Depuis 2014, la crise ukrainienne donne lieu à de véritables scènes de guerre, à des milliers de victimes civiles et militaires et à un conflit armé en plein cœur du continent européen. Mêlant insurgés sécessionnistes et militaires formés au sein d’une armée conventionnelle, intervention russe et soutien européen, faillite de l’Etat-nation ukrainien et crise démocratique… Depuis maintenant sept ans, l’Ukraine présente tous les ingrédients d’un conflit typiquement contemporain.
Remise en perspective historique…
Depuis 2014, les risques d’escalade ont été vifs et nombreux tant le territoire ukrainien se trouve dans une position peu enviable. En effet, à l’ouest se trouve l’Union européenne (et plus globalement l’Occident) qui cherche à se rapprocher de l’Ukraine afin de contrer l’influence russe. De l’autre côté, à l’est, il y a justement cette puissance dirigée par Vladimir Poutine qu’est la Russie qui tente également d’amener l’Ukraine sous sa sphère d’influence. Pour ne rien faciliter à cette situation géographique, l’Etat ukrainien est loin d’être une nation unie et homogène. La guerre du Donbass, débutant en 2014 et n’ayant toujours pas été réglée, semblait dès lors quasiment inévitable en ce sens que l’Ukraine a toujours fait l’objet d’un tiraillement.
Historiquement, le territoire ukrainien n’a eu de cesse d’être influencé, voire contrôlé, par des puissances étrangères. Pour faire simple, l’ouest de l’Ukraine a longtemps été dominé par les lituaniens, les polonais et finalement par l’Empire austro-hongrois. A l’inverse, l’est de l’Ukraine fut fréquemment sous l’emprise des russes qui la convoitaient notamment pour son accès stratégique à la mer Noire. Au cours du XVIIIème siècle, l’Empire russe s’empare de la grande majorité des terres ukrainiennes. Afin d’acquérir une autonomie politique, l’Ukraine profite de la Révolution russe et de la chute du régime tsariste en 1917 pour proclamer son indépendance. Cela durera seulement cinq ans, puisque c’est l’URSS qui naît en 1922 et qui rattache l’Ukraine à l’Etat communiste. La période soviétique s’avère extrêmement malheureuse pour le peuple ukrainien à cause des répressions, des déportations et des exécutions dirigées par Staline. Ce désespoir culmine entre 1931 et 1933 avec une famine qui s’abat sur l’Ukraine, causant plusieurs millions de morts… A partir de 1941, ce sont les troupes allemandes nazies qui envahissent l’Ukraine et qui mettent en œuvre, comme partout, la solution finale à l’encontre des juifs. Ces tragédies, ces millions de victimes, ce peuple durement réprimé, constituent des mémoires vivaces pour l’Ukraine.
Grâce à l’effondrement de l’URSS en 1991, l’Ukraine retrouve son indépendance, mais à quel prix ? Les dirigeants ukrainiens se sont souvent révélés pro-russes, comme c’est le cas de Viktor Ianoukovytch, premier ministre d’Ukraine de 2002 à 2005 et président de 2010 à 2014. Cela mènera à une première révolte d’une partie du peuple ukrainien : la révolution orange de 2004 qui avait pour but de contester l’élection jugée truquée d’Ianoukovytch, la politique pro-russe du gouvernement et à l’inverse de demander un rapprochement avec l’UE. A la suite de cette révolution, un nouveau scrutin est organisé, portant au pouvoir l’un des meneurs de la révolution orange : Viktor Iouchtchenko. Cette élection fait déjà clairement apparaître la profonde division du pays entre une partie ouest qui a majoritairement voté pour Iouchtchenko et une partie est qui a gardé sa confiance envers Ianoukovytch. Sous la nouvelle présidence, de 2005 à 2010, l’on observe un net rapprochement diplomatique de l’Ukraine avec l’Europe, tandis que la Russie tâche de conserver son influence à l’est (majoritairement russophone), et notamment en Crimée. A cette époque, tout semble d’ores et déjà en place pour la révolution ukrainienne de 2013-2014…
Le contexte politique menant à la guerre du Donbass
La crise ukrainienne débute en novembre 2013 lorsque Viktor Ianoukovytch refuse de signer un accord avec l’UE et obtient en échange un prêt de la Russie pour que l’Ukraine adhère à l’Union économique eurasiatique. Cette volte-face de l’Ukraine vis-à-vis de l’Union européenne repose sur le fait que la Russie menaçait de suspendre son approvisionnement en gaz naturel pour conduire son voisin ukrainien à conclure un accord avec elle. Le revirement du chef d’Etat ukrainien a suscité de vives protestations au sein du pays. Ces contestations ont été marquées par une extrême violence et des dizaines de morts. C’est la période du mouvement «Euromaïdan» qui s’étale de novembre 2013 à février 2014, débouchant sur la démission du Président Ianoukovytch et sa fuite en Russie.
