours, la police en première ligne est l’accusé idéal. C’est trop facile. Les policiers font le sale boulot, sans considération, obéissant à une chaîne de commandement qui a perdu pied avec sa mission première : protéger les populations.
Alors, pour faire oublier les mauvais traitements, l’état piteux des commissariats, les heures supplémentaires non payées, les suicides et la fatigue, la seule façon qu’a trouvé le politique pour se faire pardonner, c’est de couvrir les policiers violents, de fermer les yeux sur les fautes et de soutenir sans réserve la «colonne vertébrale» qui soutient à bout de bras un pouvoir assiégé.
Et pourtant, il devient urgent de renouer le lien de confiance entre la police et les populations, sans quoi le contrat social républicain n’a plus de valeur. Sans justice, pas de paix sociale.
La situation est grave et le Président, qui se garde bien d’apparaître dans les médias en ces heures sombres, a choisi de réduire au silence son ministre de l’Intérieur et de déléguer la communication de crise à son Premier ministre. Emmanuel Macron, qui si fièrement l’an passé, au mois de juillet, mettait tout un peuple au défi de venir le chercher, lui le seul responsable des exactions de son garde du corps d’alors, Alexandre Benalla. N’est-il plus le dernier responsable en ce mois de juillet 2019 dans cette République du Nouveau Monde, qui refuse les fusibles ? Visiblement non.
Le peu de considération qui a été donné à la famille de Steve durant ces dernières semaines contraste avec l’empressement des responsables de rencontrer la famille à présent. Parce que le Premier ministre a pris en main cette affaire, en lieu et place du ministre de l’Intérieur, l’avocate de la famille parle dorénavant d’une affaire d’État.
C’est d’ailleurs à dessein qu’Édouard Philippe a saisi l’Inspection Générale de l’Administration afin de compléter l’enquête de l’IGPN, qui ne permet pas de faire la lumière sur la chaîne de commandement lors de l’intervention des forces de police.
De son côté, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner a écrit à la famille de Steve pour leur proposer de leur remettre le rapport de l’IGA avant sa publication.
Rien ne rend une vie gâchée.
Pour Steve, pour tous les innocents, demandons justice sans relâche.