Jeudi 30 avril, l’Insee a publié sa première estimation de l’évolution du PIB français au premier trimestre de l’année 2020. Et le coup porté à l’économie française est dur avec une chute sur trois mois de 5,8 %, soit la plus forte baisse enregistrée depuis la mise en place du calcul officiel du PIB en 1949. Le PIB du trimestre revient ainsi à un niveau nominal proche du troisième trimestre 2017.
Sur le seul mois de mars, l’Insee enregistre ainsi un recul de 17,3 % de la consommation en biens des ménages, seule hausse notable, celle des dépenses alimentaires (7,8%). (Voir INSEE)
La quasi-totalité des activités économiques ont donc été touchées. Alors que le gouvernement a annoncé plusieurs mesures de relance pour soutenir des pans entiers de l’économie, voire sauver directement des entreprises (Air France, par exemple). La ré-ouverture progressive de l’économie, par le déconfinement, permettra à certains secteurs de limiter la casse et espérer une reprise progressive de leur activité. Cependant, à l’instar des bars et des restaurants, un autre secteur poursuivra son «confinement», celui de l’art et donc de la culture dans son ensemble.
Le but n’est pas de mettre dos à dos les secteurs d’activités mais de s’alarmer quant au devenir de la culture, secteur aussi stratégique que méprisé par les politiques.
En effet, quel avenir pour le secteur sans plan de soutien et de relance de la part de L’État ? Pourra-t-elle faire face à la crise économique qui s’annonce et à nos nouvelles habitudes de consommations, dont les firmes américaines sont les principales bénéficiaires ? Quel avenir pour les artistes, techniciens, indépendants qui travaillaient (CDD, CDDI, Intermittents du spectacle) déjà dans des conditions précaires ?
Preuve de cette inquiétude grandissante, des artistes ont décidé de prendre la plume et de publier une Tribune dans le Monde, le 30 avril 2020, «Parce que le secteur de la culture est en danger : l’État doit (fortement) intervenir pour la sauver».
Parmi les signataires nous trouvons, Jeanne Balibar, Catherine Deneuve, Jean Dujardin et Omar Sy. L’une des revendications est la prolongation des droits des intermittents du spectacle d’une année au-delà des mois où toute activité aura été impossible.
La Tribune s’inquiète d’une part du sort de la culture qui vit des moments difficiles, et du silence inquiétant d’un ministre aux abonnés absents. Et les mots utilisés sont sans concessions. «Depuis six semaines, le ministre de la culture Franck Riester ne dit strictement rien. Des «je ne sais pas» à la pelle, quelques mots sur les théâtres privés, semble-t-il, de vagues encouragements, peut-être, aux assureurs à assurer contre les risques du Covid-19… Une formule, «mettre l’art et la culture au cœur de la société» : on pourrait faire plus précis pour répondre à la situation actuelle».
Cette tribune aura au moins eu deux mérites, remettre sous le feu des projecteurs la voix d’une profession délaissée et faire réagir le Président de la République, qui annonce quelques jours plus tard, via un Tweet, la présentation future d’un plan, bien qu’encore incertain. Tout en espérant que cela ne soit pas encore de la «poudre de perlimpinpin».
Tweet d’Emmanuel Macron du 2 mai 2020 :
«Aux artistes qui se sont exprimés, je veux dire que je les entends. L’État continuera de les accompagner, protéger les plus fragiles, soutiendra la création. L’avenir ne peut s’inventer sans votre pouvoir d’imagination. Mercredi j’annoncerai des premières décisions en ce sens».
Que représente le secteur de la culture en France aujourd’hui ?
Le ministère rue de Valois avait certes fait, le 18 mars, une première salve d’annonces afin de soutenir la filière. Le plan s’est matérialisé par un soutien financier direct d’’environ 23,5 millions d’euros (Galeries, spectacles vivants hors musique, secteur musical, arts plastiques, manifestations autour du livre), et des aides indirectes par l’annulation du versement de certaines taxes (Le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC) ayant suspendu le paiement de la taxe sur les entrées en salle (TSA) au mois de mars).
Cependant, ce plan de soutien paraît bien maigre lorsque l’on connaît le poids et les enjeux économiques du secteur en France. Sans compter son apport à l’émancipation des individus et l’image positive de la France véhiculée à l’étranger, permettant de promouvoir le «soft power» à la française (9% du CA réalisé à l’étranger).
