Minneapolis est en proie aux flammes et aux émeutes après un crime racial perpétré par un officier de police. Une histoire de la violence, au cœur de la construction de l’Amérique contemporaine.
Derek Chauvin, l’officier de police de Minneapolis, responsable de la mort de George Floyd avait des antécédents de violence. Il a intégré la police de Minneapolis en 2001 et au cours de sa carrière, il avait déjà fait l’objet de plus d’une douzaine de plaintes pour mauvaise conduite.
Mardi, il a été licencié ainsi que trois autres officiers du département de police de Minneapolis, soit un jour après l’incident qui a causé la mort de George Floyd. Il est inculpé d’homicide involontaire.
Les appels au secours de George Floyd ont été enregistrés sur une vidéo de téléphone portable alors qu’il mourait étouffé par l’action de contention criminelle de l’officier Chauvin. Sa mort a provoqué une vague de violentes manifestations dans plus de 30 villes depuis mercredi.
La ville de Minneapolis a été la scène de manifestations, d’émeutes et de pillages depuis la mort de George Floyd, tout comme Oakland, Chicago, Atlanta…
Une histoire de la violence
En 1965, du 11 au 17 août, le quartier de Watts à Los Angeles avait connu de violentes émeutes suite à une intervention policière. Au slogan de «Burn Baby Burn», les émeutiers avaient pillé et incendié le quartier pendant 6 jours.
Après les émeutes, qui avaient fait 34 morts et 1 032 blessés, le gouverneur de Californie avait ordonné une enquête sur la cause des émeutes, qui avait abouti à un rapport intitulé «Violence in the City – An End or a Beginning ?».
Le rapport établissait que les émeutes étaient la corrélation de longues tensions au sein du quartier de Watts, liées au taux de chômage élevé, aux mauvaises écoles et aux logements insalubres. Les propositions suggérées par le rapport incluaient des programmes d’urgence pour les élèves de maternelle et contre l’analphabétisme, une présence policière plus positive au sein de la communauté, plus de logements sociaux, plus de projets de formation professionnelle, de meilleurs services de santé et de meilleurs transports en commun. Aucune de ces mesures recommandées ne fut appliquée. Les propriétaires des centaines de boutiques incendiées ne furent pas indemnisés.
En octobre 1965, de passage à Paris, Martin Luther King interrogé sur la question, déclarait : «ce n’étaient pas des émeutes de race, mais de classe».
« Les Noirs d’aujourd’hui, ce sont les prolétaires d’hier. C’est une lutte de classes où les antagonistes auraient teint leur peau. Inconsciemment, ces masses qui hurlent et pillent vont bien plus loin que les foules calmes et belles de Selma. Ce qu’elles remettent en cause, c’est une certaine inadaptation de l’Amérique à sa richesse. C’est ce que, avec beaucoup de courage, a souligné M. Robert Kennedy : «Je ne crois pas qu’en prêchant l’ordre et la loi sans aller au fond des problèmes qui sont à la base de ces émeutes, nous puissions faire beaucoup de progrès.»
François Dupuis et Jean-François Kahn, «On va vous tuer, Mister !» in L’Express, août 1965
Au cours des années qui suivirent, d’autres grandes villes comme Cleveland, San Francisco, Chicago, Newark, furent aussi la scène d’émeutes dont les tensions raciales étaient également le détonateur. Une des pires émeutes eut lieu à Détroit, en juillet 1967 : la Garde nationale et l’armée y furent déployées afin de faire cesser les hostilités. Ces émeutes et leur réponse sécuritaire causèrent 43 morts et 1 189 blessés.
Les émeutes raciales des années 60 ont laissé une empreinte durable dans la conscience collective américaine, sans pour autant apporter une politique de long terme pour résoudre les problèmes de pauvreté et de ségrégation.
Une histoire sans fin
En mars 1991, après une course poursuite et un refus d’obtempérer, Rodney King est frappé une cinquantaine de fois, dont une fois à la tête par plusieurs officiers de police. Des extraits vidéo montrant la brutalité des policiers et leur acharnement sont repris par les chaînes de télévision du monde entier, provoquant l’indignation.
Le 29 avril 1992, après sept jours de délibération du jury, les quatre accusés sont acquittés. Moins de deux heures après cette décision de justice, des émeutes débutent à Los Angeles. Elles durent six jours, font plus de 50 morts.
Malgré le mouvement Black Lives Matter, fondé en 2013 après l’acquittement de l’assassin du jeune Trayvon Martin, les violences raciales et les émeutes sociales perdurent dans la société américaine.
Plus de 50 ans après les émeutes de Watts, aucune politique n’a mis fin à la ségrégation réelle, à la pauvreté endémique et à l’opposition des déclassés en fonction de leur origine ethnique.
Aux États-Unis, la sortie de crise sanitaire va-t-elle se transformer en profonde crise sociale ? Quelle pourrait-être alors la réponse de Donald Trump, qui joue en 2020 sa réélection ?