Dans l’émission live du mercredi 18 mars, Bastien Parisot a décortiqué une phrase entendue plusieurs fois au sujet de la pandémie de Covid-19, qui laisse entendre que le gouvernement n’est pas responsable. Une affirmation qui a fait bondir le chroniqueur du Monde Moderne. Désintox.
Cela fait déjà 2 ou 3 fois que j’entends cet élément de langage du gouvernement dans la bouche de personnes non politisées, ou non macronistes. C’est-à-dire des gens encore récupérables, encore appréciables, encore sains d’esprit.
Je cite : «Ah bah la pandémie c’est pas de leur faute au gouvernement, ils n’y peuvent rien».
Alors évidemment, tout ça peut sembler logique en effet. Qui aurait pu prévoir un truc pareil, une année 2020 aussi merdique, sortie tout droit d’un livre de George RR Martin … (l’auteur de Game of Thrones, pour ceux qui n’ont pas eu de culture mainstream entre 2011 et 2016). Une année écrite par George mais jouée par des acteurs de série B, genre «Plus belle la vie» mais en moins bien. Ce qui nous donne «À compter de dorénavant, et pour une période de 15 jours, en accord avec le Président, le gouvernement et les autorités compétentes…» … Alors là, j’en vois qui sourient dans le studio, mais enfin jeudi à 18h, vous allez bégayer sévèrement quand cette phrase finira par «un nouveau confinement».
Bref, en effet, on pourrait se dire «c’est pas de leur faute, ils n’y peuvent rien»… sauf que c’est faux.
Allez c’est parti, étude de texte, analyse de phrase, je vous explique tout. Sortez vos lunettes, vos fiches de lecture, prenez des notes si besoin, on démarre.
Commençons par le commencement : «c’est pas de leur faute».
Bah en fait, si. Parce que dès 2004, Castex, haut fonctionnaire au ministère de la santé, commençait tranquillement sa besogne de destruction de l’hôpital public. Un travail lent, mais efficace, poursuivi sous Chirac, puis Sarko, puis Hollande, puis Macron. Macron, qu’on retrouvait conseiller économique de Hollande, dès le début de son quinquennat… soit il y a déjà une dizaine d’années.
En fait, si, parce que la politique libérale a détruit l’hôpital public, fermé des services en veux-tu en voilà, supprimé des postes, retiré des lits, gelé les salaires des soignants, majoritairement soignantes d’ailleurs, disons-le en passant car le 8 mars n’est pas si loin… bref, la politique libérale a détruit le service public de santé sur l’hôtel de la rentabilité… mais pas que ça.
Elle a aussi détruit l’écosystème, rasé les forêts, pourri les rivières et les fleuves, bétonné partout, pollué l’air… Elle a engendré, par la surexploitation permanente, des contacts répétés entre l’homme et des animaux maltraités, favorisant la transmission de certaines maladies qui jusque-là ne touchait pas l’homme. («Et bienvenue la vache folle»). Elle a créé des mégalopoles où tout le monde se marche dessus dans des métros dégueulasses, zones formidables où un mec qui tousse contamine cinq de ses voisines et voisins. Sauf s’il a un masque, bien sûr… à condition d’en avoir un.
Alors bien sûr, personne à l’Élysée, Matignon ou Bercy n’est responsable de la folle envie d’un type obscur à l’autre bout du monde de boire une soupe de pangolin, ou de se frotter à une chauve-souris. Pas plus responsable de la bêtise d’un chercheur fou qui créerait un virus et le laisserait s’échapper de son labo à Wuhan. Non, bien sûr que non !
Mais pour ce qui est de la transmission du virus, de sa capacité à passer d’homme à homme à une vitesse intersidérale, au point de faire le tour du globe en quelques semaines, et de notre incapacité à s’en protéger et à gérer la vague de malades… eh bien là oui, OUI MADAME, OUI MONSIEUR, la politique libérale a sa part de responsabilité. Et donc, ceux qui la mettent en place sans relâche depuis des années, à l’Élysée, Matignon ou bien Bercy, aussi.
Oui, la pandémie, c’est bel et bien un peu de leur faute.
Prenons la suite : «ils n’y peuvent rien».
Pardon ?
Qui a menti aux Français au début de la pandémie, assurant que la situation était sous contrôle, que le virus n’arriverait jamais en France, alors qu’on sait maintenant qu’ils étaient au courant du danger ? Qui a prétendu que c’était une grippette, que le service public de santé était prêt à tenir le coup ? Avant de parler d’état de «guerre», ou d’aller faire le pitre devant un hôpital militaire ?
Qui a décidé de lâcher un poste de ministre de la santé, en pleine crise sanitaire, pour tenter (en vain) de prendre la mairie de Paris, confondant «faire de la politique au service du bien commun» et «bâtir sa carrière sur le dos des citoyennes et des citoyens» ?
Qui a vidé nos stocks de masques avant la crise ? Et s’est ensuite montré incapable d’en assurer la production et la distribution rapide, une fois le manque constaté et la faillite démarrée ? Qui a expliqué d’abord que ça ne servait à rien de porter ces masques face au virus, avant de dire que «bon, maintenant qu’on en a, ça sert dans les lieux publics», puis «dans certaines rues mais pas d’autres», et finalement de dire «mettez le partout» ?
Qui a prétendu que les Français n’étaient pas assez sérieux, que la progression de la maladie était de leur faute, que les institutrices pouvaient aller cueillir des fraises ?
Qui a préféré laisser Amazon, Uber, Deliveroo et compagnie se gaver sur la distanciation sociale et le confinement généralisé, au mépris des droits de leurs travailleurs exploités, et non protégés, tout en fermant les commerces de proximité comme les librairies et en laissant crever les TPE et PME ?