Ensuite, c’est un gouvernement pro-européen qui prend la relève. Cette crise politique mène l’Ukraine à la guerre du Donbass. Fin février 2014, des manifestations «antimaïdans» ont lieu dans de nombreuses villes de l’est de l’Ukraine mais aussi en Crimée. Des séparatistes pro-russes, avec le soutien de Poutine, se sont emparés de la capitale dans la péninsule de Crimée. Rapidement, en mars 2014, les séparatistes de Crimée ont organisé un référendum pour se joindre à la Russie. L’Ukraine n’a eu d’autre choix que de retirer ses troupes et d’abandonner le contrôle de la région. Les soulèvements pro-russes se sont étendus vers l’est en avril 2014 lorsque les séparatistes se sont mis à occuper des bâtiments gouvernementaux dans les villes de Donetsk, Louhansk et Kharkiv. C’est ainsi que les séparatistes de Donetsk et de Louhansk ont déclaré leur indépendance après des référendums locaux. Des élections présidentielles ont lieu en mai 2014 et aucun bureau de vote n’est autorisé à Donetsk et dans d’autres zones du conflit. Petro Porochenko est élu, il propose dès juin 2014 un plan de paix qui est aboli quelques jours plus tard lorsqu’un hélicoptère ukrainien est abattu dans l’est de l’Ukraine par des pro-russes.
Le cessez-le-feu ne dure pas, les combats reprennent et l’armée ukrainienne lance une contre-offensive contre les séparatistes, reprenant plusieurs villes et repoussant les pro-russes de leurs bastions au sud de Donetsk. Le conflit est marqué par des évènements tragiques tels que l’écrasement d’un avion malaisien MH17 (abattu par un missile sol-air), le 17 juillet 2014, transportant près de 300 passagers et ne laissant aucun survivant. Les différentes parties au conflit s’accusent d’avoir abattu l’avion. La crise devient dès lors internationale : les Etats-Unis s’en mêlent, la Russie dément tout tir pro-russe, le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit, l’UE adopte une série de sanctions économiques à l’encontre de la Russie… Fin août 2014, la Russie intervient pour aider les séparatistes à lancer une contre-offensive contre l’armée ukrainienne et à encercler la ville portuaire stratégique de Marioupol. La situation devient critique jusqu’au cessez-le-feu conclu le 5 septembre 2014 : c’est le protocole de Minsk. Néanmoins, l’accord a échoué au bout de quelques jours et les combats reprennent sans trêve. Au début de l’année 2015, les combats opposant les pro-russes et l’armée ukrainienne ne cessent de s’intensifier…
A cause de ces scènes de guerre, les Nations Unies déploraient en février 2015 plus de 5500 morts dans le Donbass depuis avril 2014 et plus d’un demi-million de réfugiés. Face à cette situation se dégradant de jour en jour, les dirigeants de l’Ukraine, de Russie, de l’Allemagne et de la France se réunissent à Minsk le 11 février 2015 afin d’imposer à nouveau un cessez-le-feu : c’est le fragile accord de paix de «Minsk II». Les affrontements se poursuivront jusqu’à aujourd’hui, sans trêve durable… En cinq ans, de 2014 à 2019, la guerre entre l’armée d’Ukraine et les séparatistes du Donbass appuyés par la Russie a fait plus de 13 000 morts1. A la suite des élections présidentielles de 2019, l’acteur Volodymyr Zelensky est élu grâce notamment à ses promesses de mettre fin à la guerre. Dès lors, les tensions se détendront quelque peu avec Poutine.