Un rapport conjoint, réalisé en 2014, par le ministère de la Culture et de l’Économie avait mis en avant l’apport de ce secteur dans l’économie. La culture contribue 7 fois plus au PIB français que l’industrie automobile avec 57,8 milliards d’euros de valeur ajoutée par an. Il faut additionner à ce montant environ 46 milliards d’euros grâce aux activités induites comme les matériaux utilisés, les loyers, l’électricité etc… Au total, l’apport de la culture à l’économie, y compris ses effets d’entraînement, atteint donc les 104,5 milliards d’euros.
À cela s’ajoutent les 870.000 professionnels de la culture qu’emploient les entreprises non culturelles.
Le secteur culturel, en France, se matérialise notamment par une diversité de lieux avec plus de 16 000 lieux de lecture publique et plus de 500 librairies labellisées, 2 200 cinémas et 5 800 écrans, 440 lieux de spectacle labellisés par le ministère de la Culture, 1 200 musées de France et une quarantaine de musées nationaux, 51 centres d’art et 23 fonds régionaux d’art contemporain, plus de 400 jardins «remarquables», près de 200 villes et pays d’art et d’histoire et 535 000 entités archéologiques… Les lieux de création, de conservation et de diffusion de l’art, du patrimoine et de la culture sont multiples et l’offre diverse.
Les dernières statistiques économiques ne disent pas le contraire : une rentabilité de 11 % (supérieure de 2 % à celle de l’ensemble des secteurs marchands), 25 % du chiffres d’affaires et de la valeur ajoutée des entreprises culturelles marchandes réalisés par des TPE, 268 000 associations actives dans le domaine culturel, un poids économique direct de près de 44, 5 milliards d’euros, soit 2,2% du PIB. La culture reste un indéniable facteur d’attractivité et de richesse.
Et à ceux qui mettront, à tort, le fait que ce secteur soit fortement subventionné, l’investissement direct de l’État compte pour 13,9 milliards sur les 57,8 milliards. Enfin le rapport établit une corrélation positive entre la présence d’une implantation culturelle et le développement socio-économique d’un territoire.
Cependant, son ministère voit depuis plusieurs années son budget (10 milliards d’euro en 2019) subir des baisses dans le cadre des plans d’économies imposés par Bercy (2011-2017 baisse de 1,33%).
Preuve en est avec le plan d’économie demandé au groupe France Télévisions, où la dotation allouée à l’ensemble des groupes qui le compose va diminuer de soixante-dix millions d’euros. C’est deux fois plus qu’en 2019. Un effort jugé «soutenable, pour contribuer à la maîtrise de la dépense publique», a estimé le ministre. Ou encore Radio France. Alors que ces deux groupes multiplient les succès d’audiences.
Comment oublier les grèves de 2019 au sein de ces deux groupes publics alors que cela permet à de nombreux français et françaises d’accéder à des programmes de qualité et «gratuits».
Le principal point d’affrontement avait été celui du devenir des professionnels, en premier lieu, les intermittents du spectacle.
La situation encore plus précaire des intermittents et des indépendants
Le sujet étant très sensible, le 19 mars, les ministères de la Culture et du Travail avaient annoncé leur plan de soutien des intermittents. La principale mesure de ce plan étant de ne pas prendre en compte, dans le calcul pour le chômage, la période de confinement.[1]
Bien que cette décision soit salutaire, elle ne règle en rien la précarité extrême que vivent les intermittents et l’avenir incertain qui se dessine. Selon la CGT Culture, «Ces mesures ne semblent pas répondre aux problèmes de celles et ceux qui pensaient faire leurs heures dans la prochaine période, normalement plus propice à l’emploi avec le printemps et l’été ou encore des professionnels primo entrants dans le régime spécifique d’assurance chômage, ou temporairement en rupture de droits».
En effet, les spectacles sont au mieux reportés, au pire annulés. La période allant de mars et ouvrant la période estivale permet aux intermittents de cumuler de nombreuses heures d’activité et de compenser les périodes plus creuses. Ces heures ne seront jamais compensées. Combien de festivals, de salons ne pourront pas se tenir ? Les intermittents pourront-ils tous et toutes continuer à exercer leur activité alors qu’une baisse importante du nombre de représentations est à prévoir ?
Cette précarité a eu un écho médiatique début avril après la décision du groupe Disneyland Paris de mettre fin prématurément aux contrats de travail signés avec les intermittents pour ses spectacles de printemps finalement annulés. Par un courriel envoyé le mercredi 1er avril, la direction des ressources humaines (DRH) leur demande de signer «une rupture amiable du contrat de travail». Au motif «Circonstances exceptionnelles», le groupe Disney propose «la rupture anticipée d’un commun accord [du] contrat de travail à compter du premier avril 2020». Et de confirmer leur accord avant le 2 avril 2020.
