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Myanmar: l’invisible et impitoyable tigre asiatique

par Eva Morletto
8 février 2021
dans International
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Reportage d’Eva Morletto

Aung San Suu Kyi a été arrêtée. La fragile parenthèse enchantée de la dame de Yangoon au pouvoir n’aura pas duré longtemps. Premier Ministre depuis les élections de novembre 2015, elle a du subir les multiples pressions des militaires avec qui elle a été obligée de partager le pouvoir, jusqu’à ce nouvel épilogue signé par un coup d’Etat peu surprenant, dans un pays où la junte des généraux, n’a jamais vraiment fléchi, n’a jamais cessé son influence, ayant façonné les institutions de manière à garder une large possibilité de manoeuvre, même face au succès populaire de la NLD (Ligue Nationale pour la Démocratie), le parti de Aung San Suu Kyi.

L’armée birmane fait savoir de nouveau, sans équivoque possible, qui commande le pays.

Ce bouleversement politique sous les tropiques n’est pas un fait anodin pour le reste du monde. 

Le Myanmar est une nation qui se veut discrète dans la presse internationale: les militaires préfèrent garder une patine opaque sur leurs affaires internes, souvent menées sur le fil du rasoir de la légalité.

Pourtant, l’ancienne Birmanie est une des clés de voute dans les intérêts stratégiques asiatiques et sur l’échiquier économique mondial. En moins de dix ans, le pays est entré dans la liste des dix principaux fournisseurs de vêtements pour l’Union Européenne. Des marques comme H&M, New Look, Muji, se fournissent dans les 400 usines textiles du pays. Ce n’est pas étonnant, vu que la main d’oeuvre est encore moins chère qu’en Chine ou en Thaïlande.

Le textile n’est certainement pas la seule ressource majeure. En Birmanie se concentre aussi un des plus florissants marchés mondiaux de pierres précieuses.

90% de la production mondiale des rubis se fait ici, ainsi que la quasi totalité de production de jade, la belle pierre verte que les riches Chinois s’arrachent à prix d’or. 

Si les rubis titillent les envies des investisseurs étrangers, on retrouve la même dynamique pour le bois précieux, et notamment le teck: les militaires encouragent discrètement la déforestation; chaque année le pays perd une surface de forêt comparable à la taille de la Belgique et presque tout ce bois finit sur le marché chinois. L’armée ferme volontiers les yeux sur les tonnes de camions chargés de troncs qui passent la frontiere chaque nuit, en dépassant allègrement le quota légal de bois coupé destiné à l’exportation. À cause de ces abus, un tiers d’une des forêts tropicales les plus importantes d’Asie, s’est déjà volatilisé.

Dans cette liste des richesses variées n’oublions pas la manne par excellence qui fait de ce pays un des leaders mondiaux, une entité capable de générer des milliards, de faire tomber des dirigeants, de pousser des pions stratégiques dans l’univers de la finance: la drogue.

Un marché illégal, certes, mais un marché qui met la Birmanie sur le devant de la scène et garantit  des revenus monstrueux aux trafiquants. L’Etat Shan est l’un des plus puissants centres mondiaux de la production de métamphétamines en cristaux. En ce qui concerne l’opium, le Myanmar arrive juste après l’Afghanistan, et représente le 16% de la production mondiale.

Tse Chi Lop, surnommé « L’El Chapo asiatique » ferait pâlir les plus puissants narco-trafiquants colombiens ou mexicains avec son marché évalué à 70 milliards de dollars par une task force internationale qui enquête sur lui depuis des années. Le marché de la drogue au Myanmar est extrêmement florissant et peut compter sur la complicité des groupes militaires et paramilitaires, qui ont laissé pousser et prospérer les laboratoires dans les régions les plus reculées du pays. Mais même sans la drogue, les richesses du Myanmar sont immenses. De quoi garantir une existence digne à sa population d’une cinquantaine de millions d’habitants. Et pourtant. Les habitants de ce pays si riche en patrimoine naturel et culturel sont bien loin de profiter des ressources.

Jusqu’ici on a parlé de la Birmanie. Maintenant il faut parler des Birmans. Du peuple.

De ceux qui ne voient jamais cette manne, légale ou illegale, sinon de loin, de très loin, au travers d’une longue vue bricolée, en carton et bouts de verre. 

Dans le pays des temples sublimes de Bagan et des pagodes en or de Yangoon, un citoyen sur quatre vit dans l’extrême pauvreté: 0,87 euros par jour en moyenne. Les contrats de travail à long terme sont inexistants, les birmans ont souvent recours à des usuriers, pratique qui contribue à augmenter la dette des foyers de manière exponentielle.

Si l’industrie birmane a pu prospérer ces dernières décennies, en particulier l’industrie textile, c’est grâce en grande partie à la main d’oeuvre à bas coût. Parmi cette main d’oeuvre se trouve un nombre important de travailleurs mineurs. Il est vrai que  ces dernières années l’administration a essayé d’enrayer ce phénomène avec des nouvelles lois mais les mesures se sont révélées insuffisantes, le fléau des travailleurs enfants est encore bien présent. On quantifie leur nombre à près d’un million et demi.

