On nous promettait un renversement de table. Après deux heures trente de conférence de presse, les pieds n’ont même pas tremblé. Circulez, y’a rien à voir ou si peu.
Depuis des mois, des milliers de français envahissent les ronds-points, inondent les rues de la capitale et des territoires ruraux, occupent certaines entreprises et manifestent pour crier leur désir de vivre dignement. Un cri qui, peu à peu, s’est transformé en haine face à un pouvoir sourd et méprisant. Un pouvoir qui, jour après jour, érige la violence en politique d’État. Gaspard Glanz, en est la tête de proue, mais les corps mutilés, éborgnés se comptent en dizaines.
«Après ce grand débat, rien ne sera comme avant» prophétisait Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement, au début du mois d’avril. La déception est à la hauteur des attentes, énorme. Il n’y aura pas de grand soir macroniste. Les patrons peuvent souffler, les riches sont, une fois de plus, les grands absents des annonces de leur marionnette élyséenne. Mais ont-ils vraiment tremblé ? Je suis certain qu’ils ont même esquissé un sourire au moment où a été annoncée la proposition de missionner la Cour des comptes pour évaluer le montant de l’évasion fiscale. Des syndicats aux ONG, en passant par des experts et autres commissions d’enquêtes, les chiffres de l’évasion fiscale en France sont connus : entre 80 et 100 milliards d’euros par an.
En se félicitant de son début de quinquennat, «les orientations prises depuis deux ans sont justes», Emmanuel Macron a fixé d’entrée le décor : pas de changement de cap. Se livrant à un monologue surréaliste d’autocongratulation, Jupiter a rappelé que, dans sa matrice, «la réponse n’est pas dans le reniement».
On l’attendait sur le rétablissement de l’ISF, mesure emblématique, largement partagée sur les ronds-points, et même au-delà. Il n’a pas déçu, enfin ses amis. Pourtant, il avait bien commencé en pointant du doigt «un impôt vécu comme un cadeau aux riches», un cadeau de 33€ par jour pour les 358 000 français les plus riches. La chute n’en sera que plus brutale, «je l’assume et je la défends». En champion de l’oligarchie, le roi Macron ne baissera pas l’étendard de l’impôt de solidarité sur la fortune. Il faudra lui arracher des mains.
Les mots semblent pavés de bonnes intentions, mais ils viennent se fracasser sur la réalité des faits. Il dit croire «dans notre tissu associatif». Il osera même un «il faut accompagner les associations». Amnésie ou provocation ? Ce fameux «tissu», Macron l’a déchiré en supprimant entre 2017 et 2018 plus de 259 000 contrats aidés.
Et le pouvoir d’achat ? Rien non plus. La hausse du SMIC est balayée d’un revers de main, au motif «qu’elle nuit à la compétitivité des entreprises françaises». On croirait entendre Sarkozy. La même logorrhée. Dur à justifier au moment où son ami François Pinault vient de voir sa rémunération augmenter de 700%, passant de 2,7 millions d’euros en 2017 à 21,8 millions en 2018. Le même qui pleurait il y a quelques semaines pour se voir exonérer d’impôts sur ses dons pour la reconstruction de Notre-Dame. On croit rêver. Les premiers de cordées, expression que le Président a hier défendu, sont au sommet de la montagne. Mais ils sont seuls. Ils ont coupé la corde, mais nous monterons les chercher avec des piolets.
L’écologie ? 2 minutes 30. Elle est renvoyée à un conseil de défense écologique placée sous la présidence de… Macron. Alors que l’urgence de la situation devrait nous pousser à agir, le Président fait le choix de l’enfumage. Un choix mortifère. Le Président souhaite «mettre au cœur de toutes les politiques, cette question de l’urgence climatique». De belles paroles, mais quelle traduction concrète ? Il aurait pu, par exemple, annoncer le maintien des lignes de trains et déclarer le fret ferroviaire d’intérêt public. Pour rappel, en novembre dernier, Macron avait déjà annoncé la création d’un «Haut conseil sur le climat», avec aucun résultat. Mettre du vernis sur du feu, cela ne tient guère longtemps.
Ne rien annoncer est une chose, accélérer le cap et insulter en direct les millions de gens qui se mobilisent depuis des mois en est une autre. Il dit «avoir changé». Vraiment ? Hier, il n’y eut certes pas de phrases méprisantes. Les annonces se suffisent à elles-mêmes. Car au bout du compte, c’est le peuple qui devra payer la facture.