Qui a continué, et continue encore, en pleine pandémie et crise sanitaire, à fermer des lits dans les hôpitaux publics (pour ceux qui ne me croient pas, renseignez-vous, bordel), en le justifiant par des phrases bancales à base de «ce n’est pas ça qui freine le virus», alors que l’on est obligés, aujourd’hui encore, de décommander des traitements et opérations par manque de place dans les hôpitaux, ce qui aggrave parfois les problèmes de santé des malades ?
Qui a rempli les poches des cabinets privés avec des millions d’euros pour organiser la communication et l’organisation de la vaccination en France, pour le formidable échec qu’on connaît, alors que l’État français a toujours été capable, dans le passé, d’organiser des mobilisations sur l’ensemble de son territoire ?
Qui a fait la leçon aux soignants, après les avoir lâchement et hypocritement applaudi (et précarisé depuis des années, on revient au début), les traitant d’inconscients qui ne se vaccinaient pas assez, avant d’interdire le fameux vaccin administré parce que finalement, celui-ci est dangereux et pas si sûr ? Qui leur a promis des primes, jamais vraiment arrivées, comme on promet un jouet pour calmer un enfant, sans jamais, vraiment jamais, les respecter vraiment ?
Qui a profité de la période d’angoisse générale et de peur incontrôlée pour faire passer une loi sécurité globale ignoble, en marche vers les fachos ?
Qui a décidé de fermer les bars, les restaurants, les cinémas, les théâtres, les musées, mais laisser les entreprises ouvertes, enfermant les gens dans un rôle de force productive, de créateur de richesse qui ne leur revient pas, tout en supprimant leurs loisirs, leurs lieux de vie sociale, leurs points de rencontres qui construisent le bonheur et adoucissent les moments compliqués ? Qui a fixé ces priorités ?
Qui a menti pendant un an, affirmant tout et son contraire, multipliant les ballons d’essais, confondant communication publique et propagande grossière, démontant les certitudes de la veille et les promesses de l’avant-veille, en culpabilisant les gens sans cesse ? Qui a basé toute sa lutte contre le Covid-19 sur la restriction de libertés : liberté de sortir, liberté de bouger, liberté de se rencontrer, liberté de se parler, de s’approcher, de se toucher, de s’aimer ?
Qui ? Le gouvernement.
Macron, Buzyn, Castex, Philippe, Véran, Darmanin, N’Diaye et toute la clique. Leurs choix catastrophiques ont miné le pays. Leur incapacité à écouter, à comprendre, a agacé les gens. Leur mépris et leur suffisance ont rompu le lien entre citoyen et pouvoir public.
10 millions de pauvres en France. Un reconfinement imminent. Des millions de petites entreprises prêtes à mettre la clef sous la porte, et autant de petits patrons au bord du gouffre. Des étudiants qui crèvent de faim. Des violences conjugales qui explosent. Des troubles psy qui se développent partout. Voilà leur bilan, en un an.
Et posons-nous la question : tout ça pourquoi ?
Pour qu’en mars 2021, leur solution soit identique à celle de mars 2020.
La bataille pour les masques, due à la pénurie, est remplacée par celle pour les vaccins. Le confinement repointe le bout de son nez. Et c’est encore, bien sûr, la faute aux français inconscients, notamment à ces salauds de parisiens qui osent prendre le soleil sur le bord de la Seine.
Bref, tout ça pour rien.
C’est pas de leur faute ? En fait, si.
Il n’y peuvent rien ? En fait, si.
Et à ceux qui voudraient me répondre : «Alors oui, mais que faire d’autre ?».
Eh bien, il y avait quelques idées.
Nationaliser temporairement l’industrie textile pour fabriquer massivement des masques, et les distribuer gratuitement. Histoire de protéger les citoyennes et les citoyens.
Faire pareil pour le matériel médical, dont les soignantes et soignants avaient tant besoin, mais manquaient tant.
Écouter les profs, les directrices et directeurs d’écoles, les mères célibataires, les vendeuses et vendeurs, toutes celles et tous ceux qui souffraient, sur le terrain, face à la crise, et subissaient des décisions absurdes et hors-sol, alors qu’ils avaient des demandes précises et des idées venues de leurs expériences, pour faire face à cette crise.
Supprimer les brevets sur les vaccins, pour en assurer la production plus facile, la distribution plus efficace, et empêcher au passage les laboratoires privés de s’enrichir sur la crise, et faire sauter les doutes et les inquiétudes sur les possibles dangers pour la santé.
Réfléchir à des alternatives au confinement, fonctionner par roulement par exemple, pour éviter les foules dans le métro et dans les magasins à 17H50, sans bloquer le pays mais tout en respectant les mesures sanitaires.
Et puis surtout, arrêter de mentir.
Prendre les mesures à prendre, mêmes impopulaires, mais en expliquant pourquoi et sans cacher la vérité.
Et là, je m’explique : pendant la seconde guerre mondiale, Churchill (qu’on ne peut pas taxer d’affreux rouge communiste) a-t-il promis la fin de la guerre imminente ou du confort aux anglais ? A-t-il fait du marketing politique, comme un vulgaire «happiness manager» de la start-up nation ? Non. Tout l’inverse. Il a promis «des larmes et du sang», tout en expliquant qu’il s’agissait de la seule issue possible pour la fin du conflit.
Alors bien sûr, nous ne traversons pas une guerre mondiale. Mais que monsieur Macron en prenne de la graine : ça s’appelle le sens des responsabilités, ça s’appelle la hauteur politique. C’est ça, être un homme d’État.
Et depuis 1 an, c’est tout ce qui manque à nos dirigeants.
Bastien Parisot