Une analyse géopolitique de ce conflit opposant l’Ukraine et la Russie
Maintenant que nous avons les clés en main pour appréhender les raisons qui ont mené à la guerre du Donbass, il est temps de se pencher précisément sur l’analyse du conflit en lui-même à l’aide de plusieurs notions essentielles de géopolitique. Pour commencer, le concept de territoire est ici central. En tant qu’espace approprié, surface terrestre limitée et gérée par un groupe humain, c’est justement cette appropriation par des séparatistes pro-russes qui a envenimé le conflit. Les territoires indépendantistes de l’est cherchent à faire sécession avec l’Ukraine en raison d’une proximité ethnique partagée avec la Russie et d’une langue parlée majoritairement russe. En effet, la partie orientale de l’Ukraine est composée en grande partie de russes d’origine qui souhaitent pour la plupart se rapprocher de la puissance russe. C’est ce qui a mené les séparatistes à autoproclamer leur indépendance dans des territoires comme on l’a vu avec la naissance des Républiques populaires de Louhansk et de Donetsk. Ainsi, les séparatistes pro-russes se considèrent politiquement séparés de l’Etat d’Ukraine. Cette forme de sécession est naturellement encouragée par la Russie qui a annexé la Crimée en mars 2014 à la suite d’un référendum local.
Directement en lien avec la notion de territoire, l’idée de frontière entre en jeu dans ce conflit opposant l’Ukraine et la Russie. En théorie, la frontière permet de protéger la souveraineté d’un territoire : le plus souvent un Etat. C’est une ligne reconnue par le droit international public (et même plus généralement par le droit coutumier dans l’histoire des relations internationales) qui a pour objet de séparer des zones appropriées par des peuples. Cette notion de frontière est essentielle dans la crise de la Crimée en 2014 dans le sens où l’armée fédérale russe s’est déployée et est intervenue tout près de la frontière ukrainienne, ce qui fera réagir les Etats-Unis et l’UE accusant la Russie de violer le droit international et la souveraineté de l’Etat d’Ukraine. En outre, l’on pourrait affirmer l’existence de nouvelles «frontières» à l’intérieur même du territoire ukrainien à la suite de la sécession des Républiques de Crimée, de Louhansk et de Donetsk ; ce qui aboutit de facto à la perte de contrôle de l’Etat d’Ukraine à l’intérieur de ses propres frontières.
A côté de ces concepts très politiques de territoire, de frontière, d’Etat ou de souveraineté, des concepts plus économiques peuvent être mobilisés pour achever l’analyse géopolitique de la guerre du Donbass. En effet, l’économie joue un rôle fondamental dans ce conflit territorial. Si la Russie convoite tant les territoires de Crimée et de l’est de l’Ukraine, c’est en partie pour le contrôle des ressources minérales. Déjà, les mines ukrainiennes se trouvaient au cœur des rivalités entre la Russie et l’Allemagne pour le contrôle du territoire lors des deux guerres mondiales. C’est un fait, l’Ukraine dispose d’un potentiel économique et industriel considérable et cela a toujours été considéré par Moscou. D’ailleurs, la Russie use de ce levier économique depuis le début de la crise. On l’a vu, elle a fait pression financièrement sur l’Ukraine pour qu’elle ne signe pas un accord commercial avec l’UE en 2013. Aussi, la Russie est en position avantageuse en ce sens qu’elle fournit la majeure partie du gaz naturel à l’Ukraine (mais aussi à l’Europe) : elle n’a qu’à interrompre ou restreindre ses approvisionnements en gaz pour imposer une contrainte.
