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coca mexique

Boire du coca, manger des avocats, flinguer le Mexique

Eva Morletto par Eva Morletto
13 novembre 2019
dans Écologie, Économie, International, Opinion
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Halloween est passé, mais on a le droit d’avoir encore peur. Pas de squelettes ou de joyeuses têtes de mort en style Dia de los Muertos au Mexique, mais autre chose qui a de quoi nous effrayer. Cette année, le pays a fêté son Dia de los Muertos d’une manière assez singulière, en particulier à Culiacán, dans l’état de Sonora. 

Ici, le fils du roi de la drogue El Chapo, le charmant Ovidio, a été relâché, avec les félicitations et l’approbation du gouvernement, à condition que les bandits à sa solde arrêtent de mettre à feu et à sang la ville et à y semer la mort.

La manière originale du gouvernement pour combattre les cartels ressemble ainsi étonnement à la manière du gouvernement mexicain (et français au passage) de combattre la pauvreté et le défi écologique.

Si les patrons et les multinationales se font plus pressantes, menacent d’exil fiscal ou de délocalisations, alors les gouvernants lâchent un peu de lest sur les réformes, ferment les yeux ou passent à un tout autre sujet.

La touchante Fête des Morts au Mexique nous rappelle une croyance : tant que les morts ne seront pas oubliés, ils existeront dans un joyeux au-delà : le jour où on arrête de penser à eux, ils disparaîtront à jamais dans l’oubli.  L’écologie c’est pareil : tant qu’on a le sujet bien dans la tête, il y a espoir mais si on se distrait trop longtemps avec autre chose, que sais-je – le débat sur le voile par exemple – tout s’effondre à grande vitesse.

Pour vous remettre dans le bain, j’ai pensé à vous rendre le sujet un peu plus ludique, à vous faire un peu rêver, pourquoi pas ? Et quel meilleur rêve que celui du voyage ? Cet article et les prochains feront ainsi partie d’une petite série, titrée «Tour du monde en 80 désespoirs (et quelques espoirs) écologiques».

Le premier voyage, vous l’aurez compris, c’est au Mexique, un des six pays au monde les plus riches en biodiversité. Notre périple commence ici, dans ce formidable pays de l’Amérique Centrale.

C’est dans ces contrées qu’on retrouve un des pires méfaits de la mondialisation et un exemple de la puissance cynique des multinationales. Ici, dans le pays d’Emiliano Zapata et de Frida Kahlo, la firme Coca-Cola révèle son vrai visage. Mais contre elle, pas de révolution en vue, ni de projet artistique qui puisse dénoncer quoi que ce soit.

Coca-Cola à l’origine d’un scandale sanitaire

La multinationale de sodas essaie depuis quelques années de redorer son image, en s’affichant toujours plus «healthy», grâce à l’achat de marques de boissons moins néfastes pour la santé comme les jus de fruits Honest et grâce au véritable assaut donné aux sources d’eau minérale. En Italie, par exemple, les sources Lurisia, une des marques historiques d’eau en bouteille les plus connues chez nos voisins, sont passées des mains du patron d’Eataly, Oscar Farinetti – fier de son label Slow Food – à celle de la multinationale d’Atlanta pour la coquette somme de 90 millions d’euros !

Si Carlo Petrini, créateur  du Slow Food et ennemi juré des géants de l’agro-alimentaire a immédiatement retiré le précieux label à Lurisia, la presse en général et les autorités ont salué favorablement l’arrivée de Coca-Cola sur cette partie du marché…

Les nouveaux mots d’ordre «green and healthy» prétendent être la nouvelle devise du géant d’Atlanta, mais c’est au Chiapas, au Mexique, que la multinationale révèle son vrai visage. Le Doctor Jekyll qui prétend respecter la tradition made in Italy de Lurisia, est en réalité le Mister Hyde qui assèche les nappes phréatiques d’un des états mexicains les plus pauvres, ce Chiapas où la culture indienne est encore si enracinée.

La première fois que je suis allée dans ce pays fabuleux j’avais 21 ans, c’était l’époque du mythe du sous-commandant Marcos et c’est au Chiapas que ses guérilleros se cachaient et engageaient leur lutte contre la mondialisation et l’exploitation des paysans.

Une bonne raison pour aller y jeter un oeil.

