Suite à un espionnage numérique (écoutes téléphoniques, mails…), Marc Dugain et Christophe Labbé eurent l’idée d’écrire ce livre et mesurèrent l’ampleur de la coalition entre les Big Data et les Agences de renseignements américains.
Ce livre organisé en 16 chapitres se réfère (comme une piqûre de rappel) aux récits mythologiques, aux écrits de Platon. Les auteurs souhaitent rappeler à chaque instant qu’il ne faut aucunement perdre de vue son authenticité d’homme face à cette «dictature douce», au chant des sirènes de la facilité numérique, dont l’individu est victime.
Une dictature qui amène l’homme à être transparent, à être un producteur bénévole de données, à titre gratuit, heureux de l’être et dont l’identité numérique a et aura plus de valeur que sa propre force de travail.
Travail qui serait amené à disparaître au profit d’une intelligence artificielle qui nous dépassera, mélange de silicium et d’ADN, un homme «augmenté», un courant de pensée : le transhumanisme.
Après la chute du mur, les services américains n’avaient plus d’ennemi identifié, il a donc fallu en inventer un. Cet ennemi se nomma la menace permanente. Une menace qui légitime une surveillance totale.
Ainsi, la coalition des conglomérats du numérique américain et les services de renseignements sont clairement énoncés comme étant la menace de notre liberté et les bâtisseurs d’un nouveau monde surveillé, contrôlé. Une gouvernance et une réglementation algorithmique voient le jour et aspirent à la disparition de l’état-nation. «Il faut en finir avec la démocratie de l’État». La classe politique est asservie, un transfert du pouvoir politique s’opère vers les GAFA.
Selon la règle (de Gabor) «tout ce qui est techniquement faisable, doit être réalisé, que cette réalisation soit jugée moralement bonne ou condamnable», ce qui amène les Big Data à collecter toutes informations auprès de millions d’individus quelle que soit la nature de cette donnée. Ce n’est pas la qualité de la collecte qui est importante, c’est la collecte elle-même.
Tel le pétrole, la Data est un or noir dont le raffinage apporte valeur et permet une revente financièrement intéressante aux entreprises privées (assurances, banques…) qui elles-mêmes nous proposent leurs produits adaptés à nos comportements, des produits adaptés à la «source».
Big Mother collecte toujours plus d’informations, traitées par divers algorithmes pour en extraire un renseignement utile et surtout monétisable, politiquement et socialement intéressant.
Orwell est dépassé.
Le consommateur, nommé PROSUMER : producteur et consommateur (compulsif) est donc un citoyen transparent, sans intimité. Il n’y a rien à cacher. Pour Éric Schmidt, «l’intimité est une anomalie».
Comme les Hikimoni, l’humain se retrouve dans une dépendance et une individualité maladive, pris dans la toile de Big Mother, cette dictature indolore qui vous facilite l’existence.
Le souvenir est figé, pixellisé, la norme est disciplinaire, l’autonomie de la décision humaine s’effrite (Éric Sadin).
Les Big Data recherchent dans chaque homme l’intérêt marchand, et sollicitent ce dernier à la consommation, à la collecte de données (denrées) en continu.
Pourquoi? Pour aider au solutionnisme technologique (Morozov), la réponse aux grands problèmes mondiaux selon la Silicon Valley. Ici, le comment supplante le pourquoi. Cette idéologie portée par les grands groupes internet souligne leur capacité technologique à répondre aux problèmes de l’humanité, avec prédiction, sans s’intéresser aux causes et aux pratiques antérieures. Une non-prise en compte de l’Histoire et du «sensible»… de l’humanité.
Un nouveau code de conduite est donc imposé à l’individu. Souhaiter échapper à cette emprise numérique est être marginal, voire suspecté de dangerosité.
Ainsi, Marc Dugain et Christophe Labbé ne proposent certes pas de solutions clé en main mais expose un état de l’art de ce nouvel État de surveillance et du bon sens : prendre de la distance avec l’outil, garder un regard lucide pour que chacun puisse individuellement agir et conserver ce «sensible», cet «imprévisible», cette «créativité» qui échappent encore aux Big Data.