Elle ne devait rien changer. Mieux, si on reprend les propos du Président de la République, c’était la solution miracle pour régler «tous les problèmes». Mais de quoi parlons-nous ? Da la fameuse réforme du ferroviaire, votée en juin 2018. Un an après, on en sommes-nous ?
Le bilan est sanglant. Le terme «plan social» paraît même faible, au regard de l’ampleur de la casse. Un chiffre pour l’illustrer : au 31 mars, nous étions à plus de 800 suppressions de postes simplement aux guichets ! Du jamais vu dans l’entreprise.
Aucun service n’est épargné. À Nice, par exemple, la moitié des contrôleurs, soit 60 postes qui vont être supprimés. Au fret, le groupe SNCF a annoncé un énième plan de restructuration, synonyme de 200 suppressions de postes, qui viennent s’ajouter aux 377 déjà prévues pour 2019. S’ajoutent à cela les fermetures des agences commerciales, à l’exception de celle de Strasbourg, laissant 266 cheminots sur le carreau. En région Bourgogne-Franche-Comté, la SNCF a annoncé la fermeture de 17 guichets dans la région d’ici 2025. En Normandie, ce sont 7 gares que la SNCF envisage de fermer.
Engagée dans une course à la rentabilité, la direction dégraisse à l’arme lourde. Les choix, organisés de l’intérieur, vont avoir des conséquences dramatiques pour des millions de citoyens. Certains paraissant déjà irrémédiables. Alors que les besoins en transport sont de plus en plus importants, la SNCF contracte l’offre, voire la supprime dans certains territoires. Demain, le risque est grand de voir se développer de véritables déserts ferroviaires, créant ainsi une inégalité d’accès au train, et remettant en cause le droit au transport pour tous.
Alors que l’écologie est d’une urgence absolue, la SNCF ferme les triages, supprime les autos-trains et vend des parts entières de triages pour faire des opérations immobilières ! Alors que le nombre de morts prématurées, pour cause de pollution, ne cesse d’augmenter, la SNCF ferme des lignes, remplace des trains par des bus et encourage le co-voiturage. Ce n’est pas sérieux.
En Angleterre, pays roi du libéralisme, qui rappelons-le, a préféré laisser «crever» des milliers de mineurs en grève plutôt que de répondre aux exigences sociales, les maires de Liverpool et de Manchester appellent à renationaliser le réseau du nord de l’Angleterre, actuellement géré par le groupe privé Northern, filiale de la compagnie allemande Deutsche Bahn. Leurs griefs ? Une ponctualité catastrophique, 1 train sur 5 est en retard, sans compter les 28.000 trains qui ont été annulés sur un an. Par exemple, pour la seule journée du 26 mai, 255 trajets ont été supprimés dans tout le nord du pays. Autre souci, le sous-dimensionnement des trains, se retrouvant en surcharge quotidiennement, est devenu le cauchemar des habitants de Manchester et Liverpool, mais aussi Leeds, Newcastle ou Sheffield. Non le privé ne marche pas mieux, c’est même pire !
Et les cheminots dans tout ça ?
Récemment invité dans l’émission Quotidien, Guillaume Pepy, interrogé sur le climat dans l’entreprise, confie «qu’il y a de l’inquiétude». C’est un euphémisme, tant le climat social dans l’entreprise est délétère. Une enquête «qualité de vie au travail» commanditée par la SNCF à l’Institut «Great Place To Work» révélait au mois d’avril, que seulement 43% des cheminots déclarent être fiers de travailler pour l’entreprise. Au total, seulement 47% se disent satisfaits de l’entreprise. L’évidence saute aux yeux, les cheminots ne sont pas convaincus ni des bienfaits de la réforme, ni de son management. Comment pourrait-il en être autrement ? Si on prend l’Epic de tête ou SNCF Mobilités, les cheminots font l’amer constat que les calculettes moulinent déjà pour adapter les effectifs, sans projets de services, avec pour unique boussole le dégraissage coûte que coûte.
En moins d’une semaine, deux cheminots ont mis fin à leur jour. Plus de 50 suicides ont eu lieu en 2017, en 2018 les chiffres sont similaires et en 2019, au regard des premiers mois de l‘année, le «record» risque d’être battu… À l’heure où le procès France Télécom lève enfin le voile sur un management par la terreur, où l’unique boussole des dirigeants était de remplir des tableurs Excel, la SNCF se dirige dangereusement dans la même voie. Non, France Télécom n’était pas un accident de l’histoire, non ce n’était pas le système d’un seul homme. France Télécom est un laboratoire des libéraux pour accuser les entreprises publiques. Peu importe que les murs soient tachés de sang, seuls comptent les objectifs. Pour «baisser les coûts», pour reprendre la novangle des sbires de Pepy, les cheminots sont la variable d’ajustement. Dans le sillage des croque-morts de la rentabilité, se trace un épais sillon de cadavres. Un jour ou l’autre, ils devront rendre des comptes.
Et maintenant ?
Pendant plusieurs mois, les cheminots ont montré qu’ils étaient déterminés à résister. Ni les insultes du gouvernement, ni les tentatives d’intimidation de la direction, ne feront craquer cette détermination. Alors que la réforme du ferroviaire n’est toujours pas en application, que la loi d’orientation des mobilités finit d’achever le ferroviaire, comme avec la fin du financement des contrats de plan État-Région, actant de fait la suppression de 9000 kilomètres de lignes, nous lançons, le 4 juin à Paris, dans le cadre d’une manifestation nationale, l’acte 2 de notre bataille du rail. Une bataille aux enjeux simples mais prépondérants pour l’avenir de notre pays. Une bataille au service de l’intérêt général, pour le maintien et le développement d’un service public ferroviaire de haut niveau, sécurisé et accessible à toutes et tous, quel que soit son lieu de résidence sur le territoire. De Paris à Bordeaux, en passant par Guéret et Aurillac, le droit à la mobilité doit être garanti. Comptez sur nous pour y veiller !