Ah, si le Président Macron avait tenu sa promesse de créer une Commission Citoyenne tirée au sort dès son entrée en fonction !
Il aurait ainsi pu bénéficier d’interlocuteurs représentatifs de la population française à qui s’adresser pour tenter de résoudre la crise des Gilets Jaunes puisque ce mouvement est soutenu par environ 80% de la population.
L’avantage du tirage au sort est de permettre de créer une image en modèle réduit de la France avec qui il est possible de discuter pour éventuellement adapter sa politique. Le référendum, lui, a l’avantage de permettre de consulter l’ensemble de la population, mais ensuite il faut pouvoir interpréter le résultat, ce qui n’est pas si simple. Par exemple, les 55% de «non» en 2005 contre le traité constitutionnel européen ne constituaient pas un seul bloc homogène, il y avait plusieurs «non». Demander aux différents chefs de file du «non» de s’entendre est mission impossible ou revient à la rigueur à entrer dans des jeux politiciens dont les français ne veulent plus. Les citoyens tirés au sort, eux, s’ils peuvent se sentir plus ou moins proches de certains partis politiques peuvent tout à fait évoluer sur certaines positions à la suite de débats ou de consultation d’experts. On constate d’ailleurs qu’au sein des conférences de citoyens tirés au sort, les gens travaillent avec sérieux et de manière constructive. Les exemples nous viennent principalement du Danemark, d’Allemagne, des États-Unis et du Canada, la France étant en retard en la matière bien qu’elle utilise avec satisfaction le tirage au sort pour désigner les jurés d’assises.
Dans le cas du référendum français de 2005, l’intention du pouvoir n’était visiblement pas réellement de demander son avis au peuple, puisque le traité, à peine modifié, a finalement été ratifié par voie parlementaire. Mais si nous prenons l’exemple du référendum britannique pour le Brexit : les 52% de votants souhaitant quitter l’Union Européenne sont motivés par des considérations disparates, il est alors difficile de trancher entre un «hard Brexit», un «soft Brexit» ou un traité se situant entre les deux. S’appuyer sur une assemblée citoyenne tirée au sort permettrait de légitimer le choix politique final en regardant uniquement le contenu du traité de sortie négocié avec l’Europe et non les intérêts personnels des hommes politiques qui vont être consultés au Parlement.
Suivant les pouvoirs que l’on souhaitera donner à l’assemblée tirée au sort, il faudra adapter sa taille et son fonctionnement. On peut imaginer un continuum avec d’un côté une Commission Citoyenne d’une trentaine de personnes qui serait essentiellement consultative et de l’autre une Assemblée Citoyenne de plusieurs centaines de membres ayant des pouvoirs forts inscrits dans la Constitution. Dans des cas comme ceux du traité constitutionnel de 2005 ou du Brexit, c’est bien une véritable assemblée qui est nécessaire avec une représentativité garantie en matière d’égalité entre le nombre de femmes et d’hommes, en matière de régions de provenance et de classes d’âge. Le tirage au sort garantit l’impartialité du choix de membres de l’assemblée, ce ne sont pas des gens désireux d’accéder au pouvoir qui sont choisis, mais de simples citoyens ancrés dans la réalité de leur activité quotidienne. Il n’y a cependant rien de magique, il faudra s’assurer que les tirés au sort sont correctement formés et aptes à accomplir leur mission, il faudra également vérifier qu’ils ne succombent pas aux sirènes de la corruption. Une attitude que les grecs de l’antiquité, qui utilisaient le tirage au sort en politique, punissaient très sévèrement.
Lors de son discours de campagne du 4 octobre 2016, Emmanuel Macron évoque rapidement cette Commission Citoyenne et ne la décrit pas précisément. Vous pouvez voir la vidéo de cette déclaration sur le site CommissionCitoyenne.fr (tenu par un collectif dont l’auteur de ces lignes fait partie). Il parle d’un accompagnement et d’une aide de ces citoyens par la Cour des Comptes et des experts indépendants. La mission qu’il assigne à cette commission est de vérifier les promesses de campagne une fois par an et il indique qu’une telle démarche lui semble être une forme d’hygiène démocratique.
C’est ici que la situation devient cocasse : cette déclaration qui a participé à la constitution de son image d’homme politique frais, prêt à innover pour approfondir la démocratie, n’est pas dans son programme écrit. Il vaut donc mieux ne pas limiter le rôle de cette commission à la vérification des promesses de campagne mais plus simplement lui donner la mission de questionner le gouvernement sur tous les sujets et lui permettre d’intervenir fréquemment. Le pouvoir de cette Commission Citoyenne pourrait être par exemple d’avoir le droit de faire une déclaration télévisée à 20h ou de déclencher une motion de censure qu’il resterait aux députés de voter ou non. En effet, il paraît difficile de donner plus de pouvoir à une commission de seulement 30 citoyens.
À l’avenir, le tirage au sort permettra d’éviter aux dirigeants un mal contre lequel il leur est difficile de lutter : que ne se creuse une distance trop grande entre eux et le peuple. Il reste à savoir quand et comment le tirage au sort sera introduit dans les institutions politiques.