Il n’y a pas qu’en France que les politiques ont des soucis avec la justice ! Le parquet belge enquête sur des allégations de corruption visant Didier Reynders, ministre des affaires étrangères et de la défense, candidat au poste de commissaire européen à la justice.
Côté français, la période est riche en rebondissements. Outre la ministre de la justice et ses gênants oublis déclaratifs, Balkany, Sarkozy, Fillon, Le Pen père et fille, Bayrou, Ferrand, Mélenchon : les noms des politiques aux prises avec la justice interpellent. Les affaires se suivent et ne se ressemblent pas : enrichissement personnel, détournement de fonds au profit d’un parti, assistants parlementaires fictifs ou imbroglio judiciaire.
La confusion règne dans les esprits et la musique du «tous pourris» n’est jamais bien loin concernant des élus trop souvent donneurs de leçons, qui se retrouvent soudain loin de la morale et de la droiture qu’ils défendent.
Le calendrier de la justice pose question : François Fillon passera devant les juges, juste avant les municipales. Et tandis que Jean-Luc Mélenchon sera cette semaine devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour actes d’intimidation, rébellion et provocation lors de la perquisition de son domicile et du siège de son mouvement, les lieutenants de la Macronie se retrouvent aussi convoqués ou mis en examen, comme pour souligner soudain l’indépendance de la justice, fort mise à mal par Jean-Luc Mélenchon qui parle d’«une instrumentalisation de la justice à des fins politiques».
Mais l’indépendance du parquet est toute mince en France, tant les liens qui unissent le pouvoir exécutif et judiciaire sont directs. Pour rappel, l’article 10 de l’ordonnance N°581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relatif au statut de la magistrature dispose que : «Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite au magistrat, de même que toutes démonstrations de nature politique incompatibles avec la réserve que leur impose leur fonction».
Prenons l’exemple du procureur de Paris, Rémy Heitz, nommé en novembre 2018 et anciennement conseiller au cabinet de Jean-Pierre Raffarin. C’est lui qui a organisé la perquisition au siège de Mediapart. L’Élysée est soupçonné d’être intervenu dans la nomination de Rémy Heitz, pour retoquer les premières propositions de Nicole Belloubet.
Cette nomination souligne davantage la subordination du parquet à l’éxecutif, comme en atteste cette déclaration d’Emmanuel Macron : «La justice doit être indépendante mais elle ne saurait être hors de tout sauf à risquer de n’être légitime nulle part, c’est particulièrement vrai pour le parquet qui participe tout à la fois de l’activité judiciaire et de l’activité publique».
Alors, faut-il croire les élus qui dénoncent une dérive autoritaire et des procès politiques ?
Un cas, tout proche de chez nous, devrait en effet nous donner à réfléchir. En Espagne, un juge a été condamné ce mardi 10 septembre à six ans et demi de prison pour avoir manipulé une enquête afin de discréditer une magistrate élue du parti Podemos, contre laquelle un ex-ministre de droite avait porté plainte. En 2016, à un moment où le parti Podemos était dans une dynamique de victoire, Victoria Rosell avait alors dû renoncer à son siège de députée suite à cette manipulation judiciaire.
Au Brésil, le juge Moro, soi-disant héros de la lutte contre la corruption a été dénoncé récemment lui aussi. Selon The Intercept, qui publie une enquête en juin, Moro et les procureurs se sont rendus coupables de «tromperies systématiques» et de «manque d’éthique» ; ils auraient conspiré ensemble pour empêcher l’ex-président Luiz Inácio Lula da Silva de se représenter à la présidentielle de 2018. Une fois services rendus, le juge est devenu ministre du gouvernement de Bolsonaro.
Si le gouvernement des juges relève plus du fantasme que de la réalité, la tentation est grande pour le pouvoir d’utiliser et d’instrumentaliser la justice à des fins politiques et les ambitions personnelles de certains peuvent conduire à des dérives humaines, trop humaines.