Bien sûr l’invasion d’un pays souverain par une superpuissance nucléaire doit être condamnée sans appel, et la classe politique française a parlé d’une voix unanime.
Mais comment aider les Ukrainiens ? La communauté internationale a choisi les sanctions, appuyées sur le secteur financier pour isoler davantage la Russie, mais ces sanctions auront des répercussions sur les économies européennes déjà malades de la gestion du Covid. L’Ukraine n’étant pas membre de l’OTAN, l’alliance Atlantique ne peut que masser des troupes à la frontières et les Etats-Unis renforcer le contingent de 40 000 soldats US déjà présents sur le sol allemand. D’autres pays, comme le Canada, la Grande-Bretagne envoient des armes létales au pouvoir ukrainien, laissé seul face à l’envahisseur.
Ce que promettent en plateau les habituels vendeurs de démocraties et de libertés en chemise blanche, c’est le sang d’une guerre sale où un peuple sans armée forte, quasiment désarmé est poussé à la guérilla sans autre aide que des petits drapeaux en image de profil sur les réseaux sociaux et des jeux de lumières bleu et jaune sur les bâtiments publics des pays loin de la guerre. La boucherie dans les rues de Kiev, Netflix pour les autres.
Assez de ce cirque !
Nous voilà donc entrés dans l’ère des empires autocratiques et des démocraties défaillantes. Chacun accusant l’autre de la corruption qui ronge le monde et assassine les libertés. Poutine accuse le régime ukrainien d’être des nazis et des drogués, le reste du monde accuse Poutine de démence. La guerre peut avoir lieu, il suffira d’un signe.
La guerre, qui sauvera encore un temps l’aristocratie financière et les marchés arrivés au bout de l’argent magique Covid des banques centrales. La guerre, qui tuera ceux qui voulaient la paix. La guerre, qui rappelle au réel les cabinets de conseils et leur technique d’ingénierie sociale via powerpoint.
La guerre, cette merde infâme.
Je suis éditorialiste chez RT France, chaîne financée par Moscou, mais dont la rédaction à Paris est composée de journalistes français. Depuis plusieurs mois, la chaîne est sous la surveillance rapprochée du CSA puis de l’Arcom, avec des pressions politiques pour trouver la faute et faire fermer cet «organe de propagande du Kremlin» selon ses détracteurs.
De faute, il n’y a pas, car les journalistes professionnels qui y travaillent le font avec conscience et dans le but d’informer, pas de désinformer, les téléspectateurs.
La faute serait donc d’être un traître à la patrie en travaillant dans une rédaction qui me donne toute liberté de parole, de choix de sujets, qui a ouvert son antenne à toutes les voix, et qui respecte la déontologie du métier de l’information. Quelle tristesse. Certains patriotes zélés ont même appelé sur Twitter à faire de RT France un nouveau Charlie. Il n’y a plus de limites à la haine.
Je suis pacifiste, je condamne moi aussi l’agression militaire de l’Ukraine, et je ne veux pas entrer dans ce patriotisme de carton, où il faudrait soudain souhaiter la mort et le plomb fondu à des milliers d’innocents en entonnant des chants joyeux, un drapeau à la main.
Je regarde le monde, je le vois sombrer. La guerre d’Empires arrive, nous en sommes les marges, nos dirigeants occidentaux sont ridicules, devenus consultants pour d’importants lobbies, il y a longtemps qu’ils ont oublié la Nation. En revanche, leur dérive autoritaire est réelle. Ce que j’ai vu ces cinq dernières années, c’est un recul sans précédent des libertés, au nom de lois d’exception qui se succèdent plus rapidement que les balles d’une mitraillette automatique. J’ai vu les cabinets de conseil gangrener l’appareil d’Etat au nom du profit et de l’efficacité comptable, j’ai vu le mensonge et la manipulation, j’ai vu la violence dont était capable un gouvernement progressiste contre son peuple.
Alors, oui, on est bien là, coincé entre des démocraties défaillantes, faisant leur mue vers des régimes néolibéraux autoritaires et des Empires autocratiques. L’humain n’a sa place ni dans l’un, ni dans l’autre régime. Les soldats russes peuvent tomber, une perte de 0,5% des forces engagées est tolérable, pour un projet d’annexion, et les citoyens des pays libres peuvent devenir d’idiots consommateurs sans droits, traités comme des animaux d’élevage.
Choisissez la broyeuse, vous avez plusieurs modèles pour faire de l’humanité une bouillie informe.
Ce monde me fait vomir, alors j’essaie encore d’en rire chaque matin.
Je ne ris plus.