À un an de la présidentielle, le gouvernement LREM donne le ton et prend un virage très fort en direction de la droite voir de l’extrême droite.
En l’espace de quelques mois, nous sommes témoins d’un changement abrupte de la politique, notamment du gouvernement mais également de la majorité, à travers des polémiques qui n’ont aucun sens et des projets/propositions de lois axés très à droite.
Une avalanche de polémiques provenant du gouvernement
En seulement 2 mois, nous avons eu droit à plusieurs sorties totalement lunaires de la part de certains membres du gouvernement (le carré infernal Darmanin, Schiappa, Blanquer, Vidal pour ne pas les citer) qui visent à créer de toutes pièces des polémiques.
Première en date, la polémique sur l’islamogauchisme lancée par la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal, annonce la couleur. La ministre remet en cause toute une partie de la communauté scientifique et propose une espèce de chasse aux sorcières, de néo-maccarthysme franco-français dans les universités de sciences humaines et sociales en annonçant vouloir demander une enquête au CNRS afin de distinguer les vrais recherches scientifiques des autres. Elle est remballée dans les jours qui suivent à la fois par la Conférence des Présidents d’Universités[1] et par le CNRS[2] mais Darmanin et Blanquer lui apporte tout de même leur soutien. Comprenez bien, c’est l’occasion rêvée de se permettre de taper à la fois sur les musulmans et les gauchistes mais aussi de créer une police de la pensée favorable au système actuel. Blanquer réussit même la manœuvre de décrire Mélenchon comme un de ces «islamogauchistes»[3].
Il faut attendre moins d’un mois pour que la polémique sur le syndicat étudiant UNEF voit le jour. Aussitôt, le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer saisit l’occasion et compare les réunions en non-mixité, qui ont pour objectifs de libérer la parole, de parler du racisme vécu au quotidien, au fascisme[4]. Il est bien entendu rapidement rejoint par Vidal.
Et seulement quelques jours suite au début de cette polémique, Marlène Schiappa déclare que, de manière «coordonnée», EELV «flirte» avec l’islamisme[5].
Le gouvernement a donc très clairement choisit ses ennemis : la gauche et l’islam. Et à un an des élections, créer des polémiques malsaines et nauséabondes de ce type n’est pas anodin. On voit déjà quels thèmes vont prendre de l’importance lors de la campagne : sécurité et islam, pour changer. Par ailleurs, au-delà du fait d’imposer ces sujets dans le débat public et d’éviter d’autres thèmes plus difficiles à traiter de la part de la majorité, ce type de sorties de la part de membres du gouvernement risque d’accroître encore les tensions. La logique est claire : diviser pour régner.
Au-delà des polémiques, le tournant à droite de LREM se traduit par des lois
Les membres du gouvernement ne se contentent pas de faire des sorties polémiques. Ils élaborent également de nouvelles lois et notamment la loi «séparatisme». Loi qui vise à s’attaquer à nouveau à la communauté musulmane, bouc émissaire très pratique en temps de crise qui permet d’éviter des sujets embêtants comme le bilan social désastreux de LREM. Dans son débat face à Marine Le Pen, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a tenu à rassurer les autres cultes en disant assez clairement qu’il ne fallait pas qu’ils s’inquiètent, que cette loi n’est pas contre eux et qu’elle vise seulement l’islamisme. Dans ce débat, on a pu entendre d’autres passages assez incroyables et inquiétants comme la phrase de Le Pen qui nous dit à propos du livre de Darmanin Le séparatisme islamiste «j’aurais pu le signer» ou encore lorsque Darmanin trouve Le Pen «molle» sur les questions liées à l’Islam[6].
Autre loi qui illustre le virage à droite pris par la majorité : la loi sécurité globale. Cette loi est en fait une loi ultra sécuritaire, liberticide, une loi de surveillance accrue. Elle a été condamnée entre autres par Amnesty International, le Conseil de l’Europe et par plusieurs prix Nobel de la paix.
Un gouvernement d’extrême droite ?
Le gouvernement actuel n’est pas pour autant un gouvernement d’extrême droite, c’est un gouvernement qui se droitise et qui, pour reprendre le terme de Marlène Schiappa, «flirte» avec les idées d’extrême droite. Et il est vrai qu’en menant une politique d’extrême droite on discerne de moins en moins la nuance. Il n’y a qu’à regarder qui sont les députés qui ont voté pour les deux lois citées plus haut : ce sont ceux de LREM et du Rassemblement National.
Alors, est-ce que sans être au pouvoir l’extrême droite dirige ? En tout cas, elle influe très fortement sur la politique mise en place et elle a réussi à imposer ses thèmes dans le débat public. Thèmes que le gouvernement reprend allègrement en participant de tout cœur à la banalisation des idées d’extrême droite.
Il est intéressant de rappeler que le Brexit au Royaume-Uni n’a pas eu lieu car le parti UKIP était majoritaire. Non, il a eu lieu car les conservateurs ont repris ce thème par peur de se faire déborder sur la droite. Sans être au pouvoir UKIP a donc réussi à faire passer ses idées.
Le glissement à l’extrême droite de la politique de LREM correspond au même mécanisme. La stratégie à un an des élections présidentielles est assez claire : prendre des voix à la droite, qui semble bien plus dangereuse que la gauche, quitte à mener une politique d’extrême droite. Et cela, tout en comparant la gauche à l’islamisme pour la décrédibiliser, la diaboliser et éviter un face à face avec les Verts ou La France Insoumise au second tour.
La normalisation des idées d’extrême droite est inquiétante et son influence indirecte bien réelle. Jouer avec l’extrême droite est une pratique courante pour se faire élire : c’est en se présentant dès le premier tour comme le seul candidat pouvant faire face à l’extrême droite que Macron a gagné en 2017 (pour au final mener une politique qui convient très bien au Rassemblement National). Mais ce jeu est beaucoup trop dangereux et imprévisible.
C’est cette stratégie qui a fait du Rassemblement National un des plus gros partis de France. Sur la durée, le fait de mettre au devant de la scène le RN lui a permis de devenir un parti incontournable du jeu politique, faisant avancer ses idées jusqu’à ce qu’elles deviennent majoritaires sur les plateaux des chaînes d’opinions en continu.
Matthieu Vogt
[1] http://www.cpu.fr/actualite/islamo-gauchisme-stopper-la-confusion-et-les-polemiques-steriles/
[2] http://www.cnrs.fr/fr/l-islamogauchisme-nest-pas-une-realite-scientifique
[3] https://twitter.com/BFMTV/status/1363103524020760578?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1363103524020760578%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.francetvinfo.fr%2Fsociete%2Feducation%2Fpour-jean-michel-blanquer-l-islamo-gauchisme-est-un-fait-social-indubitable_4304631.html
[4] https://twitter.com/BFMTV/status/1372838414500954112?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1372838414500954112%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.huffingtonpost.fr%2Fentry%2Fblanquer-unef-reunion-non-mixtes-racisees_fr_60547ba6c5b6d6c2a2a66fa5
[5] https://twitter.com/LCI/status/1374446478031155208?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1374491980005212162%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es3_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.lefigaro.fr%2Fpolitique%2Fschiappa-estime-qu-eelv-flirte-de-plus-en-plus-dangereusement-avec-les-theses-de-l-islamisme-20210324