Suite au dépôt des offres de reprise dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire sous laquelle est placée l’enseigne LA HALLE, membre du groupe Vivarte, depuis le 9 juin, les salariés du groupe ont organisé deux marches contre la fermeture des deux dépôts logistiques indriens (Issoudun et Montierchaume). Samedi 20 juin, Gil Avérous, maire (LR) de Châteauroux était présent aux côtés des salariés.
À ce jour, 25 offres de reprises partielles ont été déposées au Tribunal de commerce de Paris, ce qui pourrait permettre de sauver jusqu’à 607 magasins sur les 830 de l’enseigne. Le groupe Beaumanoir (Cache-Cache, Bonobo, Morgan, Vib’s) est le principal repreneur.
Cependant, près de 2196 emplois devraient être rayés de la carte sur les 5391 de l’enseigne. Contrairement aux engagements pris auprès des salariés de La Halle par Patrick Puy, Président du groupe Vivarte, qui annonçait il y a quelques jours que 4000 emplois seraient sauvegardés.
«Il se présente comme le sauveur de La Halle, mais le groupe comptait 20 enseignes quand il est arrivé, contre 3 aujourd’hui… Il nous a dit que 3800 salariés seraient sauvés et il annonçait 4000 dans la presse quelques heures plus tard… Aujourd’hui, on sait qu’il nous a donné de faux espoirs. Il n’est plus Directeur Général de la Halle et il continue à s’exprimer dans les médias. Nous, on ne veut plus entendre parler du fossoyeur de La Halle !» explique Vincent Boursier, coordinateur CFE-CGC du groupe Vivarte.
Si Patrick Puy répète dans les médias que 4000 salariés de La Halle sont concernés par les offres de reprises, il ne mentionne pas le caractère non cumulable de ces offres qui concernent pour beaucoup les mêmes magasins de l’enseigne. L’immense majorité de ces nouvelles offres de reprise seront donc retirées si la proposition de Beaumanoir est acceptée.
Beaumanoir souhaite reprendre 326 points de vente qu’il exploitera sous l’enseigne La Halle, et 36 autres qui seront exploités sous l’enseigne Vib’s. Selon le délégué CGT Karim Cheboub, cela représente «2100 salariés et 102 autres sur 500 au siège».
Les salariés sont extrêmement inquiets par cette offre, émanant de la 168ème famille la plus riche de France avec 550 millions d’euros de fortune personnelle, qui ressemble plus à une opération financière qu’à un espoir de reprise de l’activité. Le groupe demande que sur les 120 millions d’euros de trésorerie de La Halle, 50 soient affectés à l’achat du stock nécéssaire à la production de la prochaine collection. Beaumanoir, qui ferait l’acquisition des magasins pour 1 euro symbolique, mettrait au passage la main sur 75 millions d’euros de stocks résiduels. De la même manière, Beaumanoir ne s’engage pas à maintenir les effectifs des magasins acquis et a sollicité le tribunal de commerce pour faire lever l’interdiction de revente des magasins avant 2 ans habituellement obligatoire lors de ce type de reprise. Tout semble indiquer que certains magasins seront revendus rapidement.
D’autres repreneurs se sont manifestés – dont Besson Chaussures (60 magasins), Gémo (20 magasins), Chaussea (158 magasins), le grossiste en linge de maison Côte d’Amour… ou encore les supermarchés Lidl. «Eux, ils ne visent que les locaux, 63 magasins de 1500 m² ; comme ils ont une activité différente, ils n’ont pas d’obligation légale de reprendre les salariés contrairement aux enseignes d’habillement», développe encore Karim Cheboub.
Aucune offre ne couvre les deux sites logistiques de Montierchaume et d’Issoudun (Indre) qui emploient 496 salariés. Un repreneur pourrait être intéressé pour de l’entreposage, ce qui induit la reprise d’une quarantaine de salariés seulement.
C’est une véritable catastrophe sociale selon l’intersyndicale de La Halle mais aussi selon les responsables politiques de la région. Sur les 500 salariés des dépôts logistiques de l’enseigne, une immense majorité ont plus de 45 ans, aucune autre formation et sont en incapacité de travail de part les exigences physiques extrêmement rudes de ces métiers pratiqués depuis des années.
Concernant les magasins, ce sont à 90% des femmes, le plus souvent avec des contrats à temps partiel, qui se retrouveront au chômage.
Quant au financement du PSE, Madame Le Boucher, l’administratrice désignée par le tribunal de commerce, annonce que seuls 35 millions d’euros pourront y être affectés. Alors qu’il est impossible à ce stade de déterminer avec précision le nombre de salariés qui seront licenciés.
Jusqu’au 29 juin, date de clôture du dépôt des offres de reprise, les salariés de La Halle entendent négocier avec le groupe Vivarte et les repreneurs l’amélioration des offres de reprise.
– Concernant les actionnaires et les fonds d’investissement propriétaires du groupe : l’intersyndicale exige un plan de financement du PSE pour le retour à l’emploi de chaque salarié licencié.
– L’intersyndicale sera attentive à ce que les repreneurs ne profitent pas d’une situation d’aubaine. «Nous n’avons rien contre Beaumanoir, seul repreneur principal, mais nous voyons bien leur volonté que La Halle finance les achats pour la saison prochaine, au détriment des fonds alloués au PSE. Nous pensons également que son offre pourrait concerner un périmètre plus large de magasins et d’entrepôts sans risque pour la pérennité du projet, ce qui permettrait d’alléger le coût de la restructuration et de l’indemnisation des futurs chômeurs de La Halle porté par l’État», explique Karim Cheboub, coordinateur CGT de Vivarte.
– Concernant le gouvernement, la mise en place d’un soutien au PSE de La Halle, comme dans l’industrie, confirmerait la volonté politique d’éviter un éloignement durable de l’emploi.
Malgré la rentabilité de l’enseigne (120 millions d’euros de trésorerie prévisionnelle et 5 à 6 millions d’euros d’excédent d’exploitation en 2019) les salariés de La Halle craignent que la stratégie des actionnaires ne privilégie la cession de l’enseigne au profit des investisseurs plutôt que la sauvegarde des emplois et l’indemnisation des salariés licenciés. Avec pour beaucoup plus de 30 ans d’ancienneté dans l’entreprise, les salariés sont désolés de voir La Halle bradée et démantelée aussi vite dans une situation économique si particulière alors que quelques mois de sursis auraient probablement permis d’obtenir des offres de reprise plus conséquentes. L’intersyndicale est déterminée à représenter l’intérêt de ces derniers.