Ça y est ! Nous sommes déjà en décembre, synonyme de fêtes de fin d’année, de cadeaux de Noël et de repas interminables en famille ou entre amis. C’est également le moment où chacun fait son bilan, tant personnel que professionnel, de l’année qui s’est écoulée et on regarde si on a respecté ou non les résolutions prises, souvent tard, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier dernier.
L’occasion est aussi de tirer une conclusion sur l’état de notre monde et voir comment nous pourrions agir pour que celui-ci aille mieux. L’an passé, j’avais écrit que l’année 2018 avait été une année mobilisatrice : les jeunes, avec à leur tête Greta Thunberg, étaient présents en nombre dans les rues du monde entier pour demander des actes de la part de leurs responsables politiques pour limiter le réchauffement climatique ; les Gilets Jaunes avaient commencé à occuper les ronds-points et manifester chaque week-end pour réclamer plus de justice fiscale, sociale et un réel changement démocratique dans notre pays. Pour ne prendre que ces deux luttes en exemple, celles-ci ne se sont pas éteintes. Elles se sont accentuées ces douze derniers mois parce que les populations n’en peuvent plus de ne pas finir le mois, de ne pas donner à manger à leurs enfants, se loger ou se soigner convenablement. En bref, elles n’ont pas de vie digne et voient les plus riches qui se gavent en permanence à leurs frais.
L’avènement d’une nouvelle ère révolutionnaire
Cette année 2019 a été marquée par le soulèvement des peuples contre leurs dirigeants. De l’Irak au Chili, en passant par Hong Kong, l’Algérie et la France, les citoyennes et citoyens en ont ras-le-bol et l’expriment sur les réseaux sociaux et dans la rue. Les diffusions en direct des manifestations font le tour du monde entier en moins de dix minutes et on peut passer d’un pays à un autre, d’une révolte à une autre en un seul clic. Les revendications sont différentes selon les États : au Chili, la population s’est soulevée contre la hausse du prix du ticket de métro ; à Hong Kong, les manifestants ont investi la rue contre l’amendement de la loi d’extradition par le gouvernement de Hong Kong puisque celui-ci permettrait à la Chine d’interférer dans le système juridique hongkongais ; en Algérie, la jeunesse ne veut plus de la famille Bouteflika au pouvoir et le fait savoir chaque vendredi dans les rues du pays. La France n’échappe pas à cet élan de contestation. Bon nombre d’éditorialistes et d’observateurs politiques avaient parié sur un essoufflement voire la disparition du mouvement des Gilets Jaunes à l’issue du Grand débat national. Non seulement ils se sont trompés mais les manifestations continuent chaque samedi depuis le 17 novembre 2018 avec la répression qui s’accompagne à chacune d’elle.
Les peuples se soulèvent et ont raison de le faire. Les inégalités sont profondes, le changement climatique menace la vie sur Terre et les dirigeants refusent d’agir. Nous assistons au rejet massif du modèle libéral qui, chaque jour, s’affirme en un autoritarisme complètement débridé. Les gouvernants refusent d’écouter les revendications justes et légitimes des gouvernés, répriment dans la violence toute contestation et réduisent au pas de charge les libertés publiques et individuelles. Par exemple, au Chili, l’armée a tiré à balle réelle sur les manifestants dans les rues de Santiago et la police chilienne a été accusée de tortures et d’arrestations arbitraires. Les heures sombres de la dictature Pinochet étaient et sont encore dans toutes les têtes. Comme à son habitude, la communauté internationale ne s’en est même pas émue. Seul geste de compassion : la COP 25 a été annulée et déplacée en Espagne début décembre. Mais les États n’ont pas condamné la répression sanglante du régime de Sebastián Piñera qui tire sur sa propre population. Pire, le patron du Quai d’Orsay, Jean-Yves Le Drian, a même affirmé que «Le Chili est une démocratie». Nous avons des dirigeants incapables de gouverner correctement, enfermés dans leur bulle, spéculative pour pas mal d’entre eux, et qui dirigent dans le seul but de préserver des intérêts privés.
Ce système est invivable. Les gens n’en veulent plus et l’ont fait savoir tout au long de cette année. Les causes de ces protestations sont multiples mais le mal-être est profond.
La nécessité de préserver la démocratie
Ces soulèvements ont bouleversé notre monde en l’an 2019. Des manifestations ont lieu chaque jour aux quatre coins de la planète. Lors de celles-ci, les individus rappellent qu’il est essentiel d’accéder ou de préserver le modèle démocratique. Dans le cas algérien, on souhaite se débarrasser d’un système politique hérité depuis l’indépendance de 1962 et instaurer une véritable démocratie. Dans le cas français, on souhaite régénérer voire dépasser le régime de la Vème République, devenu archaïque et incapable de répondre aux aspirations contemporaines. Il est vrai que la solution ne peut venir d’une seule personne qui consacre l’essentiel des pouvoirs entre ses mains et décide dans son coin du destin de notre pays. Par ailleurs, on lit ici ou là que la démocratie serait arrivée à son terme. Certains analystes prédisent même son effondrement sous peu. Je n’y crois pas une seule seconde et je pense, au contraire, que le modèle démocratique doit se renouveler impérativement pour mieux répondre aux revendications citoyennes.
