Ils sont infectés, nombreux, capables de tenir un double discours hypocrite et de faire passer la privatisation des biens communs pour un cadeau et présenter la destruction des solidarités comme un progrès social. Si certains ministres ont été testés positifs au coronavirus, tous ont le même virus de la pensée unique propre au TINA (There is no Alternative).
Ils sont nombreux, et nous les connaissons : Agnès Buzyn qui a déclaré en janvier que le risque d’introduction du coronavirus en France était faible, Emmanuel et Brigitte Macron, qui ont incité les français à sortir en allant au théâtre la semaine passée, Jean-Michel Blanquer, qui assurait jeudi dernier que les écoles ne fermeraient pas, Christophe Castaner qui a nié le risque sanitaire lié au maintien des élections, Sibeth Ndiaye qui riait de l’utilisation des masques de protection…
À l’heure du stade 3 de la pandémie, ceux-là fustigent alors le manque de discipline des français et accusent les oppositions d’avoir voulu maintenir les élections. Certains de leurs soutiens médiatiques vont même jusqu’à critiquer les médecins qui n’ont pas été assez alarmistes.
Et pourtant, l’alarme était lancée depuis longtemps par tout le corps soignant, par les journalistes consciencieux, qui ont montré combien le sort italien n’était qu’à quelques jours de notre pays. Fermer les frontières ! Une hérésie. Confiner les gens ! Vous n’y pensez pas, et le commerce ? Tester les malades, allons donc, quelle perte de temps ! Donner des masques aux médecins ? Quels masques ? C’est illusoire ! Donner des moyens à l’hôpital ? Mais vous ne voulez pas que je fasse de la dette !
Cet échange de 2018 entre des soignantes et Emmanuel Macron et Agnès Buzyn montre bien le choix comptable qui a toujours été fait à l’encontre de la santé des français :
Aujourd’hui, les élections sont maintenues, soi-disant dans un environnement sanitaire optimum, tandis que tous les lieux de vie publics sont fermés depuis samedi minuit.
Incompréhensible.
Ubu roi a trouvé là sa dernière incarnation en la personne d’Emmanuel Macron, dont le discours présidentiel de jeudi n’efface en rien les mois d’errements et d’improvisation catastrophique à la tête de l’État. En 25 minutes, le Président a fustigé sa propre politique jugeant qu’elle n’était pas tenable et conduisait à une erreur historique. Les chantres de l’ordo libéralisme criaient alors au génie, la dette n’existant plus – elle redevient la fable qu’elle a toujours été. Pour sauver les banques et le système financier international, l’argent magique est là, pour l’hôpital, jamais.
Naïfs, nous pourrions presque croire qu’Emmanuel Macron va reprendre le programme du Conseil National de la Résistance et assurer enfin les moyens d’un État Providence fort aux dépens de la finance prédatrice.
Mais les faits sont têtus et nous ne sommes pas naïfs. Pas de masques pour les soignants, pas de lits supplémentaires, mais une improvisation. Pas d’annulation de la réforme des retraites, si décriée par tous les partenaires sociaux, pas d’infléchissement répressif : au cœur de la crise sanitaire, les gardes à vue de militants climatiques s’enchaînent comme à l’accoutumé. Seule la privatisation d’Aéroports de Paris suspend son vol, car le temps est lourd pour les marchés.
Et puis, il faut voter plutôt que reporter. Pourquoi ? Tous les commerces non essentiels ferment mais les bureaux de vote sont ouverts. Soit.
C’est donc aux français indisciplinés et réfractaires de faire le choix d’aller voter et de faire confiance à une parole qui n’a fait que les décevoir depuis 3 ans. Quel crédit apporter encore à la parole de ces menteurs compulsifs ? L’inquiétude est réelle et voilà le bon citoyen tiraillé entre faire son devoir premier et se protéger contre une épidémie galopante.
Tout ceci est une farce triste, un moment tragique de notre démocratie, un théâtre de l’absurde qui rappelle l’arrivée des troupeaux de rhinocéros avant l’orage.
Ce quinquennat est celui de la honte. Rien de ce qui est fait n’a été sincère.
Le hold-up de la présidentielle de 2017 continue, avec dans les jours qui viennent, le sauvetage des places financières organisé comme un racket, après un nouvel épisode de démocratie surréaliste incarné par ce premier tour organisé au plus fort de l’épisode viral.
Nous vivons un moment inédit où la Chine est en passe d’enterrer la Pax America pour ouvrir une ère nouvelle de contrôle et de néolibéralisme planifié. En parallèle, l’inaction commune et la compétition des nations européennes signent la fin du projet européen, incapable de protéger ou d’organiser les solidarités.
Prenez soin de vous. Restez chez vous, le temps viendra de ressortir.
Allez voter, si vous le souhaitez, car c’est un devoir.
Restons groupés. Cette caricature de démocratie est un naufrage collectif, nous sommes tous dans des canots de sauvetage.