Confronté à un refus quasi unanime des artistes, Disney (60 milliards de CA en 2018 ) pourrait opter pour un passage en force en invoquant «un cas de force majeure». Une disposition permettant au groupe de licencier sans le consentement des artistes. Ces derniers percevraient l’intégralité des sommes dues jusqu’à la fin de leur contrat, sans que cela leur permette de valider leur nombre d’heures de travail, avec le risque qu’ils perdent leur statut d’intermittents du spectacle.
Outre leur travail, nombre d’artistes par Disney seraient aussi susceptibles d’y perdre leur logement au sein du parc. En effet, certains d’entre eux sont logés dans des résidences du groupe proche du parc.
Enfin, ce refus des artistes aura une autre conséquence, encore plus grave, celle de se retrouver «blacklistés» chez Mickey, et donc de ne plus pouvoir y travailler. Ce qui aura des conséquences professionnelles futures.
À la date du 18 mars, le Syndicat Français des Artistes Interprètes (SFA) estime qu’au moins 15.452 artistes interprètes, qui étaient engagés sur les mois de mars et avril, se retrouvent privés de travail, puisque quelque 8590 représentations ont été annulées au total (tout secteur confondu : spectacle vivant, tournage, etc…).
Les librairies indépendantes face au double défi d’Internet et des gestes barrières en collectivité
Les librairies indépendantes sont confrontées à de nombreuses problématiques.
L’État s’est porté à leurs secours par la mise en place de différents mécanismes (chômage partiel, l’aide de 1500€ pour les indépendants, le report de charges sociales). La profession a également été aidée par un coup de pouce «syndical» suite à une bataille judiciaire concernant le non-respect de la protection des salariés par le géant américain sur les sites. Cela poussant le géant américain à fermer ses entrepôts plusieurs jours. De plus, Amazon s’est vu imposer l’obligation de restreindre ses activités aux produits jugés essentiels.
Cependant, l’avenir est plus qu’incertain. Les français auront eu le temps de lire pendant ce long confinement et ne se rueront pas de suite en librairie. La crise économique future obligera les consommateurs à faire des arbitrages quant à leur consommation future de biens et services. Il est fort à parier que la demande en produits culturels sera touchée de manière générale, et plus particulièrement dans le secteur du livre. Les premiers chiffres sont sources d’inquiétudes. Le 5 mai 2020, l’AFP annonce, une baisse des ventes de livres de 11% en volume et de 10,5% en euros courants au premier trimestre par rapport à la même période en 2019, selon le baromètre XERFI.
En plus de la baisse des ventes de livres, la numérisation pourrait s’accélérer. Comme l’ensemble du secteur il doit faire face aux géants américains. En plus d’acheter massivement sur Internet, les lecteurs pourraient de nouveau se tourner vers les liseuses électroniques dont le prix et la possibilité d’avoir accès à une bibliothèque virtuelle de plusieurs milliers d’œuvres est tentante. Et, certains segments vont être touchés à moyen terme, comme celui du tourisme (Guide du routard, Lonely Planet) comme l’évoque Françoise Benhamou, professeur d’économie.
Enfin, les consommateurs se rendent en librairie, à la fois pour le lieu qu’il représente (échange, calme) et la particularité de faire appel à un personnel qualifié et connaisseur (passionné). Le conseil est primordial pour les clients, cela l’est moins pour le cinéma et les jeux vidéos. Le public se fiant principalement aux avis et aux bandes annonces sur Internet qui font office de conseils.
Le déconfinement apportera son lot de contraintes nous obligeant à revoir nos interactions sociales, or les librairies sont aussi des lieux d’échanges. Les professionnels devront trouver des solutions afin de pouvoir continuer à conseiller leurs clients en limitant les contacts, et la présence en librairie, où le contact physique entre les clients et les livres est un rituel. Et nous ne reverrons pas de sitôt ces moments où les lecteurs s’assoient pour feuilleter les livres et autres bandes dessinées afin de connaître l’œuvre avant de se l’approprier.
Xavier Moni, président du Syndicat de la librairie française, en plus de rappeler l’ensemble de ces réalités, souhaite la mise en place d’un fond de soutien de l’État afin de compenser la perte de chiffre d’affaires des librairies indépendantes, notamment si la crise sanitaire perdure.