À l’exigence de justice sociale, Emmanuel Macron a répondu par «les français doivent travailler plus». Par jour, par semaine ou sur la durée de leur vie ? La réponse : les trois à la fois. Allons ne boudons pas notre plaisir ! La première leçon à tirer, c’est que le Président continue de mentir. Il a menti sur Benalla, sur Geneviève Legay et maintenant il ment sur le temps de travail. Toutes les études le montrent, les français travaillent autant que les autres, voire même plus. Au niveau annuel, un français travaille en moyen 1514 heures contre 1356 pour l’Allemagne et 1408 pour le Danemark. Peut-être le Président parle-t-il du temps de travail par semaine ? Là aussi les chiffres sont sans appel ; 36,3 heures par semaine en France, contre 36,4 heures en Espagne et 34,8 heures en Allemagne. Non Monsieur Macron, les français ne sont pas des fainéants. Ils battent même des records de productivité. Selon Eurostat, qu’on ne peut pas qualifier d’officine de gauche, en 2014 le taux de productivité d’un travailleur français été de de 128,5 contre 126,9 pour l’Allemagne ou 99,4 pour le Royaume-Uni. Ce qui faisait dire en 2015 au quotidien britannique «The Economist», livret de chevet de vos amis, que «les français pourraient être en congés le vendredi, ils produiraient encore davantage que les britanniques en une semaine». Les français travaillent donc autant que les autres, produisent plus, mais pour ce qui est de voir le résultat sonnant et trébuchant sur les feuilles de paie, on repassera. Ils doivent se contenter des miettes et votre fameuse prime Macron, que vous avez décidé de renouveler. Comme au temps des forges, vous sollicitez l’aumône patronale.
Promis juré, vous ne toucherez pas à l’âge légal de départ à la retraite. Pas que vous y croyez, mais «car vous l’avez dit dans votre programme». Donc sous-entendu en 2022, on y aura droit. En réalité, vous attaquez bien les fondements de notre système de retraites, car en allongeant la durée de cotisation et en mettant en place un système par points, vous allez obliger les gens à travailler plus longtemps. Qui voudra partir à l’âge légal avec 1000 euros de retraite ? Alors oui, sur le papier, l’âge légal ne bougera pas, mais personne ne pourra s’y référer. Quel cynisme. Les français ne sont pas dupes, ils vont vite découvrir cette duplicité. La colère n’en sera que plus forte. À chaque mot, vous craquez une allumette. Quand le feu aura pris, il sera trop tard. Et pour justifier tout cela vous osez avancer la question de l’espérance de vie. C’est votre porte-parole, Sibeth Ndiaye, menteuse en chef, qui a sans doute fourni les chiffres. La réalité, c’est qu’aujourd’hui on vit moins longtemps en bonne santé en France qu’en Europe. L’espérance de vie en bonne santé est de 64,1 ans chez les femmes et 62,7 chez les hommes en France, contre respectivement de 64,2 et 63,5 ans en moyenne en Europe. Et c’est encore pire selon les catégories socio-professionnelles, ainsi un homme cadre, âgé de 35 ans, peut espérer vivre jusqu’à 84 ans, contre 77,6 ans pour un ouvrier.
L’objectif final de ces choix serait le plein emploi d’ici 2025. Allez on reprendra bien un pin’s de Pierre Gattaz ! Vous vous souvenez, le fameux 1 million d’emplois grâce au CICE. On peut diviser ce chiffre par dix ! Ainsi entre 2013 et 2017, pour 87 milliards d’euros de CICE reçus, on comptabilise 108.000 emplois créés ou sauvegardés. En réalité, la dernière mesure qui a créé de l’emploi ce sont les 35 heures avec plus de 350.000 créations, entre 1998 et 2002. Décidément, les faits sont limpides. La solution est simple, il faut partager le temps de travail. Passons aux 32 heures ! Sans attendre !
Alors Jupiter a annoncé la réindexation des pensions de moins de 2000 euros, la fin des fermetures des écoles et des hôpitaux sans accord du maire, une dose de proportionnelle et quelques mesures populistes comme la suppression de l’ENA. Trop faible. Le compte n’y est pas et les riches sont toujours les grands gagnants. Le peuple vous donne rendez-vous le 1er mai. Gilets jaunes, gilets rouges, robes noires, stylos en colère… Faisons de ce rendez-vous, un moment historique. C’est nous qui devons renverser la table.
Une notion est beaucoup revenue dans la bouche du Président «l’art d’être français». Être français, c’est être universaliste, tolérant, colérique parfois, mais toujours avec les mots liberté, égalité et fraternité à la bouche. Cette devise républicaine, c’est le ciment de notre nation. Bien loin des propos nauséabonds tenus sur l’identité nationale, l’islam politique et le contrôle des frontières.