Bien souvent, leurs conditions de travail sont pénibles et dangereuses pour la santé. Les petits travailleurs du marbre, courbés sur les statues de bouddha dans le quartier des artisans de Mandalay, inhalent une poussière minérale qui étouffe leurs bronches.

Dans le milieu du textile, on retrouve des enfants enfermés pendant dix heures par jour à l’intérieur de locaux surchauffés et non ventilés.

On en trouve aussi dans les champs, cultivés encore par le biais de méthodes ancestrales, sans moyens mécaniques, juste à l’aide de la force animale et humaine.

Il y a des enfants derrière les étals des marchés de poissons dans la capitale et dans les grandes villes du pays comme Mandalay, leurs mains sont fripées à force de rester dans l’eau glacée, pour nettoyer la marchandise.

Il y a des enfants aussi dans les fameuses mines de pierres précieuses autour de la ville de Mogok, le royaume des célèbres rubis « sang de pigeon » et des saphirs. Ils restent les pieds dans l’eau toute la journée car il faut constamment mouiller les minéraux: leur peau est grise, puis elle part en lambeaux. Pendant la saison des moussons, les pneumonies emportent des dizaines de jeunes vies. Les plus petits, à huit ou neuf ans sont envoyés travailler dans les tunnels les plus étroits.

On ne vit pas longtemps dans cette vallée.

Mais la cruauté de la misère ne s’acharne pas que sur les enfants au Myanmar. Un fléau terrible frappe les femmes des milieux les plus pauvres: traite et mariages forcés. Des milliers des filles sont vendues dans les villes à la frontiere chinoise, au Yunnan. Elles sont ensuite envoyées se prostituer dans les karaokés ou dans les salons de massage de la région.

Les minorités ethniques du nord-est sont particulièrement visées: les jeunes Kachin attirent l’appétit des trafiquants, qui les achètent à leur famille pour un prix qui varie entre 1000 et 6000 euros. Une partie de ces malheureuses finira mariée de force à un homme chinois en manque d’héritier. Il s’agit trop souvent de filles mineurs qui seront obligées d’enfanter très tôt, sous peine de sévices ou d’abandon.

A ce tableau sombre, s’ajoutent les conflits ethniques, notamment celui contre la communauté musulmane des Rohingyas, entassés dans des camps à la frontiere du Bangladesh, parqués dans des conditions inhumaines; ces conflits sont alimentés par la propagande d’une partie -minoritaire mais puissante – de la communauté monacale bouddhiste, poussée par des personnages douteux comme Ashin Wirathu, moine extrémiste qui prêche la xénophobie et la haine.

Dans ce pays où l’instruction est insuffisante, où les conditions sanitaires sont précaires, où les moyens de subsistance de la majorité de la population sont à peine suffisants pour se nourrir, où la presse est controlée et censurée, les militaires n’ont pratiquement pas d’obstacles pour maintenir la pression sur les habitants et pour garder ce territoire au potentiel gigantesque comme leur immense terrain de jeu, source inépuisable de richesse.

Tant que la Chine et l’Europe, pour des raisons commerciales, privilégieront les produits et les accords avec les industries birmanes, en fermant les yeux sur la condition des habitants, elles seront complices de la formation d’une classe dirigeante cruelle et avide, qui pèsera toujours plus lourd sur les marchés et sur l’échiquier géo-politique asiatique.

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Eva Morletto

Eva Morletto

Journaliste et reporter depuis plus de 15 ans, Eva a été directrice éditoriale en Italie pour le magazine Life Club dédié à l’art de vivre et journaliste auprès de la boite de production « Filodiretto » pour qui elle a notamment réalisé différents documentaires sur les effets de la guerre dans l’Ex-Yougoslavie. En 2006 elle est arrivée à Paris comme reporter et news-producer pour la chaine de télévision japonaise FUJI TV. Après plusieurs années, elle est devenue correspondante pour Radio Montecarlo, elle a travaillé pour l’hebdomadaire d’actualité Famiglia Cristiana et pour le magazine GQ du groupe Condé Nast. En France elle collabore ponctuellement avec Radio France Culture, Radio France International, TV 5 Monde, CNews, Arte. En 2018 elle a gagné le prix « Reporter de Paix » auprès du Festival de Journalisme italien « Forum of Mediterranean Women Journalists », grâce à ses multiples reportages sur le djihadisme en France et sur la radicalisation. Aujourd’hui elle travaille régulièrement avec GRAZIA. Pour cet hebdomadaire italien, elle s’occupe d’actualité française, avec un oeil attentif sur les enjeux écologiques et les droits des femmes. Parallèlement à son activité journalistique, elle exerce comme traductrice et biographe privée. eva.morletto@gmail.com

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