Avec la crise du Covid-19, les nombreux défis déjà existants, semblent devenir insurmontables. Et comme nous venons de le voir, la dématérialisation des œuvres (livres, jeux vidéo, cinémas, spectacles vivants) est une (r)évolution risquant de mettre en péril tout cet écosystème.
Les ogres américains en sont les principaux fossoyeurs: le cinéma est un secteur durement atteint par cette crise
La crise du Covid-19 porte un coup dur quant à la pérennité des salles de cinéma. Ces dernières voient s’accélérer la consommation d’œuvres cinématographiques en streaming alors que la France compte environ 2200 salles. Selon la société spécialiste des médias NPA conseil, la France comptabilisait chaque jour, durant la semaine du 23 au 29 mars, 5 millions de streamers, contre 2,7 millions il y a un an. Le nombre d’abonnements aux offres de services de vidéo streaming a quant à lui doublé depuis le début du confinement. Netflix a par exemple vu le nombre d’abonnés fortement augmenter. Son application a été téléchargée dans le monde 8,3 millions de fois la semaine du 23 mars, contre 4,7 millions en moyenne avant le confinement. En à peine trois mois, ce leader mondial du streaming a gagné près de 16 millions de nouveaux abonnés à la faveur du confinement.
Cela porte non seulement un coup dur aux salles de cinéma mais également au cinéma français dans son ensemble dont le financement est construit sur un maillage, certes complexe, mais efficace et diversifié. Le prix du ticket d’entrée comprenant en effet une taxe contribuant à aider le financement des films français.
L’Association des auteurs, réalisateurs et producteurs qui regroupe 200 cinéastes tels Jean-Luc Godard, Claire Denis ou Raymond Depardon, ne dit pas autre chose et s’inquiète pour l’avenir du cinéma et du succès des plateformes payantes.
Le 12 avril, ils publient une Tribune dans le Monde :
«Quand l’ensemble de la planète se paupérise, elles seules augmentent leurs recettes et profitent du désarroi général, renforçant encore leur domination mondiale. Rappelons qu’elles ne payent pas d’impôt en France, alors que l’État et les citoyens vont devoir s’endetter pour survivre à la crise. Le lancement, cette semaine, de la plateforme Disney+ confirme ce constat».
La crainte étant de voir le public, et surtout les plus jeunes, se désintéresser des salles de cinéma. Une baisse de la fréquentation engendrerait des fermetures et un problème de financement des œuvres. Un effet domino serait à prévoir qui déstabilisera l’ensemble de la filière.
L’autre mini-révolution est venue d’Amazon Vidéo, bien que son modèle économique soit très diffèrent de celui de Netflix. Il s’est offert l’exclusivité du film «Forte», de Katia Lewkowicz avec Melha Bedia et Valérie Lemercier. Promis à un bel avenir en salle, les producteurs ont préféré sauver leur investissement en revendant les droits de diffusion à Amazon et en ne diffusant pas le film sur grand écran (voir chronologie des médias). Cet investissement est anecdotique pour Amazon (280 milliards de CA en 2019 ), mais laisse à penser que ce coup d’essai aura vocation à se répéter. En effet, comment les producteurs pourraient refuser les millions proposés par les géants du streaming. De plus, au moment de la réouverture des cinémas, il y aura embouteillage. Les sorties seront nombreuses et il y aura un excès d’offres, poussant les spectateurs à faire des choix. Les films repoussés depuis le début du confinement seront en concurrence avec les nouvelles sorties. Et il est certain que les blockbusters nord-américains en sortiront (grands) vainqueurs au détriment des productions nationales. Ces dernières préférant s’assurer un succès sur les plateformes de streaming qu’un échec au cinéma.
Cet exemple montre à quel point l’incertitude est devenue omniprésente.
La comparaison avec le secteur du jeu vidéo est toute trouvée. Les défis sont quasiment semblables. Contrairement au cinéma, le confinement s’est traduit par une explosion d’achats de consoles et surtout de jeux vidéos, à la fois sur mobile et console. Sur la période du 16 au 22 mars, 2,74 millions de jeux ont été téléchargés sur le marché EMEAA (Europe, Moyen-Orient, Asie et Afrique), soit une hausse de 52,9% par rapport à la semaine précédente. «Les ventes de jeux vidéo sont en plein essor suite à l’épidémie de coronavirus», commente le site spécialisé Games Industry, qui révèle ces chiffres issus des données de 50 pays des EMEAA (donc sans les États-Unis). Entre ces mêmes dates, pour la France, entrée en confinement le 17 mars, l’augmentation est de 180%.
