Vous vous souvenez du confinement ? Ces deux mois où certains d’entre nous étaient enfermés chez eux pour le bien commun, tandis que d’autres continuaient à travailler dehors dans des conditions difficiles. Le front et l’arrière-front de la «guerre» contre le virus inconnu.
À l’intérieur, les familles ont découvert le difficile travail d’éducation de la jeunesse, parfois aussi la difficulté de vivre ensemble, sans l’échappatoire de la routine du bureau, du métro et des jeux de l’apparence sociale. D’autres au contraire, ont retrouvé le temps, le sens perdu d’une vie enfin déconnectée des horloges productivistes.
Tout le monde s’était mis à penser «au monde d’après», certains se mettaient à rêver à un monde plus solidaire, plus humain, plus respectueux du vivant et de la nature, éloigné des pressions de la productivité et du profit.
Et puis, le monde d’après est arrivé.
Comme une caricature malsaine du monde d’avant.
Des milliardaires toujours plus riches et des salariés toujours plus précaires, une planète littéralement en feu, et pire encore, tous les monstres du clair obscur gramscien arrivés à maturité : racisme, communautarisme, autoritarisme, fascisme.
Alors que le confinement avait autorisé une introspection sereine, le déconfinement a été, en miroir obscur, une accélération angoissée de tous les pires atavismes. La peur de l’avenir a pris le dessus sur la volonté de futurs, laissant soudain les mécaniques de mort seules maîtresses à bord.
Aujourd’hui, le virus est toujours là, les chiffres reprennent leur courbe inquiétante, et le reconfinement généralisé ne viendra plus. Nos dirigeants n’arrêteront plus l’économie pour sauver les vies. Ce temps-là est fini. Chacun est devenu suspect, coupable d’individualisme criminel, caché sous le masque et contraint dans ses habitudes sociales, jugé jusque dans son intimité. Il va falloir faire des efforts pour sauver l’économie et les profits. Les emplois, eux, sont déjà sacrifiés par le «plan de relance».
Mais la belle machine à produire pour produire est cassée. Comme un jeu de dupes dissipé. Les discours volontaristes, odes au productivisme et au courage des travailleurs sonnent creux et peinent à promettre des lendemains qui chantent. Après un retour dans la rue des gilets jaunes le 12 septembre, le 17 septembre, ce sont les syndicats qui appellent à manifester.
La manifestation syndicale a pour but de défendre tout ce qui est resté dans les marges du plan de relance : pour la réduction du temps de travail, sans perte de salaire, contre la précarité, pour le développement des services publics, pour la hausse des minima sociaux et pour la prise en compte de l’urgence écologique.
Contre les tenants d’un ordre injuste du monde, l’insoumission gronde. Malgré les débats stériles et le matraquage des chaînes d’opinion en continu, nombreux sont les femmes et les hommes qui refusent de retourner dans la brume d’avant confinement, avec ou sans masque.
Au-delà de l’inanité des jeux de boutiquiers politiques, le monde d’après n’attend plus que les rêveurs deviennent les courageux.