Bastié, Zemmour, Consigny et les autres : le ras-le-bol des polémistes à neuneus.
Encore une petite phrase sur un plateau, la télé continue de nourrir les passions et les haines, jour après jour, prime time après émissions du soir. Sous couvert d’indignation, la promo est devenue un exercice de foire, où l’auteur du dernier livre polémique, se doit d’être à la hauteur du caniveau pour assurer les chiffres de vente.
Vieille méthode, qui marche toujours aussi bien : choquer pour vendre, choquer pour attirer l’audience, montrer des phénomènes de foire pour sidérer les badauds.
Il semblerait néanmoins que les réseaux sociaux soient une des raisons de notre malheur : campagne de désinformation par bots russes, harcèlement, violence verbale incontrôlée.
Réellement ?
Qui nourrit les réseaux quotidiennement de leur flot d’indignation à la carte ? Les médias audiovisuels. Regardez, vous ne serez pas déçus. Il s’agit en réalité d’un système clos ou le plateau télé fait l’extrait qui fait l’indignation et l’audimat. Une production à la chaîne de la petite phrase, de l’attaque personnelle, de l’à peu-près qui tient lieu d’analyse.
Pourquoi en l’espace de quelques années, les chroniqueurs les plus réactionnaires ont réussi à truster tous les plateaux où l’on cause, tandis que le débat en France se concentrait autours des non-sujets que sont l’identité et la peur de l’étranger.
Il suffit de s’informer, loin des sphères du divertissement mortifère, pour comprendre que les sujets d’inquiétude, d’indignation et de débat sont à milles lieux des phobies et des passions de quelques sexagénaires et jeunes ambitieux en mal de publicité.
Les chiffres, si rarement évoqués, sont là pour éviter tout débat stérile, mais les plateaux ne cherchent pas des faits, ils réclament des opinions. Quelle chance de vivre dans une démocratie de marché ! Ainsi, par le biais du mass média, nous devenons tous plus ou moins des imbéciles enfermés dans les bulles de réalités parallèles, les doudous des uns faisant les épouvantails des autres.
Je fais modestement partie de ce système, mais j’essaie tant bien que mal d’ouvrir le débat quand celui-ci devrait être fermé. Je ne pense pas qu’il soit juste de refuser les plateaux sous prétexte que des individus infréquentables les fréquenteraient, c’est bien là notre chance : pouvoir confronter nos idées. Mais confronter des idées, ce n’est pas faire état de sa bêtise ou de son opinion, et encore moins insulter son contradicteur. Il s’agit de confronter une vision du réel à une autre, en cherchant à comprendre les subtilités et la complexité qui nous entourent. Hélas, la scène intellectuelle est devenue une triste pantomime, déjà dénoncée en son temps par Régis Debray.
Alors que les sources d’information se multiplient, le débat s’appauvrit, c’est le paradoxe de la modernité : toujours plus sans but, la croissance, sans conscience. Il nous appartient de faire nos choix, en matière de consommation d’information, comme en toute autre matière. C’est aussi notre droit de nous divertir, mais ne confondons pas tout, au risque de nous perdre.