La hausse des ventes a notamment profité aux éditeurs de jeux, notamment les français (Gameloft, Ubisoft) mais les studios nord-américains Blizzard et Electronic Arts seront les principaux gagnants. L’accélération de la dématérialisation risque cependant de sonner le glas du support physique et par ricochet des magasins spécialisés tel que Micromania. Les enseignes avaient anticipé depuis longtemps ce changement du mode de consommation, en diversifiant leurs gammes mais la crise obligera les enseignes à une transformation plus brutale et à marche forcée.
Comme pour le cinéma, les nouvelles habitudes d’achats, notamment par la dématérialisation, seront ancrées. Cela pouvant entraîner, à moyen terme, des fermetures de magasins, et donc des licenciements.
Un autre secteur est touché par la dématérialisation, celui du spectacle vivant. Bien que ce changement soit encore à ses débuts, l’organisation des spectacles vivants sur les réseaux sociaux commence à se démocratiser. Poussée par l’impossibilité d’organiser des festivals et événements d’envergure, son essor devient perceptible.
Selon PIMS (structure en charge du suivi et de l’analyse des ventes et du marketing de certains producteurs et salles de spectacles), l’ensemble du secteur des spectacles de variété et des musiques accuseraient des pertes conséquentes pour la période allant du 5 mars au 14 juillet (prévisionnel).
– près de 27 000 représentations ont été annulées ou reportées pour 11,8 millions de billets
– 402 millions d’euros en recettes billetterie (HT) ont été perdus.
Face à ces nombreuses annulations, les lives en streaming sont venus rapidement combler l’impossibilité d’organiser des festivals avec public. Le meilleur exemple pendant le confinement a été le méga-concert confiné «One World : Together At Home» lancé par Lady Gaga. Les huit heures de show virtuel ont été retransmises en streaming sur les plateformes YouTube, Amazon Prime Vidéo ou encore Facebook.
Ces événements pourront pousser le jeune public à délaisser les salles de spectacles et favoriser les sessions entre amis à la maison.
Comme pour l’industrie du cinéma, les géants du numérique tirent profit de la crise sanitaire pour asseoir leur présence dans le domaine de la musique live. Sur Facebook, Instagram (appartenant au groupe Facebook), Twitter (Twitter, Periscope) et Twitch (Amazon), les sessions live se multiplient depuis le confinement. Mais c’est surtout Tik Tok (Chine), un réseau social dédié à la création et au partage de microvidéos musicales, qui est en passe de devenir le nouvel espace dédié à la musique live et aux clips, avec plus de 800 millions d’utilisateurs actifs.
La crise liée au Covid-19 a eu des effets préjudiciables sur l’écosystème du spectacle vivant qui, déjà vulnérable, se caractérise par un nombre élevé de producteurs indépendants, et d’emplois précaires. De plus, pour de nombreuses compagnies artistiques, festivals et professionnels de la culture, la crise a éclaté à un moment où les événements sont nombreux au printemps et en été.
Le sauvetage doit donc à la fois venir des pouvoirs publics mais surtout de notre mode de consommation de la culture, en favorisant les commerces de proximité et les achats physiques.
La culture sous domination des GAFAM ?
Malgré le confinement, nous avons constaté que le recours aux arts (littérature, musique, films, photographies, musées virtuels, spectacles de danse et de théâtre) diffusés en ligne ou bien réalisés dans l’espace public, deviennent un bien de consommation important en France. Cependant, nous assistons à une mutation à marche forcée du secteur, où les perdants seront les commerces physiques, les indépendants, les professionnels de la création et sa diversité. Les grands gagnants risquent une nouvelle fois d’être les firmes américaines et les GAFAM principalement. Déjà présents sur une multitude de secteurs, abusant de leur position dominante, ils disposent de moyens financiers quasi illimités.
Au risque économique, s’ajoute donc le risque d’uniformisation du secteur avec moins de créations.
Les arts permettent de nous relier les uns aux autres. La culture améliore le bien-être des personnes, notamment par un sentiment d’évasion, stimule la créativité, et donne des possibilités d’action.
La crise qui s’annonce sera un tournant pour le secteur et les différents acteurs, en plus de devoir résister aux firmes américaines, il devra convaincre le jeune public de ne pas se détourner des modes de consommation classique. L’État, comme acteur majeur de cette industrie, devra se montrer à la hauteur.
[1] (les intermittents ont des droits calculés sur 12 mois et pour obtenir leur régime d’allocations chômage en France, ils doivent travailler 507 heures en un an).