C’est Noël… Les bras chargés de victuailles et de cadeaux, nombre d’entre nous auront un pincement au cœur coupable en pensant à ceux qui dorment dehors, dans des camps de réfugiés ou dans des taudis. Dans la mesure de leurs moyens, beaucoup donneront une cigarette, un bol de soupe, quelques pièces…
D’après la Fondation Abbé Pierre 3,8 millions de personnes sont mal logées, 2,9 millions vivent dans des conditions très pénibles et 141 000 vivent à la rue. Il y a quelques semaines, le Président du Samu Social dressait un constat alarmant : en 2015, 70 % des appels passés au 115 n’avaient pu être traités.
Ces chiffres font mal et pourtant, nos édiles politiques le scandent à longueur de discours : ils aimeraient faire plus, ils le feront quand ils seront présidents… La faute à personne, la crise… Ces balivernes nous devrons encore les supporter pendant les mois de la campagne présidentielle. Plutôt que d’écouter les promesses de demain, confrontons-les à leurs renoncements d’hier.
10 ans d’action politique en pointillés
Il y dix ans, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2016, l’association «Les Enfants de Don Quichotte» installait un village de tentes sur les berges du Canal Saint-Martin pour dénoncer les conditions de vie des SDF. Soutenue par de nombreuses personnalités, l’initiative fut suivie un peu partout en province…
On s’en souvient la mobilisation populaire et médiatique obligea le gouvernement Chirac à adopter la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Pour rappel, le texte prévoit que pour bénéficier d’un logement décent, le bénéficiaire doit remplir 3 conditions : être de nationalité française, ne pas avoir les moyens de se loger décemment et produire une attestation de demande de logement social.
Dans son rapport de mission sur l’efficacité rendu récemment à la Ministre Cosse, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, présente un bilan plus que mitigé de la mise en œuvre du dispositif.
Tout d’abord, le nombre de ménages reconnus au titre du DALO est en diminution alors qu’il existe une aggravation manifeste de la crise du logement. Dans les faits, la reconnaissance du droit au logement opposable serait de plus en plus liée à l’offre de logements disponibles. Par ailleurs, le rapport pointe également le fait que l’ensemble des logements disponibles n’est pas mobilisé au profit des familles reconnues DALO. Aujourd’hui, plus de 60 000 ménages éligibles sont en attente d’un logement.
Propriété privée, marchands de sommeil et subventions
Au-delà du manque de proactivité des autorités dans ce dossier, ce constat permet également de pointer une constante dans l’action publique en matière de mal logement : l’inaction face aux propriétaires privés.
Pendant la campagne de 2012, le candidat Hollande s’était engagé à encadrer les loyers. Cette promesse fut théoriquement transposée dans la loi ALUR de 2014. Au départ conçue pour être appliquée dans 28 arrondissements, elle fut sous la pression de Manuel Valls, limitée à Paris intra-muros. Pour rappel, depuis 2015 dans la capitale, le loyer d’un logement ne peut dépasser un montant de référence fixé par le préfet sur la base des données produites par les observatoires locaux des loyers, majoré de 20 %. Néanmoins, des «caractéristiques de localisation ou de confort» permettent au propriétaire de fixer un complément de loyer en toute légalité et donc de contourner le dispositif prévu en toute impunité. La loi ne prévoit d’ailleurs aucun contrôle de la légitimité des suppléments exigés par le propriétaire.
Pire dans certains cas, les autorités «subventionnent» le secteur privé en matière d’hébergement d’urgence. Depuis 2012, le recours aux nuitées d’hôtel a doublé pour atteindre 41.000 places en juin 2016. Ces solutions coûtent cher et sont inefficaces. S’il s’élève en moyenne à une vingtaine d’euros par nuitée, le montant peut doubler voire tripler en urgence. En outre, ces hôtels sont souvent situés en grande banlieue donc ils obligent les personnes et plus particulièrement les familles de réfugiés à affronter d’interminables trajets en transports en commun pour effectuer les démarches administratives auprès d’associations ou d’instances administratives localisées à Paris.
Le gouvernement Hollande n’a pas été inactif en matière de logement : construction de logements sociaux, relèvement de 20% à 25% du taux obligatoire de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants d’ici 2025, adoption toute récente de la loi Égalité Citoyenneté qui vise concrètement à améliorer la mixité sociale et à améliorer la transparence dans l’attribution des logements sociaux.
Certes, ces mesures ont le mérite d’exister mais une fois encore elles se limitent à la sphère publique.
Pourtant des solutions existent
Promise par le candidat Hollande en 2012, la mise en œuvre d’une garantie universelle des loyers permettrait de donner une (nouvelle) chance à des jeunes ou moins jeunes sans apport financier.
Il est temps ensuite de mettre un terme aux expulsions à la veille de la trêve hivernale. En constante augmentation (+24% en 2015), celles-ci aboutissent souvent à des relogements d’urgence dans des hôtels et à une fragilisation de personnes en grande difficulté. Plutôt que de mettre à la rue, il convient d’intervenir en amont à l’heure des premiers loyers impayés en privilégiant des solutions de médiation de dette notamment.
Les statistiques de l’INSEE indiquent une augmentation de logements vacants de 45 % entre 2005 et 2015 où ils atteignent pas moins de 2 880 000 unités. Je ne peux pas croire qu’il n’existe aucune solution pour mobiliser ceux-ci à des fins sociales.
Le bilan est compact mais il nous donne des clés pour interpeller les anciens mandataires d’hier, aujourd’hui prétendus candidats anti-système sur leur bilan.
Accident de santé, séparation, licenciement, nous pourrions tous être amenés à ne plus pouvoir faire face aux frais de loyers. Si l’État n’est pas capable de prévoir les dispositifs qui nous permettront de ne pas sombrer ce jour-là, alors il est déjà trop tard.