Plus d’1,4 millard de catholiques ont découvert le nom et le visage de Robert Francis Prevost, leur nouveau pape, lorsqu’il est apparu à la loggia de la basilique Saint-Pierre de Rome, jeudi 8 mai aux alentours de 19h20, après une élection rapide semblant indiquer qu’un consensus s’est très rapidement dégagé en sa faveur. Robert Francis Prevost, premier pape né aux États-Unis, semble avoir réussi à instaurer spontanément un lien profond et sincère avec le public présent lors de sa première prise de parole, au cours de laquelle il a clairement signifié qu’il ne marquerait pas une rupture avec le pape François, qu’il a longuement évoqué et remercié.
À la foule réunie place Saint-Pierre à Rome, Robert Francis Prevost désormais devenu Léon XIV, a adressé ces mots : « Je vous donne un salut de paix. (…) À toutes les personnes, où qu’elles soient, à tous les peuples, à toute la terre : que la paix soit avec vous ! Voici la paix du Christ ressuscité, une paix désarmée, une paix désarmante… Elle provient de Dieu, qui nous aime tous, et de manière inconditionnelle. (…) Dieu aime tout le monde. Le mal ne prévaudra pas. Nous sommes tous dans les mains de Dieu. (…) Sans peur, tous unis, main dans la main, avec Dieu, allons de l’avant : nous sommes des disciples du Christ, le Christ nous précède. Le monde a besoin de sa lumière. L’humanité a besoin de lui pour être le pont qui permet d’atteindre Dieu. »
Le nouveau pape a ensuite ajouté : « Je veux également remercier tous mes confrères cardinaux qui m’ont choisi pour être le successeur de Pierre et marcher ensemble avec vous comme Église unie, en recherchant toujours la paix, la justice, à toujours travailler comme des hommes et des femmes fidèles à Jésus-Christ, sans peur, pour proclamer l’évangile, pour être missionnaires. Je suis un fils de saint Augustin, qui a dit : “Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque.” En ce sens, nous pouvons tous marcher ensemble vers cette patrie que Dieu nous a préparée. (…) Nous voulons être une Église synodale, une Église qui marche, qui cherche toujours la paix, qui cherche toujours la charité, qui cherche toujours à être proche de tous ceux qui souffrent. »
Dans ce discours, se sont mêlées plusieurs influences : celle de François, en ce qui a trait à la synodalité, la fibre sociale et l’ouverture, celle de Benoît XVI pour la dimension spirituelle très affirmée, et celle de Jean Paul II en ce qui concerne le souffle missionnaire et la nécessité de ne pas avoir peur. S’inscrivant dans une continuité, Léon XIV a toutefois manifesté une personnalité propre, de par notamment son appartenance à l’ordre religieux des Augustiniens, dont la théologie s’inspire du saint d’Hippone, pécheur repenti et père de l’Église, auteur des Confessions.
À 69 ans seulement, Léon XIV est un pape jeune, à la fois missionnaire et fin connaisseur de la Curie. Robert Francis Prevost a vécu au Pérou mais est l’héritier de plusieurs cultures. Exerçant la fonction de préfet du Dicastère pour les évêques depuis 2023, Robert Francis Prevost résidait déjà à Rome et était en lien avec les Églises du monde entier, ce qui ne peut qu’être un atout dans ses nouvelles fonctions. Son profil réalise une forme de synthèse entre deux pôles habituellement opposés à Rome : celui du terrain et celui des institutions. Ce nord-américain d’origine franco-italienne est le fruit de la mondialisation puisqu’il maîtriserait plus de 6 langues : anglais, espagnol, italien, français et portugais, tout en comprenant l’allemand et le latin.
Né le 14 septembre 1955 à Chicago, dans l’Illinois, son père est directeur d’école, d’ascendance française et italienne et sa mère est bibliothécaire, d’ascendance espagnole. Il a grandi avec ses deux frères dans la banlieue sud de la ville. Il entre au noviciat de l’Ordre de Saint-Augustin à 22 ans et prononce ses vœux solennels à 26 ans. Titulaire d’une licence de mathématiques, d’une maîtrise de théologie et d’un doctorat en droit canonique, il est ordonné prêtre à l’âge de 27 ans avant d’être envoyé comme missionnaire au Pérou en 1985.
En 1987, il est rappelé par son ordre aux États-Unis afin de s’occuper de la promotion des vocations et de la direction des missions. Au bout d’un an, il revient au Pérou où il dirigera, une décennie durant, le séminaire de Trujillo tout en s’occupant également d’une paroisse pauvre à la périphérie de la ville. En 1999, il est élu prieur provincial de la province « Madre del Buon Consiglio » de l’archidiocèse de Chicago, puis prieur général des Augustins pour deux mandats consécutifs, ses frères lui renouvelant leur confiance. En 2014, de retour au Pérou, il est nommé administrateur apostolique du diocèse de Chiclayo par le pape François. Il en devient évêque un an plus tard, avant d’être administrateur apostolique de Callao en 2020. Il aura donc passé plus d’une vingtaine d’années en Amérique latine, où il développe une sensibilité sociale et une véritable attention à la pauvreté.
C’est en 2023 que l’aventure curiale commence pour lui, lorsque le pape François lui confie, à Rome, la direction du Dicastère pour les évêques. Succédant au cardinal Marc Ouellet, il sera fait cardinal quelques mois plus tard. Il expliquera alors : « Ma vocation, comme celle de tout chrétien, est d’être missionnaire, d’annoncer l’Évangile là où l’on se trouve. Ma vie a certes beaucoup changé : j’ai la possibilité de servir le Saint-Père, de servir l’Église aujourd’hui, ici, depuis la Curie romaine. C’est une mission très différente de celle que j’avais auparavant, mais c’est aussi une nouvelle occasion de vivre une dimension de ma vie qui a toujours consisté à répondre oui lorsqu’on me demandait de rendre service. C’est dans cet esprit que j’ai conclu ma mission au Pérou, après huit ans et demi comme évêque et près de 20 ans comme missionnaire, pour en commencer une nouvelle à Rome. »
Léon XIV est un pape qui déplore les querelles de chapelles et les clivages idéologiques qui fracturent le monde catholique. Sa devise épiscopale est « Dans Illo una unum », une expression employée par Augustin dans un sermon, l’Exposition sur le Psaume 127, qui signifie que « dans le seul Christ nous sommes un. » Le choix de Robert Francis Prevost d’exercer son ministère sous le nom de Léon XIV renvoie immédiatement, dans la mémoire collective de l’Église catholique, à l’héritage de ce dernier pape du XIXe siècle, resté célèbre pour son encyclique Rerum novarum (« Des choses nouvelles »), première véritable encyclique sociale de l’histoire. Sous son patronage, Léon XIV afficherait donc une volonté de lutter contre l’accroissement des inégalités mondiales.