Ce modèle de régime, vanté à travers le monde, a encore été mis à rude épreuve cette année du fait de la collision d’intérêts aux sommets des États ou des organisations supranationales. En mai dernier, le Parlement européen a été renouvelé et de nouveaux eurodéputés ont pris place à Strasbourg. La procédure pour la nomination de la nouvelle Commission européenne a été enclenchée et tout au long de l’été, les différents candidats au poste de commissaire ont été auditionnés par les parlementaires. Or, il est apparu que certains d’entre eux, hongrois et roumain notamment, avaient des conflits d’intérêts pour causes de prêts litigieux ou de liens avec des cabinets privés. Ces derniers ont été retoqués pour de «fortes suspicions». Dans le même temps, la candidate française, Sylvie Goulard, a elle-même été évincée par les eurodéputés en raison de sa rémunération par un think thank pro-européen créé par un milliardaire américano-allemand qui a financé la campagne d’Emmanuel Macron en 2017. Suite à son recalage par le Parlement européen, la présidence française a proposé Thierry Breton. Ce dernier a privatisé les autoroutes et dirige la société Atos. Là encore, un conflit d’intérêts existe puisque l’ex-ministre de l’économie a comme portefeuille la défense et le numérique, domaines dans lesquels son entreprise perçoit des fonds européens. Finalement, sa candidature reçoit un feu vert de la part des eurodéputés en novembre bien que l’hémicycle strasbourgeois ne soit pas convaincu de l’intégrité de Monsieur Breton. Cette nouvelle commission, composée de commissaires venus du monde des affaires, entre en fonction le 1er décembre et il n’y a jamais eu autant de suspicions autour de ses membres et de leurs réseaux. Dès lors, comment peut-on gagner la confiance des peuples lorsqu’on est au pouvoir pour obéir au diktat des lobbies ?
En outre, dans l’exemple français, notre régime démocratique vacille mais comme à notre habitude on préfère regarder ailleurs. Notre gouvernement préfère dénoncer les dérives autoritaires ou l’arrivée au pouvoir des partis populistes dans certains pays d’Europe de l’Est. Il oublie qu’il piétine la démocratie en menant une répression sans précédent lors des manifestations des Gilets Jaunes et qu’il fût rappelé à l’ordre par la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe afin que les droits fondamentaux des manifestants soient respectés. Ce «nouveau monde» fait la morale à ses partenaires européens en matière d’accueil des demandeurs d’asile et là encore, il refuse de prendre sa part dans la solidarité européenne et laisse tomber les États d’Europe du Sud. Heureusement, nous avons le travail remarquable de journalistes indépendants comme David Dufresne qui comptabilise depuis un an le nombre de blessés lors des manifestations des Gilets Jaunes ou encore celui de Julia Montfort qui va à la rencontre de celles et ceux qui accueillent les exilés dans leur maison et font honneur à nos principes humanistes mis à mal par Emmanuel Macron et son gouvernement. Je veux ici leur reconnaître toute ma gratitude et les remercier pour leur travail de terrain. Mais, nous sommes encore trop peu à dénoncer ce qu’il se passe en France. La gauche, et je n’en dirai qu’un mot, manque de courage et continue à se livrer à une guerre puérile d’egos. Espérons que la mobilisation actuelle contre la réforme des retraites, nouvelle casse sociale du quinquennat, lui fasse comprendre que l’heure n’est plus à la friction inutile mais à l’engagement de véritables discussions transversales pour préparer demain.
Demain, c’est loin. Mais c’est également proche. Nous avons vécu une année 2019 particulièrement violente : des démocraties qui se muent en régimes autoritaires, des manifestations réprimées dans la plus grande indifférence générale, des gouvernements qui font la sourde d’oreille aux revendications de la rue et un réchauffement climatique qui s’accélère.
J’avais écrit en conclusion l’an passé que nous devrions reprendre en quelque sorte le contrôle sur nos vies. Je ne peux que saluer et encourager ces révoltes et luttes qui dans certains cas portent leurs fruits. Je pense à l’abandon du projet d’EuropaCity sur les terres de Gonesse. Que l’an 2020 puisse être celui de la concrétisation de toutes ces luttes qui défendent avant tout l’intérêt général, le bien commun et le droit au bonheur pour toutes et tous.