La diversité d’acteurs opérant dans la crise ukrainienne depuis 2013
Il apparaît évident que la guerre du Donbass n’est pas un conflit traditionnel et classique, elle est loin de se présenter comme une guerre «clauswitzienne» entre des Etats souverains. En effet, depuis 2014, l’Ukraine et la Russie ne s’affrontent jamais directement ou officiellement. Des intermédiaires sont trouvés, dans les discours, l’armée ukrainienne affronte des séparatistes pro-russes (mais jamais la Russie elle-même) ; l’armée fédérale russe entre rarement à l’intérieur des frontières ukrainiennes, elle se contente principalement d’appuyer les indépendantistes dans le Donbass et on la soupçonne fortement de leur fournir du matériel militaire sous couvert d’«aides humanitaires». Même lors de la crise de Crimée en 2014, la Russie démentait toute occupation militaire en Crimée et évoquait simplement l’existence de «forces locales d’auto-défense». Poutine justifiait, de toute façon, la possibilité d’intervenir militairement par la légitimité que lui accordait le peuple de Crimée. Ainsi, dans les discours au moins, ce n’est pas une volonté de puissance ou d’expansion classique de la part de Moscou, c’est l’appui de populations qui expriment leur volonté de se rattacher à la Russie au nom du droit à l’autodétermination et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Ainsi, les Etats ne sont pas les principaux acteurs de la crise ukrainienne. Ce sont davantage les populations qui ont lancé une vague de révoltes dès la fin de l’année 2013 pour contester la politique de leur gouvernement et les sécessionnistes qui ont su profiter de la situation d’instabilité pour se rapprocher de la Russie. L’un des principaux éléments déclencheurs de la crise ukrainienne repose donc sur la population : en effet, comme cela a été évoqué, l’Ukraine est fracturée sur le plan ethnique et linguistique. Les territoires sécessionnistes tels que la Crimée et le Donbass ne se reconnaissent pas majoritairement dans l’ethnie ukrainienne ; a contrario, une large partie de cette population importante parle le russe.
S’ajoutant aux Etats ukrainien et russe, et aux populations concernées, les Républiques populaires de Louhansk et de Donetsk jouent un rôle prépondérant. En effet, ce sont des régimes autoritaires qui se sont imposés depuis 2014 et qui interdisent tout parti d’opposition ou l’existence de médias libres ; de plus, la simple détention d’un drapeau ukrainien y est considérée comme un acte criminel. Tous ces éléments révèlent une grave crise du modèle de l’Etat-nation en Ukraine puisque des gouvernements autonomes et autocratiques fleurissent au sein même du territoire ukrainien, sans que le pouvoir central, ni l’armée, ne puissent contrer ce processus de sécession. C’est ce qui fait d’ailleurs de cette guerre du Donbass un conflit asymétrique et qui la distingue des guerres traditionnelles entre Etats, en ce sens qu’elle donne lieu à des combats entre une force armée conventionnelle et des insurgés originellement civils : c’est la guerre du faible contre le fort.
Enfin, le conflit étant par nature international puisqu’il implique plusieurs nations, le monde entier s’en préoccupe également. En plus de l’Ukraine et de la Russie, c’est le cas naturellement de l’Union européenne qui s’est retrouvée malgré elle à l’origine de cette crise à cause d’un accord commercial non ratifié. Depuis, elle s’érige en pacificatrice du conflit et cherche à se faire le relais dans le dialogue russo-ukrainien, comme l’illustrent les accords de Minsk de février 2015 lors desquels Angela Merkel et François Hollande ont joué un rôle. Depuis, des sommets en «format Normandie» se tiennent sous l’impulsion de l’Allemagne et de la France comme ce fut le cas en décembre 2019 au Palais de l’Elysée, permettant à Vladimir Poutine et à Volodymyr Zelensky d’engager un dialogue pour la première fois afin de relancer un processus de paix. Dans ces réactions internationales, il est également à noter que l’OTAN est partiellement intervenue pour surveiller la frontière russe et officiellement pour garantir la sécurité de l’Europe.
Les éléments typiques des conflits contemporains s’intégrant dans la guerre du Donbass
En définitive, comme cela vient d’être esquissé, le conflit opposant (entre autres) l’Ukraine et la Russie depuis 2014 est loin d’être une guerre régulière. C’est ce qui fait qu’elle s’intègre typiquement dans les conflits contemporains. Traditionnellement, avant que la rupture des «guerres asymétriques» s’opère, les conflits armés devaient opposer deux sujets souverains – le plus souvent des Etats – et il y avait un droit coutumier : le jus in bello qui servait à protéger les civils et à garder une proportion dans la force. Un autre élément fondamental de la guerre régulière reposait sur l’établissement d’une stratégie afin d’aboutir in fine à une victoire ou à une défaite. Ainsi, la «guerre irrégulière» s’oppose à ce modèle classique dans le sens où :
– elle mobilise des combattants civils : ici, les séparatistes pro-russes.
– elle fait appel à des méthodes de guerre non conventionnelles : notamment le terrorisme comme avec l’écrasement du vol MH17 le 17 juillet 2017.