À l’époque, je me suis retrouvée dans l’église de San Juan Chamula, où se tenait un rituel religieux des indiens Tzotziles : un prêtre formulait des prières énigmatiques, entouré de bougies, le sol de la petite chapelle était recouvert d’aiguilles de sapin et les statues de saints portaient au cou un petit miroir, histoire que chacun des fidèles puisse y voir le reflet de son âme.

J’avais lu que, vers la fin de la cérémonie, l’officiant buvait de l’agua ardiente. Quelle fut ma surprise quand je vis le vieux indien sortir… une bouteille de Coca pour asperger les bougies !

Un autre souvenir revient de ce lointain novembre 1995 : tous ces villages le long de la route, en plein milieu de la jungle, où chaque épicerie, chaque boutique improvisée avait un mur peint aux couleurs du célèbre soda américain, un rouge pimpant qu’on voyait de loin.

Plus de vingt ans après, un documentaire me révèle ce qui se cache depuis longtemps derrière ces curieux souvenirs. C’est grâce au travail de Julie Delettre et grâce à son très intéressant documentaire «Le Mexique sous l’emprise du Coca» que j’ai appris l’oeuvre minutieuse de propagande – on peut tout à fait la définir ainsi – que la multinationale d’Atlanta a exercé sur ce pays. La firme a ainsi dit aux petits épiciers «on vous fournit gratuitement chaises et parasols et on vous repeint les murs» et voilà, jusqu’aux hameaux les plus reculés, la vente de soda assurée, à des prix beaucoup plus accessibles que l’eau en bouteille (phénomène observable dans beaucoup de pays, on y reviendra dans les prochains articles).

Le résultat : le Coca-Cola est devenu la boisson de référence, les enfants en boivent quotidiennement dès le plus jeune âge et le taux d’obésité a explosé. Le nombre d’enfants obèses a triplé en une dizaine d’années et le Mexique détient le triste record de nombre de personnes en surpoids dans le monde : 70% !

Le rôle des boissons gazeuses sucrées et peu chères est fondamental dans cette catastrophe sanitaire sans précédent. Les pathologies liées à l’obésité font des ravages y compris chez les enfants : diabète précoce, puberté précoce, hypertension, caries dentaires, maladies cardio-circulatoires. Ces problèmes de santé se manifestent souvent chez les membres de familles pauvres, qui n’ont pas les moyens pour accéder aux soins adéquats.

Dans de nombreuses communautés rurales, les centres de soins manquent d’équipements. C’est notamment le cas au Chiapas, où les habitants de la région de San Cristobal de las Casas souffrent d’un autre fléau : l’assèchement de leurs sources, épuisées par la gigantesque usine locale de Coca-Cola, qui exploite les ressources en eau de la région en payant des concessions à un prix dérisoire.

Pour produire un litre de Coca il faut environ 6 litres d’eau, et certaines études prouvent qu’il en faut beaucoup plus, si on tient compte non seulement de l’élaboration du soda lui-même, mais de la totalité des procédés nécessaires pour obtenir la boisson (production du sucre, traitements des machines, emballage, etc…). On peut ainsi arriver, selon la méthode comptable au chiffre de 75 litres d’eau pour un litre de boisson gazeuse !

Au Chiapas, la compagnie extrait chaque jour plus de 750 000 litres d’eau. La pollution due aux bouteilles jetables en plastique complète ce tableau aux teintes sombres.

L’or vert, nouveau business des narcos

Quittons la douce San Cristobal de Las Casas et ses montagnes spectaculaires pour nous diriger plus au nord, vers le Michoacán et la beauté baroque de la ville de Morelia. Ici, des hectares et des hectares de terrain sont consacrés à la culture de l’avocat, l’«or vert». L’engouement de l’occident pour ce produit à la chair fondante a motivé les agriculteurs à se tourner vers cette nouvelle culture.

Des années 80 à aujourd’hui, les surfaces dédiées à la culture de l’avocat ont été multipliées par quatre, l’augmentation de la demande a fait croître les productions à coup d’engrais chimiques et de pesticides (le Mexique est avec le Brésil, le Japon et la Colombie un des pays qui utilise les plus fortes concentrations de pesticides) et la déforestation a, elle aussi, était multipliée en conséquence.

L’«or vert» est un grand enjeu pour l’économie mexicaine : dans la prochaine décennie, le pays perdra une de ses principales ressources minérales : l’argent. L’épuisement mondial des réserves de ce métal précieux est en effet prévu entre 2020 et 2040. Les autorités misent sur d’autres ressources, et grâce aux accords de libre-échange signés avec les États-Unis, les monocultures ont été encouragées, avec leur lot de dégâts environnementaux, déforestation et pollution du sol.

