Interview de Sandrine Rousseau, candidate aux élections présidentielles de 2022.
«Je n’aurais pas pu rester sans rien faire, il était temps d’agir». Sandrine Rousseau se présentera aux élections présidentielles de 2022, et cette annonce a déjà fait couler beaucoup d’encre.
Depuis toujours du côté des femmes et de leurs droits, icône féministe et écologiste, Sandrine Rousseau a déjà démarré sa campagne comme une tornade à l’occasion de la Journée de la Femme, avec un riche marathon virtuel de rencontres avec des militantes, des expertes, des écrivaines et de nombreuses figures du féminisme, toutes ensemble pour débattre des problèmes et des solutions du monde de demain.
Sa campagne est suivie de près par des politiciennes de la carrure de Kamala Harris, et sa manière de se présenter au public plaît beaucoup, attire l’attention de ceux qui en ont marre des candidats en manque d’empathie.
«Oui, je suis décidée», dit la candidate, un sourire aux lèvres, espiègle, consciente que cette décision en a surpris plus d’un.
«Vous savez quoi ? Quand Emmanuel Macron a nommé Gérald Darmanin au Ministère de l’Intérieur et Éric Dupond-Moretti à la Justice, je l’ai vécu comme un réel affront, et il ne s’agit pas juste du droit des femmes. Il y a comme un trop plein d’injustice et d’incohérence, d’hypocrisie et d’opacité, il fallait intervenir, sortir de l’ombre».
Sandrine Rousseau a fondé en 2017 à Lille, la ville où elle est entre autres vice-présidente de l’Université, la fondation «Parler» pour donner la parole aux femmes victimes d’agressions.
«Unies, on peut réussir, on peut vaincre ceux qui jusqu’ici nous ont imposé le silence», continue la candidate, «nous sommes habitués à une image de personnage politique sûr de lui, prêt à masquer avec un orgueil mal placé ses propres erreurs, et incapable d’être à l’écoute des citoyens. Je veux afficher une image différente.
Mes blessures vont être ma force. Je suis tombée et je me suis relevée, et j’ai bien l’intention d’être un exemple en ce sens. Il faut que dans la perception collective, ces traits qu’on juge parfois comme des faiblesses, puissent enfin être considérés pour ce qu’ils sont en réalité : une humanité qui nous rend fort, et en même temps sensible aux exigences des autres. Avoir tracé un chemin ne nous dispense pas d’être à l’écoute. C’est un devoir.
La vie n’est jamais rectiligne : les vrais fragiles sont bien souvent ceux qui se considèrent sans failles».
Le jeu du «moi Président» avec Sandrine Rousseau se révèle intéressant : «Toute société juste doit partir de l’égalité des genres. Donc oui, il faut penser à des sanctions pour les entreprises qui n’embauchent pas de femmes, et il faut avoir une législation plus ferme sur les auteurs de violence de genre. Bien sûr, les femmes seront au centre de mon discours et de mes mesures, on voit d’ailleurs qu’aujourd’hui les programmes les plus ambitieux et les plus révolutionnaires en politique sont portés par des protagonistes féminins : Kamala Harris ou encore Jacinda Ardern en Nouvelle-Zélande en sont des exemples» continue la candidate.
«Protéger les plus faibles est le dogme sine qua non pour une société plus égalitaire. Et je ne parle pas que des femmes. Je voudrais par exemple que les consommations basiques d’eau potable et d’électricité soient rendues gratuites. Ce serait inédit, mais quand on voit le poids du budget énergétique sur les foyers les plus démunis, on réalise qu’une aide est nécessaire».
Si la protection des plus faibles est sa priorité, l’autre grande bataille de Sandrine Rousseau reste celle liée à sa famille politique : l’écologie.
«Au fil du temps, nous avons oublié les droits fondamentaux : le droit à la nature, par exemple. Nous avons des milliers de personnes qui vivent dans des zones complètement bétonnées, sans possibilité d’accès au vert, à un bois ou à une forêt : une partie des villes devraient être obligatoirement consacrées aux espaces verts, c’est fondamental pour le bien-être des citoyens et particulièrement des plus jeunes, et puis il faudrait introduire une fois pour toutes dans la loi le crime d’écocide. En même temps, il faut donner parallèlement une personnalité juridique aux animaux, pour contrer de façon efficace les abus qu’on constate dans le milieu de l’élevage industriel».
Et pour les jeunes, Rousseau veut investir sur les futures générations si éprouvées par la pandémie, l’isolement forcé et la précarité.
«En tant que vice-présidente de l’université lilloise, en cette période, je reçois régulièrement des courriels où l’on me signale que des étudiants ont essayé de mettre fin à leur jours. Ce que les jeunes sont en train de vivre actuellement est affreux. Dans notre société, on acquiert la majorité à 18 ans, mais on a le droit aux aides économiques en général qu’à partir de 25 ans, nous avons un période difficile devant nous, je proposerai que les jeunes, dès leur majorité, puissent recevoir une aide financière qui puisse leur apporter une autonomie et soutenir leurs projets. Aujourd’hui, c’est une mesure plus que jamais nécessaire».
Dans un moment où les français manquent de confiance envers les politiques, Sandrine Rousseau, elle, se montre confiante malgré tout. Elle espère «changer la donne» et justement retisser les fils d’une relation constructive entre les citoyens et le pouvoir, une mission que les derniers Présidents de la République semblent bien avoir raté.
«Je démarrerai ma campagne en allant à la rencontre des gens, j’ai l’intention de partager le quotidien de plusieurs catégories de français, notamment ceux qui sont les plus en difficulté, comme les petits commerçants ou les agriculteurs, il n’y a rien de mieux qu’un échange direct avec les français pour se rendre compte des défis à relever.
Quand j’ai pris l’initiative de parler après mon agression (par l’élu écologiste Denis Baupin, et dénoncée dans un article-révélation sur Mediapart publié en 2016, ndlr), j’ai décidé d’oser, de risquer, car ça en valait la peine, le courage peut réellement changer le monde. Et d’ailleurs, beaucoup de progrès on été fait depuis, pour combattre les violences faites aux femmes et pour que la peur change enfin de camp.
J’ai l’intention d’avoir cette même attitude sur tous les sujets qui me tiennent à coeur.
Par exemple, il y en a beaucoup qui se plaignent de l’influence des lobbies des multinationales sur l’économie et l’écologie, mais les tentatives pour contrecarrer leur pouvoir se révèlent toujours trop timides. Je voudrais aller à contre-courant, je suis déterminée à faire bouger le système dans son ensemble, à traquer l’injustice, car parfois, l’excès de prudence peut être une faute politique qui endommage l’intérêt commun. On agit. On a osé et on a réussi à faire entendre la voix des femmes. Oser paie. Je veux un monde politique qui sache oser».
Le 15 mars et jusqu’au 17, la candidate sera à Lyon pour apporter son soutien au rassemblement écologiste conduit par Fabienne Grébert en Auvergne Rhône-Alpes. Elle profitera de la présence de Benoît Hamon pour s’entretenir avec lui sur la strategie des prochaines présidentielles. La route est longue, mais Sandrine Rousseau est bien déterminée à arriver au bout.
- Propos recueillis par Eva Morletto