La politique monétaire des banquiers centraux perd tout le monde, même les spécialistes de la question. Je vais donc en remettre une couche. Comprenez-en bien les enjeux. Il en va de la paix sociale !
La BCE a décidé d’injecter en un an presque 1000 milliards d’euros dans les marchés financiers. Les hommes politiques et les économistes se réjouissent de la situation, car cette héroïne monétaire résout bien des problèmes à court terme.
D’abord, cette politique monétaire permet à la fois de stopper l’hémorragie sur les marchés actions, et de calmer le marché bouillant de la dette en réduisant les taux d’emprunts futurs des États et des multinationales.
«Qu’est-ce que c’est bon !!» se disent les financiers qui ne pensent qu’à leurs bonus de fin d’année. De leur côté, les hommes politiques élus pour cinq ans expriment leur soulagement : «Ouf ! L’incendie est éteint».
Cette vision à court terme est affligeante. Car certes, les choses se calment, et les taux d’intérêts des États et des multinationales baissent. Mais personne à ce moment-là ne se demande où va l’argent qui a été créé de nulle part puis injecté dans les marchés !
La BCE va certes se retrouver avec les obligations d’États et de multinationales dans son bilan, mais où va bien se diriger le capital injecté, la fameuse héroïne monétaire créée en tapotant sur un clavier d’ordinateur ?
Cet argent injecté va suivre une logique de marché, c’est-à-dire qu’il va se diriger vers les placements à marges juteuses. Seul le rendement compte pour la finance et aucunement l’utilité sociale des placements. C’est la loi du marché, inscrite au plus profond des traités de l’UE.
Il va donc être investi sur des produits à plus hauts rendements : actions, dettes pourries, produits dérivés toxiques.
Une vraie bombe à retardement prête à EXPLOSER au prochain événement «imprévisible».
Ces investissements dangereux pour le futur n’inquiètent ni les hommes politiques (qui ose dire que Sarkozy ou Hollande sont responsables de ce qui nous arrive ?), ni le monde de la finance obnubilé par son bonus de fin d’année.
Aussi, la BCE reste dans son mandat car cet argent finit dans la sphère financière, et elle improvisera le moment venu, quand la prochaine crise nous explosera à la figure (car ils savent très bien qu’ils ne font que retarder l’implosion finale !).
C’est une aubaine pour la BCE que cet argent reste entre les mains de la finance, des multinationales et des milliardaires, car ces gens-là ne vont pas consommer plus de pain et de lait, et l’inflation officielle restera modérée.
Ces gens-là investissent dans la bourse et l’immobilier créant les bulles du futur. Ces gens-là achètent des penthouses à Manhattan ou des sacs Hermès (qui ne sont pas dans le panier de l’inflation de l’INSEE). Ces gens-là achètent des médias pour façonner les opinions publiques et pour mettre au pouvoir les hommes politiques les plus acquis à leur cause. Ces gens-là veulent la puissance et le pouvoir, et ils l’ont eu en profitant du manque de vigilance des gens ordinaires !
Qui va payer le prix de la crise ?
C’est une évidence qui a été annoncée hier par le gouverneur de la Banque de France dans une tribune du Monde : ce sera nous le peuple via des sacrifices budgétaires (hausse d’impôts et baisse du service public).
«Le gouverneur de la Banque de France affirme que le traitement des dettes héritées de la crise supposera nécessairement un effort budgétaire rigoureux et des dépenses publiques plus sélectives» (Le Monde du 8 avril 2020).
Le gouverneur de la Banque de France a parlé au nom de la BCE où il siège, principal créancier des États européens. Cette situation procure à la BCE un pouvoir d’interférences politiques énorme, à l’abri de tout contrôle démocratique, sous couvert d’indépendance et de neutralité.
Ainsi, la BCE offre 1000 milliards à la finance en un an sans demander la moindre contrepartie, alors que les turbulences des marchés ont été le fait de la spéculation financière permise par leurs propres anciens programmes monétaires ; et en même temps la BCE veut faire payer le coût de la crise aux peuples européens par des impôts et des coupes budgétaires, dont on sait les ravages qu’ils ont eu sur l’hôpital public. Nous le payons cher aujourd’hui en pleine crise sanitaire liée au coronavirus. C’est un éternel recommencement !
L’écart de richesse va exploser entre la caste financière qui vogue dans l’orbite de l’irréel, et les gens ordinaires qui sont enlisés dans l’économie du réel.
Sans le savoir, ces politiques monétaires des banques centrales sont désastreuses. Elles créent deux types d’inflation dangereuse :
1/ inflation des actifs (bourse, dettes, immobilier)
2/ inflation du chaos social
Deux types d’inflation qui ne sont pas dans le mandat de la BCE !
C’est bien l’inflation du chaos social qui doit tous nous faire réagir. Surtout quand on sait que les médias des milliardaires décident des sujets de discorde (en général des questions sociétales assez bien huilées).
Les mouvements sociaux type gilets jaunes risquent de se multiplier dans le monde et prendre une tournure de plus en plus violente.
Nous risquons de rentrer dans une zone de turbulences sociales si nous ne prenons pas conscience du problème ! Agissons vite !
En attendant la solution miracle, il faut changer le mandat de la BCE qui favorise trop les banques et la finance. À la stabilité des prix en zone euro, il faut rajouter :
1/ la distribution équitable de toute création monétaire (État directement ou individus), et non à destination de la finance
2/ ne pas participer aux bulles boursières et à la dette comme c’est le cas en ce moment avec la politique monétaire de la BCE.
Anice Lajnef, avril 2020