Si seulement cette économie avantageait les populations rurales ! En fait non, la monoculture a entraîné le retour à une sorte de «système d’haciendas» : des terrains à perte de vue appartiennent à un seul propriétaire, comme dans les fazendas brésiliennes, et bien souvent ce propriétaire est un investisseur étranger.

Cerise empoisonnée sur ce gros gâteau de 2,5 milliards de dollars annuels : la mafia des cartels a flairé le business et s’y est jetée tête la première, en imposant aux cultivateurs une «taxe». La punition pour ceux qui refusent de la payer est lourde, entre meurtres, incendies des fermes, tortures et innombrables actes d’intimidation.

Le tristement célèbre cartel de Los Zetas, après le trafic humain et le trafic de cannabis et de cocaïne a trouvé ainsi dans l’«or vert» sa nouvelle manne financière. Les propriétaires des exploitation agricoles sont obligés d’embaucher des gardes armés pour défendre les champs des incursions criminelles : il s’agit des avocado vigilantes. Mais leur action est limitée et les cartels ont en général main libre, et peuvent dicter en toute impunité leurs règles à ce fleurissant marché.

Si le gouvernement a accepté la libération de Ovidio Guzmán, fils d’«El Chapo», comment peut-on prétendre qu’une poignée d’hommes armés puisse désamorcer l’intérêt des narcos pour l’or vert ? Inutile de rappeler que pour les cartels, l’environnement est le cadet de leurs soucis.

Il faut 70 litres d’eau pour produire un avocat, contre 5 litres pour une tomate selon l’organisation Water Footprint Network. Business is business. Dans quelques années toute la région se retrouvera en stress hydrique. Mais la soif d’argent continuera d’avoir raison contre la nature.

Dans cette contrée du Mexique, on dirait que le destin du monde est celui de poursuivre la richesse à tout prix jusqu’à la fin, et de mourir de cette folle ambition.

La métaphore idéale qui incarne cette pensée, on la trouve dans l’étonnant cimetière des narcos à Culiacán, avec ses tombeaux surdimensionnés, en forme de villas avec jacuzzis. Des villas luxueuses pour des morts. De l’argent qui tombe sur une terre bientôt stérile.

Depuis mon voyage en 1995, beaucoup de choses ont changé dans ce pays. À San Cristobal, les sources de la forêt luxuriante se sont asséchées. À Tulum, la plage déserte avec ses iguanes et ses hamacs a été remplacée par une accumulation d’hôtels où les travailleurs migrants sont employés dans le cadre de contrats précaires renouvelés tous les mois. Dans le Michoacán de la sublime Morelia et de la paisible Pátzcuaro, les cartels de la drogue font la loi grâce à l’or vert.

On est passés du Mexique du sous-commandant Marcos à celui du commandant Narcos.

Mais surtout ici, plus qu’ailleurs, on voit la folie, le cynisme et les effets des accords de libre-échange avec les puissances mondiales comme les États-Unis.

Une leçon de plus à retenir. Que Viva Mexico ! malgré lui.

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Eva Morletto

Eva Morletto

Journaliste et reporter depuis plus de 15 ans, Eva a été directrice éditoriale en Italie pour le magazine Life Club dédié à l’art de vivre et journaliste auprès de la boite de production « Filodiretto » pour qui elle a notamment réalisé différents documentaires sur les effets de la guerre dans l’Ex-Yougoslavie. En 2006 elle est arrivée à Paris comme reporter et news-producer pour la chaine de télévision japonaise FUJI TV. Après plusieurs années, elle est devenue correspondante pour Radio Montecarlo, elle a travaillé pour l’hebdomadaire d’actualité Famiglia Cristiana et pour le magazine GQ du groupe Condé Nast. En France elle collabore ponctuellement avec Radio France Culture, Radio France International, TV 5 Monde, CNews, Arte. En 2018 elle a gagné le prix « Reporter de Paix » auprès du Festival de Journalisme italien « Forum of Mediterranean Women Journalists », grâce à ses multiples reportages sur le djihadisme en France et sur la radicalisation. Aujourd’hui elle travaille régulièrement avec GRAZIA. Pour cet hebdomadaire italien, elle s’occupe d’actualité française, avec un oeil attentif sur les enjeux écologiques et les droits des femmes. Parallèlement à son activité journalistique, elle exerce comme traductrice et biographe privée. eva.morletto@gmail.com

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