– elle ne conduit pas à adopter une stratégie sur le long terme pour une victoire d’un des deux camps mais recherche plutôt l’épuisement, voire l’anéantissement, de l’adversaire.
Ainsi, la «guerre irrégulière» oppose des insurgés à des armées régulières comme lors de la guerre d’Algérie ou lors les interventions occidentales en Irak ou en Afghanistan… Aussi, les interventions extérieures pour motifs «humanitaires» – comme la Russie le fait dans la région du Donbass – sont typiques des conflits irréguliers tels qu’on a déjà pu le voir au Kosovo ou en Libye… En outre, le terrorisme trouve pleinement sa place dans la «guerre irrégulière» par son impact dans les esprits et les opinions publiques ; mais l’on peut aussi citer la prise d’otages qui s’avère particulièrement employée par Moscou et Kiev au cours de cette guerre du Donbass. Dans ce contexte de guerre asymétrique, l’on observe le pouvoir déclinant des Etats qui se trouvent de plus en plus remplacés par des réseaux et des solidarités transétatiques. De plus, il faut noter que l’interaction diplomatique des Etats est fortement influencée par l’interdépendance de leurs intérêts et l’hétérogénéité des cultures comme on l’observe parfaitement entre l’Ukraine et la Russie.
Enfin, autre interprétation possible pour le conflit du Donbass, alliant aussi des éléments propres à la guerre asymétrique, c’est celle de la «guerre hybride» (concept né pour analyser les nouvelles guerres du XXIème siècle) à cause de l’utilisation à la fois de moyens classiques et «irréguliers» mais aussi de l’usage du cyberespace dans les combats. En effet, «la crise ukrainienne repose sur l’affrontement de visions géopolitiques, de représentations différentes créées à des fins de domination territoriale»2: autrement dit, ces visions sont diffusées sur toutes les plateformes possibles pour assurer une large diffusion auprès des populations – en particulier sur les réseaux sociaux mais également sur des médias plus traditionnels -, ce sont donc des méthodes qui se rapprochent de la propagande classique et qui cherchent à manipuler les esprits. Ces images véhiculées sur le cyberespace servent à retourner la colère des populations locales contre le pouvoir central et à désinformer en montrant les prétendus excès de force de l’armée régulière.
Et demain ?
Tout récemment, fin juillet 2020, après la signature d’un énième cessez-le-feu entre l’Ukraine et la Russie, de nouvelles agressions à l’encontre de troupes ukrainiennes ont eu lieu le 27 juillet, le jour même où l’accord devait entrer en vigueur… Malgré tout, des avancées notables sont à noter depuis l’arrivée au pouvoir en 2019 de Zelensky en Ukraine et la reprise d’un dialogue cordial avec la Russie, aboutissant notamment sur des échanges de prisonniers. Les perspectives de règlement du conflit et les espoirs de paix en Ukraine sont bel et bien présents mais ils demeurent fragiles tant le conflit est complexe et se prolonge dans le temps.
L’arrêt des combats constituerait une grande victoire pour la paix et pour les populations qui souffrent depuis près de sept ans. Le respect, enfin acquis, d’un cessez-le-feu serait une première étape essentielle dans la désescalade. En revanche, une issue politique durable semble extrêmement difficile à trouver tant les enjeux paraissent insurmontables. Comme cela a été démontré tout au long de cette analyse, la crise ukrainienne repose avant tout sur une fracture ethnique et linguistique du pays, entre une partie ouest qui regarde vers l’Europe occidentale et une partie est qui souhaite un rapprochement avec la Russie et donc une sécession avec l’Etat d’Ukraine. Dès lors, une résolution durable du conflit s’avère quasiment inconcevable, d’autant que les sécessionnistes du Donbass tiennent leur position de manière ferme avec l’appui de Moscou. En ce qui concerne la péninsule de Crimée, un nouveau rattachement à l’Ukraine semble irréalisable depuis le référendum qui a mené à la sécession du territoire en 2014 et à son annexion par la Russie. En somme, si elles veulent la paix, chaque partie devra nécessairement accorder quelques concessions…
- Lucas Da Silva
1 Francesca Fattori, Le Monde, « Le Donbass, terrain miné », 7 avril 2019.
2 Christine Dugoin-Clément, « La guerre hybride en Ukraine », Revue Défense Nationale, 2016.